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La Fabrique des futurs

14 février 2023 par Cécile Blanchard Cahiers pédagogiques 280 visites 0 commentaire

Un article repris de https://www.cahiers-pedagogiques.co...

Et si, sur la question climatique et sur la perte de biodiversité, on échappait aussi bien au déni qu’à l’écoanxiété paralysante, grâce au récit fictionnel ? Imaginer des avenirs possibles sous contrainte climatique est un thème de travail de l’OCE (Office for climate education), qui organisait le 27 janvier dernier à l’Académie du climat à Paris une exposition, un débat et une lecture musicale.

Un article par Jean-Michel Zakhartchouk et Jean-Charles Léon repris des Cahiers pédagogiqueshttps://www.cahiers-pedagogiques.com/, une publication sous licence CC by nc nd

Dans une table ronde, chercheurs, écrivains et médiateurs d’écriture ont ouvert de nombreuses pistes pour une utilisation à l’école mais aussi dans la formation des enseignants du récit fictionnel pour faire entrer les élèves dans un futur pensable.

La question est bien, pour Simon Klein, médiateur scientifique à l’OCE et animateur de la table ronde, d’inviter à l’action, à l’engagement et si les informations scientifiques sont importantes et même essentielles, elles ne suffisent pas. La narration peut s’avérer un puissant levier pour cet engagement positif.
Science et récit, complémentaires ?

Daniel Suchet, maître de conférence à l’école polytechnique a coordonné un ouvrage Nos futurs dans lequel se sont associés un auteur de science-fiction et un scientifique pour écrire sur le thème du réchauffement climatique, ce qui donne une diversité de perspectives, avec des interactions entre les deux types d’écrit, le texte de science pouvant se nourrir de la fiction par exemple.

Mathieu Simonet, auteur, a travaillé lors d’un atelier d’écriture créative avec une douzaine d’étudiants, en collaborant avec Aglaé Jézéquel, climatologue au laboratoire de météorologie dynamique. La question était bien de rendre tangibles les projections des scientifiques, pour dépasser ce qui peut paraitre abstrait (deux degrés, trois degrés de plus, qu’est-ce que cela peut signifier ?).

Quant à Laure Sieffert, professeure de design graphique au lycée Jacques-Prévert de Boulogne-Billancourt en design graphique, elle a fait travailler ses étudiants et étudiantes sur le sujet : « comment vivrons-nous en 2042 ? » à travers des thèmes du quotidien : les vacances, la campagne, l’alimentation, l’énergie, etc. Avec comme public cible des collégiens, pour les intéresser au sujet. Alice Louis, l’une des douze élèves de ce DSAA (diplôme supérieur d’arts appliqués) design graphique et multimédia raconte l’engouement des collégiens pour les dispositifs immersifs et ludiques.

Attention au risque de manipulation

Une convergence de vues donc, pour mettre l’accent sur la fécondité de la fiction et de l’imaginaire. Mais attention, note Mathieu Simonet, aux dérives possibles de la manipulation, due au fait du pouvoir émotionnel de la fiction. Il note également l’attirance des lecteurs actuels pour des récits qui reposent sur des choses vraies, d’où l’importance des données scientifiques et de la recherche documentaire préalable.

Mais pour Aglaé Jézéquel, en sciences aussi, il y a des constructions de récits. La frontière entre sciences et récits n’est pas aussi imperméable qu’on pourrait croire, notamment lorsqu’il s’agit de sciences sociales.

Yasmina Auburtin, consultante et promotrice du projet Imagine 2050 avec l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie), insiste sur le souci de convoquer la « culture populaire », y compris le « soap opera » (elle a collaboré avec les scénaristes de Plus belle la vie ») pour mieux délivrer des savoirs à travers des histoires positives qui invitent à agir. Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias à l’Ademe, ajoute que des enquêtes ont montré que la joie et la tristesse incitaient plus à l’action que la colère ou le dégout qui peuvent finalement faire glisser vers le découragement.

De même, il est important de se demander quels sont les visuels qui ont le plus d’impact. L’ours blanc dérivant sur sa banquise, n’engage pas : ça ne me concerne pas. Ceci dit, savoir qui est l’émetteur du visuel change tout. Lorsqu’il s’agit de Total, les belles images du monde avec des énergies renouvelables, cela ne peut convaincre.

Quoi qu’il en soit, une fiction à elle seule ne pousse pas à l’action, il y a besoin d’un prolongement, du site internet jusqu’à l’interaction avec le public. À l’école, il faut développer la fiction mais dans le cadre d’une pédagogie qui combine complexité, droit au tâtonnement et à l’erreur et de la construction d’une intelligence collective. On en est encore loin.

