Cet article décrit l’un des projets présentés en 2017 lors des journées de l’innovation, en avant-première de la Journée nationale de l’Innovation 2018.
Comment l’École peut-elle être perçue différemment par ses élèves ? Apprendre avec du plaisir permet-il de mieux apprendre ? Qu’est-ce qu’apprendre ? Dans quels types de situations les élèves sont-ils en position de réussite ?
Depuis trois ans, mes classes d’école élémentaire (CE2, CM1) sont engagées dans un projet expérimental de l’Éducation nationale en lien avec la recherche.
Ce projet CARDIE, mentoré par François Taddei, directeur du CRI Paris et Amélia Legavre, doctorante en sociologie de l’éducation au CRI Paris/OSC Sciences Po, constitue un projet d’exploration des manières d’apprendre tant pour les élèves que pour moi, enseignante.
Développer le questionnement des élèves
Son principal objectif est de développer le questionnement des élèves comme source et outil d’apprentissage, une activité transversale à toutes les disciplines dans le but de :
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construire un climat de la classe positif : favoriser le bien-être, encourager la parole argumentée de l’élève au travers de pratiques coopératives, conforter le droit à l’erreur comme processus d’apprentissage, mettre en place des systèmes d’entraide et de partage de savoirs entre élèves ;
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mettre en œuvre un fonctionnement participatif et démocratique au sein de la classe : choix d’activités, de projets, de manières d’apprendre ;
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développer un esprit critique vis-à-vis de ses manières d’apprendre : quelles stratégies mises en œuvre pour quelle efficacité ?
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améliorer le rapport au savoir et construire le savoir-être par l’élaboration de projets interdisciplinaires qui intègrent le numérique : projets d’apprentissage par la recherche dans le but d’acquérir des méthodes d’investigation en pratiquant la démarche scientifique ; projets d’action citoyenne dans le but de permettre aux élèves de construire progressivement leur rapport aux autres ainsi que leur responsabilité dans un monde dans lequel ils peuvent d’ores et déjà être acteurs.
Explorer, pour réfléchir à l’acte d’apprendre
Le projet a également pour but de renforcer le lien école-famille en partageant les avancées des projets et les réalisations de la classe via les usages numériques et des rencontres hors temps scolaire.
Une des spécificités est d’intégrer, dans le fonctionnement de classe, une démarche réflexive sur l’acte d’apprendre grâce à plusieurs domaines d’exploration : la philosophie (« Qu’est-ce qu’apprendre ? » « Pourquoi apprendre ? »), la sociologie (« Quel est le rôle des interactions dans l’apprentissage ? »), la psychologie (« Que ressent-on lorsque l’on apprend ? » « Qu’est-ce que le plaisir ? » « A quoi sert-il ? »), les sciences cognitives (« Comment apprend-on ? », « Quelles sont les différentes manières d’apprendre ? »).
Afin de donner du sens à ces réflexions et répondre aux besoins identifiés en classe, les solutions envisagées par les élèves sont mises en place pour essai avant analyse critique collective, apportant ainsi une dimension de recherche-action à cette exploration.
Ce fonctionnement, à la fois créatif et réflexif, permet de solutionner certaines problématiques concrètes du terrain tout en étant aidés, selon nos besoins, par nos mentors de recherche qui partagent leur expertise et leurs connaissances.
Dans son déroulement, ce projet expérimental envisage le travail personnel des élèves de manière variée tant sur un plan didactique que pédagogique, en considérant aussi bien la question de la transmission des connaissances disciplinaires que, de manière plus transversale, celle de la relation entre l’enseignant et les élèves et entre les élèves eux-mêmes.
Des activités très diverses et personnalisées
L’apprentissage revêt de nombreuses formes. Dans un parcours personnalisé par l’utilisation de ceintures de compétences en mathématiques et en français, les élèves s’exercent et explorent diverses manières d’apprendre dans le but d’« apprendre à apprendre ».
Ils s’investissent dans des activités de production (cartes mentales, exposés, blogs, films…), de recherche (projets, défis…). D’entraînement écrit mais aussi d’entraînement numérique qui permet la répétition et le réinvestissement de notions scolaires ou bien par des jeux (jeux de cartes et jeux de plateau dont le but est aussi d’accepter le rapport à la règle et d’apprendre à gérer les défaites ou les erreurs).
Le travail personnel des élèves est structuré dans le temps : apprentissage seul, à deux, en groupe, entraînement selon des modalités à leur initiative et accompagné par l’enseignante.
En cas de difficulté, la priorité est au questionnement et à la recherche au moyen des outils disponibles avant de mettre en œuvre tout un système d’entraide et d’aide (marché des besoins, tuteurs, groupes de besoin).
Enfin, des activités de métacognition sont progressivement développées au cours de l’année : les élèves explicitent leurs stratégies, les partagent avec les autres élèves et peuvent en garder des traces mémoire collective ou individuelle.
Dans ce projet, le lien avec la recherche s’effectue à trois niveaux
Le premier niveau consiste en une participation de la classe à des projets d’éducation par la recherche. Chaque année depuis quatre ans, les élèves s’engagent dans un ou plusieurs projets en partenariat avec des dispositifs et/ou laboratoires de recherche :
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Le dispositif Les Savanturiers au Centre de Recherche Interdisciplinaire permet aux élèves d’explorer une question scientifique avec l’aide d’un chercheur/mentor et de mettre en pratique une démarche d’investigation tels des apprentis chercheurs dans des domaines variés (climatologie, sciences cognitives et biologie ces dernières années pour ma classe).
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L’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences de Bordeaux a accompagné mes élèves à l’occasion d’un projet Savanturiers en neurosciences.
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L’Institut National de Recherche en Agronomie mène un projet de sciences participatives en biologie et écologie auquel ma classe participe cette année.
Le deuxième niveau de lien avec la recherche se caractérise par un développement professionnel en relation avec la recherche. Les projets d’éducation par la recherche menés en classe ont permis de nouer un contact avec des chercheurs dans les divers domaines d’exploration abordés puis des formations (Savanturiers, Bâtisseurs de possibles, MOOCs) ont enrichi ce cheminement.
Des lectures d’articles ou d’ouvrages complètent les connaissances nécessaires au déroulement des projets de la classe et ouvrent à un questionnement plus général sur l’éducation.
Enfin, des contacts ponctuels avec des chercheurs d’autres domaines comme en pédagogie (Sylvain Connac, Philippe Meirieu) et des lectures en psychologie ont permis de répondre à des interrogations davantage en relation avec l’aspect affectif, motivationnel et relationnel des élèves.
Il existe désormais un troisième niveau de lien avec la recherche sous la forme d’une contribution à des études en cours. Au-delà de participer à un projet de sciences participatives de l’INRA sur les parasites des chênes pédonculés en Europe, ma classe prend part à l’évaluation du dispositif des Savanturiers mené par l’Université de Mons (Belgique). Elle est aussi le terrain d’observation d’une recherche doctorale en sociologie de l’éducation sur le lien entre pédagogies et rapport des élèves aux savoirs.
Par ce projet, les élèves sont invités à adopter une attitude de chercheurs tout en développant une motivation à apprendre. Ce que je peux observer de ma position d’enseignante, c’est la hausse d’engagement des élèves dans les activités scolaires, leur capacité à aller vers la nouveauté, leur plaisir à être, penser et faire ensemble.
La question serait maintenant de percevoir si les méthodes et comportements initiés pendant le projet deviennent transférables à d’autres situations et reproductibles dans le temps. Ce qui mériterait une recherche en soi !
The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.
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