Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

Une initiative de l'Institut Mines-Télécom avec un réseau de partenaires

Les MOOCs, des jugements peu étayés vers une approche plus scientifique ?

Un article repris de http://journals.openedition.org/dms/3156

Une note de lecture de Monique Grandbastien reprise de la revue Distances et Médiations des Savoirs, publiée sous licence CC by sa

Référence(s) :

Jansen, D. et Konings, L. (dir.)(2018). The 2018 OpenupEd Trend Report on MOOCs. Maastricht : EADTU. Récupéré de : https://tinyurl.com/2018OpenupEdtrendreport

Cette note s’inscrit dans une série déjà bien fournie de contributions relatives aux MOOCs dans DMS. En effet, au début de l’année 2014, DMS lançait une discussion sur le phénomène alors naissant des MOOCs, on pouvait lire dans l’édito [1]
 : « Nous ouvrons donc nos colonnes, dans ce numéro-ci et pour ceux qui suivront, aux collègues souhaitant traiter des MOOC, des manières, si diverses soient-elles, d’en rendre compte, de la pluralité des productions qui en revendiquent le label, de leurs enjeux pour l’enseignement et l’apprentissage à distance et pour l’éducation en général, ainsi que de l’engouement « massif » qu’ils suscitent et qui, en soi, est déjà un phénomène remarquable ». Plusieurs auteurs ont répondu à l’appel et proposé à la discussion leurs points de vue dans ce numéro et ceux qui ont suivi.

Le manque d’articles scientifiques et la profusion de jugements peu étayés et de promesses hasardeuses, que nous soulignions à l’époque, ont fort heureusement laissé la place à des textes plus fondés, certains publiés dans DMS à partir de 2015, et à d’autres débats, par exemple les contributions autour des capsules vidéo des MOOCs au cours de l’année 2017.

La parution du rapport 2018 d’OpenupEd [2] est l’occasion de prendre connaissance des points de vue des partenaires de ce portail européen de MOOCs.

Le rapport 2018 est en fait le troisième publié par ce consortium, après ceux de 2015 et 2016 qui peuvent aussi intéresser les lecteurs de DMS. Le premier présentait et commentait les résultats d’une enquête effectuée auprès de 67 établissements d’enseignement supérieur issus de 22 pays européens ou proches. L’objectif était de dégager les premières stratégies des établissements dans le développement des MOOCs ; de plus certaines questions provenaient d’une enquête similaire effectuée aux USA, pour mettre en évidence d’éventuelles similitudes et différences dans les motivations et les projets des établissements. En conclusion, le rapport incitait les pays européens à se saisir de cette nouvelle opportunité pour développer la formation du plus grand nombre et aussi à développer des collaborations entre eux et avec les autres parties du monde.

Le même questionnaire, enrichi de quelques rubriques, a été envoyé un an plus tard et rempli par 168 institutions de 30 pays. La stabilité partielle des rubriques a permis de faire des comparaisons et d’observer des tendances par rapport à l’enquête précédente. Les rubriques nouvelles ont été suggérées par d’autres études publiées entre temps. Le rapport de 2016 fournit le questionnaire complet et rend compte des résultats de cette seconde enquête. Ses auteurs notent une augmentation du nombre d’acteurs, de propositions et d’incitations de nature politique à différents niveaux. Toutefois les convergences et collaborations souhaitables pour passer à l’échelle internationale sont rendues difficiles en Europe par les contraintes relatives aux langues, cultures, organisations, pédagogies et technologies. Les auteurs suggèrent donc de développer un modèle générique de MOOC qui puisse être rapidement adapté à un ensemble donné de contraintes. Ils notent également une tendance à des approches dirigées par les demandes de groupes particuliers.

