L’engouement pour l’école à l’extérieur est une réalité. Depuis un an, les tribunes se sont multipliées pour inciter les enseignants à sortir dans la nature avec leurs classes. Pédiatres et médecins ont souligné l’intérêt de ce mouvement pour la santé des enfants, et le ministère de l’Éducation nationale leur a emboîté le pas, en soutenant les initiatives locales qui fleurissent de toutes parts.
Mais derrière ce consensus apparent, il convient de penser à pérenniser cet essor et proposer une réelle réflexion sur l’enseignement dehors, pour que l’engouement ne soit pas un effet de mode mais bien une autre façon d’enseigner.
Articuler les apprentissages
Ce mouvement de l’école en dehors n’est pas né avec la crise sanitaire, il a une histoire, des principes et des pratiques très divers, avec des objectifs différents. Au niveau international, le courant des Forest schools et des « outdoor schools » propose une réelle alternative éducative. Ce n’est pas encore, et de loin, le cas en France.
De même, l’éducation au développement durable, portée par le domaine associatif, se retrouve plongée au cœur d’une nouvelle synergie : une rencontre entre les associations d’éducation à l’environnement avec les établissements scolaires pour les accompagnements de projets.
Au-delà de la volonté de sortir avec sa classe dans la nature et de « passer une matinée à l’extérieur » avec les enfants, il convient de penser cette forme d’apprentissages au sein des enseignements en mêlant les acquisitions de connaissances formelles et informelles, en articulant les apprentissages à l’extérieur des murs de la classe et ceux qui sont réalisés de manière plus conceptuelle en classe.
Si les bienfaits en termes de bien-être et de santé sont évidents, qu’en est-il au niveau des apprentissages ? Que ce soient des apprentissages disciplinaires ou transversaux, les possibles sont nombreux, quel que soit l’âge des élèves.
Quant aux apprentissages non formels, liés aux valeurs telles que la coopération, l’entraide, le développement de l’esprit critique, là encore, les occasions sont très nombreuses de les travailler avec les élèves. Connaitre les attentes des enseignants et les accompagner dans cette démarche est un chantier majeur pour l’institution scolaire.
Le défi éco-pédagogique
Les enseignements à l’extérieur ne se légitiment pas uniquement par leurs impacts sur les apprentissages scolaires et le bien-être de l’enfant. L’école en dehors n’implique-t-elle pas une nouvelle relation pédagogique entre enseignants et élèves, ainsi qu’une redéfinition de la forme scolaire ?
Le défi éco-pédagogique proposé par l’école en dehors vise à transformer les pratiques éducatives en travaillant à partir de nos représentations culturelles. Une invitation à mettre en place une éducation centrée sur le bien commun, comme le proposent les aires terrestres éducatives, qui permettrait de revisiter la place de l’homme dans les écosystèmes.
Comment construire une autre façon d’enseigner régulière, quelle que soit la météo, dans un lieu extérieur à la classe ? L’objectif est bien de proposer une complémentarité entre l’enseignement en classe et hors de la classe.
Le pédagogue belge Ovide Decroly soulignait déjà au début du XXe siècle que pour lui : « la classe, c’était quand il pleut ». Façon de dire que la classe a sa place dans les apprentissages mais que les apprentissages concrets en lien avec l’environnement doivent être une priorité.
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En 2021, l’objectif est aussi de penser cet enseignement dans les zones rurales comme dans les zones urbaines. Les initiatives parisiennes montrent bien que cela est possible. Les perspectives sont multiples et complémentaires : penser autrement les espaces scolaires, les liens avec l’environnement mais aussi les apprentissages scolaires et non scolaires.
Approches ludiques
L’école dehors, c’est aussi, au sein même de l’établissement, développer les liens avec la nature. Le ministère de l’Éducation nationale, par la labellisation d’établissement E3D, semble d’ailleurs attentif à faire connaitre les projets et les initiatives des enseignants dans ce domaine.
De leur côté, les maires multiplient les mesures de végétalisation des espaces scolaires, rendant concret ce mouvement. Un mouvement de fond ou la France doit rattraper son retard par rapport à d’autres pays comme le Canada
Une étude récente marque bien de façon précise le lien étroit entre la réussite scolaire et le contact avec la nature. À l’extérieur, une pédagogie active s’impose pour mettre en valeur l’activité intellectuelle et l’activité motrice par l’expérimentation.
Le jeu occupe aussi une place centrale dans l’éducation par la nature. L’enfant explore le milieu naturel librement, il s’agit d’un environnement riche sur le plan de la créativité et de la réflexion (il va observer, catégoriser les éléments qui les entourent : arbres, roches, feuilles, etc.). Il faut saisir les occasions qui se présentent de faire des hypothèses, en discuter, questionner, en faire une leçon…
Peu à peu, l’enseignant apprend ainsi à suspendre ce qu’il avait prévu pour écouter un oiseau chanter, regarder un vélo passer, sentir le vent qui met les cheveux en mouvement. C’est ainsi que les élèves apprennent à lâcher prise et à vivre l’instant présent. Par le biais de la littérature de jeunesse, il est aisé de réinvestir en classe ce que les enfants ont découvert dans la forêt, sur la plage, tout en enrichissant leurs connaissances.
Développement de l’enfant
Dans la nature, il est également possible de réaliser des apprentissages plus formels comme en mathématiques où l’on va pouvoir réinvestir des notions géométriques et arithmétiques en travaillant sur la croissance de l’arbre.
L’essor actuel de l’école dehors permet d’observer les premiers résultats en France d’une approche sensorielle et cognitive qui tient compte du développement de l’enfant et favorise les expériences concrètes. Cette pédagogie donne sens à l’apprentissage des enfants et permet aux élèves à profil particulier, dys ou haut potentiel, d’apprendre comme les autres.
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Fédérer les initiatives locales et évaluer les résultats de l’école dehors en France deviennent des enjeux majeurs pour intégrer durablement cette école dehors dans l’enseignement public français. Enseigner à l’extérieur peut permettre ce lien nouveau avec la nature et, en s’intégrant à une réflexion plus globale sur la façon d’enseigner et les finalités éducatives, devenir la révolution pédagogique du XXIe siècle.
Cet article a été co-écrit avec Corine Martel, docteure en écologie, conseillère pédagogique sciences – EDD de l’Hérault et directrice du centre de ressources EducNatu’RE.
Sylvain Wagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
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