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Débat : Vive la réforme du bac, si c’est pour aller plus loin… vers le lycée unique ?

Un article repris de http://theconversation.com/debat-vi...

Projet lycéen avec visite d’un centre de recherche de l’INRA en mai 2017. INRA/Flickr, CC BY

Le ministre de l’Éducation nationale, Jean‑Michel Blanquer vient d’annoncer une réforme du baccalauréat, pour « redonner du sens » à cet examen « en finir avec le bachotage » ». Deux axes de réflexion sont proposés : la suppression des séries de baccalauréat, une part accrue contrôle continu dans l’examen. Des consultations devraient avoir lieu pour en débattre…

L’École ne se borne pas à reproduire les inégalités sociales, elles les accentuent. La question scolaire devient la question sociale du XXIe siècle : elle interroge qui peut participer de notre société en train de s’élaborer et qui ne peut y prétendre. Pour parier sur l’éducabilité de tous les enfants, il faut modifier l’organisation et la mise en œuvre des savoirs.

Cette réforme est une opportunité si nous savons la saisir ensemble…

Pour une transformation radicale du lycée

La réforme du bac peut être le moment d’une réflexion collective autour du lycée, symbolique d’une mutation de regards. La division précoce en séries, filières, classes qui s’opèrent dès le collège et plus encore au lycée produit un tri scolaire et social qui doit cesser. Les orientations scolaires précoces sont dommageables non seulement aux élèves laissés-pour-compte de la méritocratie élitiste mais aussi à l’intérêt général.

Le lycée unique parierait sur l’éducabilité de tous les enfants. Il ne permet plus l’existence de voies, de filières, de séries, de classes de relégation, vécues comme des voies de garage, porteuses de souffrances scolaires. Il ne permet plus d’élimination de certaines catégories sociales jusqu’au baccalauréat. Il prend prendre acte des inégalités par des modalités d’accompagnement pédagogiques diversifiées. Il peut utiliser notamment la mise en projet qui génère de l’estime de soi, une dynamique collective, de nouvelles relations entre élèves et enseignants.

Des propositions pour alimenter le débat

1. Un tronc commun progressif et obligatoire.

Le lycée unique, c’est la disparition des filières, des séries et des classes au lycée. Mais il ne s’agit pas non plus de parcours scolaires à la carte : le libre choix d’options, plus ou moins sélectives conduirait immanquablement à reproduire les mêmes différenciations scolaires et sociales. Il faut instaurer un tronc commun progressif et obligatoire, que chacun parcourt à son rythme couplé à des projets pluridisciplinaires.

2. Les Années sont individualisables et modulables.

Pour les disciplines fondamentales du Tronc commun (français, mathématiques, langues, sport, histoire, etc.), les trois années de lycée pourraient être découpées en unités de contenu semestrielles de niveau croissant : niveau 1 à 6, le niveau 6 étant le niveau de contenu de l’examen final, le baccalauréat. Les groupes d’élèves s’organisent selon les compétences de chacun dans des cours semestriels qui avancent plus ou moins vite et permettent à chaque élève de progresser à son rythme et de manière différenciée selon les matières : par exemple, en mathématiques le niveau 6 peut être obtenu en 4 semestres et en français en 7 ou 8 semestres… Les années sont donc individualisables et modulables et ne permettent jamais de comparaison stigmatisante terme à terme, ni entre les élèves. Cela impose aussi de rompre l’idée de classe et avec celle d’un professeur attitré par classe. Aucun redoublement n’est possible mais le parcours peut être plus ou moins long selon les élèves et d’une discipline à l’autre, le tout étant d’atteindre le niveau de contenu 6 avant l’examen.

3. Disciplines optionnelles et projets collectifs.

Les disciplines optionnelles obligatoires peuvent être des disciplines professionnelles, techniques, ou culturelles et sont organisées sous forme de projets collectifs.