Contrairement aux deux précédents, le rapport 2018 ne présente pas les résultats d’une enquête, mais développe sous la forme d’une suite d’articles courts (4 pages) un certain nombre de tendances observées, principalement au niveau européen, dans le développement de MOOCs. Chacun des articles est suivi d’une bibliographie conséquente. Au-delà des quelques « ballons d’essai » des premières années, et des opportunités d’apprentissage offertes au plus grand nombre, les auteurs remarquent que les MOOCs prennent une place croissante comme pédagogies innovantes dans l’enseignement supérieur et comme support de formation professionnelle continue.

Le premier article tente d’apporter des réponses à la question suivante : pourquoi une institution d’enseignement supérieur investit-elle dans les MOOCs ? Les principales motivations ont évolué au fil des années, trois vagues de motivations sont distinguées : (1) des MOOCs pour le marketing, pour accroître sa visibilité, pour attirer des étudiants, c’est le point de vue des pionniers, souvent aux USA, (2) des MOOCs pour l’apprentissage tout au long de la vie, souvent favorisés par le développement d’initiatives nationales comme FutureLearn au Royaume Uni, FUN en France, et d’autres en Espagne, Italie, Mexique, Australie, Russie, Chine, Inde, Indonésie, Moyen-Orient (3) des MOOCs pour obtenir des crédits diplômants et construire un développement professionnel continu. Cette période voit le développement de partenariats avec des universités pour l’octroi de crédits et de diplômes, à côté de la poursuite des cours ouverts à tous, le nombre de 80 millions de participants est avancé pour 2017.

En conclusion, l’auteur tient pour acquis que les MOOCs ne vont pas disparaître du paysage, mais reste prudent à propos des orientations futures.

Le second texte s’intéresse aux tendances observées dans la recherche et les applications des MOOCs. Les thèmes soulignés dans une première analyse datant de 2014 semblent toujours d’actualité : l’engagement de l’étudiant et ses succès, la conception des MOOCs et des curriculums, le contrôle de son apprentissage et les relations sociales, les réseaux sociaux et l’apprentissage en réseaux, les motivations, attitudes et critères de succès. Les auteurs notent ensuite qu’au départ on distinguait deux types de MOOCs, les xMOOCs fondés sur les contenus, à structure assez rigide et les cMOOCs fondés sur les interactions et adoptant une approche connectiviste de l’apprentissage. Dès 2015 une nouvelle étude met en évidence un continuum de types de MOOCs qui combinent différents aspects des cours en ligne pour satisfaire différents besoins et différents étudiants. Pour le futur, les auteurs citent comme domaines de recherche actifs les libellés qui suivent :

  • Comment l’apprentissage survient-il dans le cadre de ces cours ?

-* Quelles ressources facilitent l’engagement des étudiants ?

-* Comment peut-on aider les étudiants pour améliorer leurs apprentissages ?

-* Comment concevoir et déployer des cours qui favorisent ces processus ?

Ils soulignent l’insuffisance de l’observation des taux d’abandon pour tirer des conclusions valables à propos de l’efficacité d’un cours. Ils mentionnent comme trait émergeant, l’utilisation des « learning analytics » pour prédire ou identifier les progrès ou les échecs des participants. Enfin, les derniers paragraphes sont consacrés aux modèles économiques et aux certifications, deux questions étroitement liées dans beaucoup de projets actuels.

Les quatre textes suivants rendent compte d’expériences de développement de MOOCs dans des universités et des conclusions que l’ont peut en tirer selon divers points de vue. Les promoteurs d’un ensemble de MOOCs à l’Université d’Alicante (Espagne), proposent des exemples de solutions pour le développement de plateformes durables au sens de leur viabilité économique et technique. Leur démarche inclut (1) de nouvelles offres comme des NOOCs (Nano Open Online Courses) et la facturation des inscriptions et certifications relatives à ces cours spécialisés, (2) une flexibilité maximale de la structure des MOOCs, notamment dans le temps, (3) des méthodes de validations standardisées et flexibles aussi, (4) plusieurs modèles économiques : Payer pour suivre un cours, commencer gratuitement et payer pour approfondir, accéder gratuitement et payer pour obtenir une certification.

