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Sport : comment les réseaux sociaux transforment les pratiques des jeunes

Un article repris de https://theconversation.com/sport-c...

Les avancées technologiques ont modifié le rapport au monde et aux relations humaines. Dans une société de l’image, marquée du sceau de l’individualisme, il s’agit désormais d’investir dans un corps « capital » infiniment perfectible, et à préserver. On observe une hausse des activités d’entretien et de forme depuis la crise sanitaire, et les jeunes sont de plus en plus nombreux à fréquenter les salles de sport.

Pour autant, ils peuvent se lasser très vite d’un sport. Tout se consomme et se vit en « mode Netflix ». Ce zapping sportif témoigne plus largement d’une société de l’immédiateté, en perpétuelle accélération. Pour une jeunesse en quête de sens et de valeurs, la pratique sportive apparaît comme un lieu de socialisation, permettant d’exprimer une certaine manière d’être.




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Les jeunes aiment le sport, mais de préférence sans contrainte. Le modèle sportif traditionnel est invité à faire sa révolution. Les réseaux sociaux ont modifié la sociabilité sportive des jeunes. Le sport connecté pratiqué à domicile ne risque-t-il pas d’éloigner les jeunes d’un certain apprentissage du vivre-ensemble ?

Des communautés de pratiquants

On assiste actuellement à une prise de distance avec les structures classiques de pratique du sport – clubs, fédérations – au bénéfice d’une organisation plus souple et connectée. Si le sport fait partie intégrante de la culture des jeunes, un décrochage significatif s’observe à l’adolescence au sein des fédérations sportives. Leur engagement sportif persiste, mais de manière moins visible et dans un cadre moins conventionnel, à travers des réseaux et des plates-formes numériques.

De plus en plus souvent, le sportif fait partie d’une communauté en ligne avec laquelle il interagit et se socialise. Il est alors possible de faire du sport seul chez soi et d’échanger ensuite avec d’autres sportifs passionnés via un réseau social. Certaines applications permettent également de trouver des partenaires ou rejoindre un groupe en partie constitué dans une activité sportive, comme la course à pied.

Au fondement de cette évolution numérique, on trouve téléphones et montres qui accompagnent désormais les sorties ludo-sportives. En 2022, 36 % des pratiquants ont utilisé des instruments de mesure des activités physiques, qui permettent de visualiser leurs performances, leurs progrès puis d’immortaliser leurs exploits via des applications de partage.

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Toutefois, si ces pratiques peuvent sembler plus libres, de nouvelles normes émergent. L’individu peut être amené à se conformer aux avis de groupes de pairs et à orienter son comportement en fonction de ces enjeux d’influence sociale. Les applications et les objets connectés deviennent de plus en plus indispensables à la pratique physique, enlevant de la spontanéité aux sorties ou aux séances de sport. Ce recours à des outils de mesure modifie le rapport à l’effort physique, incitant les individus à se comparer et risquant de discriminer les usagers qui ne sont pas suffisamment performants.

Par ailleurs, des applications permettent de surveiller sa santé, le nombre de pas effectués par jour, son rythme cardiaque, ou encore les calories brûlées. Ce centrage des pratiques autour du sport-santé donne lieu à une forme de contrôle et de surveillance des corps. La recherche de performance, et parfois l’excès, peut conduire certains individus à des troubles pathologiques plus ou moins graves (achats compulsifs de compléments alimentaires, anorexie, boulimie, dépression).

Une mise en scène de ses performances

L’adolescence témoigne d’une période de construction de soi, le jeune recherchant l’autonomie par rapport à l’adulte. Les réseaux sociaux sont des espaces identitaires, offrant à chacun la possibilité d’avoir un contrôle sur la manière dont chacun se présente. Les adolescents peuvent ainsi exposer dans l’espace public des traits de leur identité et réfléchir à la manière dont ils sont perçus par les autres.

La mise en scène de la vie sportive témoigne d’une forme de narcissisme. Le jeune pratiquant est alors soucieux de sa performance, cherchant à se dépasser lui-même ou à se confronter aux autres. Chaque individu est sommé de se surpasser, d’être compétitif dans sa vie sociale et professionnelle, de l’école à l’entreprise, des loisirs au sport.

Le pratiquant libre et autonome est parfois rattrapé par une forme d’engagement contradictoire propre à la société des loisirs de masse. Il peut ainsi tout autant revendiquer la possibilité de pratiquer « à la carte » (objectif personnel, mode d’adhésion, flexibilité) et, en même temps, être soucieux de ses propres performances (amélioration de soi, quête individualiste, valeur de compétition). Entre désir de liberté individuelle et conformité aux normes sociales, les pratiquants de loisirs sportifs entretiennent des rapports ambivalents. En course à pied ou en musculation, le sportif peut tout autant revendiquer une pratique libre et accepter un certain nombre de contraintes à travers un entraînement régulier et la participation à un évènement sportif organisé (marathon, ultra-trail, course à obstacles).

Dans une société où le corps fait l’objet d’une couverture publicitaire et médiatique forte, les adolescents s’engagent massivement vers des pratiques égocentrées répondant à leurs préoccupations narcissiques. Musculation, crossfitness ou « HIIT » (méthode d’entraînement à haute intensité visant le renforcement musculaire) séduisent de plus en plus les jeunes. La recherche d’un corps idéalisé entraîne une culpabilisation de celles et ceux qui s’écartent de cette norme sociale.

Retouchée ou déformée sur les médias sociaux, l’image corporelle correspond rarement à la réalité. Les « filtres » utilisés peuvent alors créer un syndrome de dysmorphisme et être source de mal-être. Ce phénomène se traduit par un décalage psychologique entre la réalité et la perception de son propre corps.

Ces tendances sont d’autant plus inquiétantes qu’elles touchent des publics de plus en plus jeunes et de moins en moins conscients des risques qu’ils encourent.

De nouvelles normes de sociabilité sportive

On assiste aujourd’hui à une évolution des modes de vie (épanouissement personnel, valorisation du temps libre), ce qui interroge le rapport au temps et à l’espace dédiés à la pratique sportive (flexibilité professionnelle, pratiquer seul, à domicile). L’évolution de l’organisation du temps de travail (télétravail à domicile) renforce la part d’individualisme de la société.

Les nouvelles technologies accentuent l’activité individuelle et la pratique à domicile, éloignant les usagers du club sportif qui est un lieu de socialisation encadré par des professionnels. Ces structures font face au défi de la fidélisation du public. Elles se voient contraintes de se réinventer et de proposer d’autres modalités pour des personnes adeptes d’une pratique sportive autonome, sans partenaire et sans encadrement.




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Les fédérations sportives se saisissent par exemple des enjeux du « sport-santé », développant alors de nouvelles activités physiques à visée de santé. Elles font cohabiter différents types et modalités de pratiques pour répondre aux habitudes des jeunes basées sur la multi-pratique (seul, en groupe, encadrée ou libre, en milieu naturel ou artificiel).

Dans cet univers de la forme et du sport-santé, le jeune doit être accompagné et encadré par des professionnels de l’activité physique. Face à l’omniprésence de corps standardisés sur les réseaux sociaux, ces derniers ont pour mission d’aider l’adolescent à (re) construire un rapport au corps plus objectif et rationnel, les incitant à évoluer ensemble dans un espace social de pratique où l’entraide et la tolérance sont des valeurs primordiales.

Il y a urgence pour la société à prendre soin et à accepter tous les corps, en refusant d’être gouvernés par les diktats d’une société d’apparence.

The Conversation

Guillaume Dietsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Licence : CC by-nd

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