4. Des modules d’accompagnement à la scolarité.

En pariant sur l’éducabilité de haut niveau de tout élève, en ayant pour objectif de réduire les écarts cognitifs aujourd’hui prégnants entre les élèves à l’entrée au lycée, des pratiques d’accompagnement et de remédiation scolaires s’imposent. Choix volontaires des élèves, ces modules d’accompagnement à la scolarité pourraient aussi se nourrir des nouvelles technologies d’information et de la communication, voire même de formation à distance.

5. Préparer l’après-bac.

Des modules de préparation aux études post-baccalauréat seraient organisés. Des enseignants des formations post-baccalauréat pourraient intervenir dans ces modules de préparation, pour réduire la césure entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. À terme l’enseignement supérieur lui-même serait aussi remanié…

6. Un bac par sessions.

Face à ce projet très ambitieux, le baccalauréat devient un examen de terme pour tous les élèves. Il devra être remanié à l’aune de cette nouvelle conception du lycée, notamment en proposant des sessions, chaque élève choisissant de les passer à son rythme.

7. Collectif, coopération, ouverture.

La pratique de projets pédagogiques collectifs à tous les niveaux d’enseignements permet de nouvelles modalités d’interactions pédagogiques, de nouveaux modes d’accès aux savoirs, l’utilisation des compétences diversifiées de tous les acteurs de l’école. Il s’agit d’introduire une attitude expérimentale par rapport aux pratiques et aux situations éducatives. La mise en projet génère de l’estime de soi, une dynamique collective, de nouvelles relations entre élèves et enseignants. Les professeurs, véritables passeurs de savoirs fixent un cadre pédagogique, accompagnent le projet.

Le climat en classe y devient tolérant à l’erreur et au partage. L’élève redevient acteur, s’approprie les démarches, donne du sens à ce qu’il fait, dans la double acception de signification et direction. La coopération entre élèves, entre élèves et professeurs entre tous les acteurs du projet est gage de réussite : la concurrence et la compétition ne sont plus de mises pour mener à bien le projet. Ce choix pédagogique prend prendre acte des inégalités par des modalités d’accompagnement pédagogiques diversifiées : chacun s’investit dans le projet à l’aune de ses possibilités du moment. Cela impose aussi d’ouvrir l’école sur l’extérieur, les familles autant que les chercheurs, les artistes, les professionnels.

8. Des projets collectifs et ouverts.

Les professeurs sont en charge d’organisation de projet pédagogique collectif d’ordre culturel artistique technique dés le collège. Ces projets participent à la formation ; ils sont obligatoires mais définis collégialement. Les professeurs stagiaires y participent ; des artistes et chercheurs peuvent y être associés.

9. Une pédagogie par projets pour les options obligatoires.

Les disciplines optionnelles obligatoires du lycée unique (disciplines professionnelles, techniques, ou culturelles) sont organisées sous forme de projets collectifs. Elles sont choisies par les familles et les élèves à l’aune d’une véritable politique d’orientation. Elles ne sont pas dispensées de manière disciplinaire et isolées mais mettent en œuvre une pédagogie de projet, sous forme d’un projet collectif semestriel mené avec plusieurs élèves et plusieurs enseignants : à titre illustratif, parmi les projets culturels, il peut s’agir de monter une comédie musicale, une pièce de théâtre, ou une exposition de photos, de réaliser une bande dessinée, d’inviter des auteurs à présenter leurs ouvrages, d’organiser un café philo ou un tournoi de football, de créer un site Internet, de faire une enquête sociologique…

Ces projets poursuivent des objectifs pédagogiques définis en commun par les enseignants. De la même manière, des projets techniques ou professionnels peuvent être mis en œuvre justifiant la collaboration des enseignants de disciplines différentes permettant de familiariser l’élève avec un choix professionnel futur… ou/et une réalisation technique. Ces projets peuvent même engendrer la nécessité de circuler d’un établissement à un autre dans un bassin de formation, notamment dans les matières professionnelles nécessitant des équipements coûteux, qui seront ainsi mutualisés.

The Conversation

Béatrice Mabilon-Bonfils est membre du LABORATOIRE BONHEURS (Bien-être, Organisations, Numérique, Habitabilité, Education, Universalité, Relation, Savoirs) à l’université de Cergy-Pontoise.

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