L’article suivant montre comment les MOOCs peuvent être vecteurs de changement avec l’exemple de l’université Anadolu en Turquie. Cette université délivre des cours à distance depuis les années 1980, mais elle a aussi des étudiants sur son campus. Le développement de MOOCs lui a permis de mieux cerner les besoins de ses étudiants à distance et de proposer des cours dans des domaines qui ne semblaient pas relever de la formation à distance, comme la santé, la musique, le sport, le management, etc. Des méthodes d’évaluation alternatives ont peu à peu été proposées aux enseignants, et le nombre de MOOCs offerts est passé de 4 en 2014 à 58 en 2018.

Dans son papier, J. Traxler (UK) revient sur les dérives constatées depuis le paradigme fondateur de Siemens en 2005 et souligne la fragilité du concept de MOOC communautaire dans un monde globalisé dans lequel une forme de monoculture « edtech » d’origine anglo-saxonne tend à occuper tout le terrain. Il résume et justifie les principes sur lesquels doivent reposer ces MOOCs communautaires à partir de son expérience de MobiMOOC relatif à l’apprentissage mobile.

La contribution de l’université d’Oviedo (Espagne) concerne l’importance des réseaux humains à développer autour du déploiement (côté implication des enseignants) et du suivi (côté implication des apprenants) d’un MOOC. Les auteurs analysent le détail des interactions pour un MOOC et la formation de « communities of inquiry », ils s’appuient sur l’observation d’un MOOC destiné aux interventions éducatives vers des groupes en situation d’exclusion sociale.

Creelman et Witthaus reviennent également sur la construction de « bulles fermées » au sein desquelles les apprenants interagissent et travaillent, ils en soulignent le caractère facilitateur, voire impératif pour des publics qui n’ont pas encore l’autonomie nécessaire pour bénéficier pleinement des formations en ligne. Leurs exemples supports concernent des modules de formation pour des réfugiés.

Les deux derniers articles traitent de deux cibles de formation professionnelle. Le premier de Friedel et Staubitz analysent les tendances qui émergent de l’utilisation de MOOCs dans les entreprises (Corporate MOOCs). Ils soulignent à la fois une frilosité persistante pour laquelle ils avancent des causes et proposent une liste de pistes pour progresser. Le second est relatif à la formation en Grèce d’enseignants du second degré pour accroitre leurs compétences relatives au numérique, notamment une initiation à la programmation, par l’Open University hellénique. Les auteurs de cette formation ont tenté de prendre en compte les principales causes d’insuccès pour ce type de formation et expliquent leur mise en œuvre. On y retrouve un fort encadrement, la répartition des participants en petits groupes à distance, l’implantation complète sur une plate-forme Moodle et l’utilisation des learning analytics de Moodle pour analyser et évaluer l’activité et les appréciations des participants. La démarche est proposée comme modèle pour le développement d’un MOOC sur Moodle.

Beaucoup des principaux thèmes de réflexion autour des MOOCs ont donc été abordés. Je regrette pour ma part que la question de l’efficacité des apprentissages ne soit étudiée que par des enquêtes de satisfaction, des études longitudinales sur les mêmes populations seraient nécessaires. De même, si l’insertion des MOOCs dans l’offre des institutions d’enseignement supérieur semble être une tendance féconde, leur articulation avec d’autres modes de formation semble peu étudiée. Ce sera peut-être l’objet de futurs rapports.

Licence : CC by-sa

Notes

[1Vidal, M., Grandbastien, M. et Mœglin, P. Éditorial. Distances et médiations des savoirs, 5. Récupéré le 26 novembre 2018 de : http://journals.openedition.org/dms/628

[22 OpenupEd : Ce projet est conduit depuis 2013 par Darco Jansen de l’EADTU dans le cadre du programme ERASMUS+, https://www.openuped.eu/ (consulté le 26 novembre 2018)

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