Jean-Michel Zakhartchouk


La fabrique des Futurs, imaginons des avenirs possibles sous contrainte climatique était le thème de travail d’étudiants et d’étudiantes en première année de master du diplôme supérieur d’arts appliqué design graphique (DSAA) du lycée Jacques-Prévert de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Ici, pas de dystopie, l’imaginaire est bordé, dans ses propositions, par les médiateurs scientifiques de l’Office for Climate Education qui valident les hypothèses en fonction de l’état actuel des connaissances et des évolutions possibles pour les prochaines décennies. Ils ont ainsi produit des jeux et des dispositifs de médiation sur des thématiques de la vie quotidienne.

L’exposition présentait une dizaine de posters réalisés en risographie, technique d’impression écoresponsable, quelques objets en papier en relief. Julia, étudiante, nous présente l’exposition « Comment vivrons-nous en 2042 ? ».

Julia : Pourquoi 2042 ? C’est juste une borne symbolique, vingt ans de plus à la date du démarrage du projet. Nous sommes étudiantes et étudiants en spécialité design graphique et narration multimédia, et étudions la manière de raconter au travers des nouvelles technologies.

Nous avons d’abord eu toute une phase de recherches individuelles et de mise en commun autour de notre thématique car, si ce qui est notre futur nous ouvre naturellement à ces thématiques-là, il fallait aussi s’éduquer sur les questionnements, les chiffres, les faits. Tout le monde a fait ce travail de recherche personnelle. Puis, nous avons expérimenté par groupe sur huit thématiques précises, comme « la ville en 2042 », « la façon de communiquer », « la façon de consommer »…

Les posters sont réalisés en risographie, technique utilisée ici en rouge, et bleu et noir intenses à la belle esthétique…

Julia  : L’impression est totalement écologique. L’encre est à base de soja, les matrices sont biodégradables. Toute la phase d’impression de nos objets graphiques est écoresponsable pour résonner avec le thème de l’exposition. À partir de la narration, qui a donné des fresques ou des bandes dessinées, chacun et chacune a pu concevoir des objets comme des cartes postales, des jeux à destination des enfants.

Nous avons été accompagnés par notre enseignante, Laure Siefert, et deux médiateurs de l’OCE, Simon Klein et Nicolas Vogt, qui veillaient à la crédibilité de nos propositions. La forme graphique a, elle, été très libre. On ne peut pas raconter tout et n’importe quoi sur notre futur. L’enjeu était de créer un futur qui, certes, verra des catastrophes climatiques, mais qui pourra aussi faire rêver, malgré les difficultés qu’on rencontrera. C’est un avenir qui n’est pas si lointain que cela.

Est-ce que cela a changé votre implication dans l’écologie et votre vision politique du futur ?

Julia : À titre personnel, c’est quelque chose qui m’importe beaucoup. Penser l’écologie est inhérent à mon métier de future graphiste, d’illustratrice et à l’impact écologique de nos productions. Nous savons déjà que ce que nous allons produire va avoir un cout pour la planète, avec des techniques qui peuvent être très polluantes, ainsi qu’un cout sociétal. Avec qui allons-nous travailler ? Qui allons-nous soutenir à travers nos productions ? Il s’agira de remettre en question nos choix et notre technique de graphiste. Ce projet veut dire beaucoup pour chacun d’entre nous. Je sais que certains ont décidé de s’impliquer dans les problématiques que nous avons rencontrées.

Avez-vous eu, dans votre scolarité, une sensibilisation aux problèmes écologiques  ?

Julia : Je n’ai pas vraiment eu d’enseignements qui nous sensibilisaient à l’écologie, je n’en ai pas le souvenir. Nos études de graphistes nous poussent à produire sans nous poser de question en termes écologiques. C’est même une question qui passe au second plan, nous devons beaucoup produire pour être de bons graphistes ! L’idée de cette première année de master est de nous faire poser la question éthique : est-ce que ce que je fais est bien et légitime ?

Propos recueillis par Jean-Charles Léon

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À propos de l’OCE, lire également sur notre site :

 Écologie : mobiliser les élèves, sans effrayer ni contraindre, compte-rendu d’une table ronde
 Changement climatique : éduquer pour agir et ne pas désespérer, portrait de Mathilde Tricoire

 Enseigner le climat, un défi pour le futur, conférence de Mathilde Tricoire

 La COP des enseignants et ses prolongements, par Jean-Michel Zakhartchouk

 L’éducation au changement climatique en action, portrait de Simon Klein

Licence : CC by-nc-nd

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