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Le MOOC "Fabrication numérique" : retour d’expérience et perspectives

4 août 2016 par Karmann Retours d’expériences 1940 visites 0 commentaire

Comment faire bénéficier un grand nombre de personne d’une formation sans la répéter en présentiel un nombre incalculable de fois ?

Comment concevoir un « socle commun des connaissances » propre à un domaine aussi large et fluctuant que celui de la fabrication numérique ?

C’est pour répondre à ces deux questions que l’ingénieur Baptiste Gaultier avec une équipe de Fabmanagers (animateurs des fablabs) et de makers bretons se sont lancés dans l’aventure de la conception du premier MOOC français sur la fabrication numérique.

Au-delà d’une simple « capitalisation » des savoirs de base sur la fabrication numérique, l’organisation du dispositif MOOC en lui-même, a permis de dépasser les objectifs premiers de ce projet en devenant un espace virtuel d’échange et de création sous le signe de la collaboration et du libre.

Article écrit par Marine Karmann, conseilllère pédagogique à Télécom Bretagne, à partir d’un entretien réalisé avec Baptiste Gaultier, ingénieur à Télécom Bretagne.

Genèse du projet

Lorsque l’on demande à Baptiste comment le projet est né, il explique comment, passionné par l’informatique et l’électronique, il dispensait de nombreuses formations notamment dans la région de Rennes, sur la fabrication numérique et que ça l’a conduit à se demander comment diffuser ces savoirs, pour permettre au plus grand nombre d’y avoir accès. Avec ses collègues des fablab, l’idée du MOOC fabrication numérique commençait à germer.

Une production complexe, l’apprentissage de la scénarisation pédagogique sur un mode agile.

Profitant de l’ouverture de la plateforme France Université Numérique à l’été 2013, et devant les idéaux démocratiques portés à la fois par la fabrication numérique et les MOOC, le projet d’en réaliser un devient vite une option pertinente.

Très tôt, la question des financements s’est révélée nécessaire pour mener à bien un tel projet. En effet, conformément aux idéaux de la fabrication numérique, les contenus produits devaient être libre et open source, mais une forte envie de rémunérer justement les acteurs de la conception était présente. Ainsi c’est du côté de la Région Bretagne que l’équipe s’est tournée pour obtenir du soutien. Avec une première enveloppe de 20 000€ en poche, la production a pu commencer.

Le parcours joué dans la première session du MOOC est un parcours très long pour un dispositif de ce type (12 semaines). La quantité de connaissances à aborder est conséquente et dans les parcours suivant, des choix sont faits pour alléger le MOOC. On peut notamment noter la décision de découper le format initial en trois parcours distincts de trois fois quatre semaines avec des niveaux de difficulté et de technicité différents (désormais disponibles sur FUN :

 1- Programmer avec Arduino (avril),
 2-Concevoir un objet connecté (mai),
 3- Designer et modéliser dans un Fablab (juin)).

La partie audiovisuelle et graphique a été co-conçue avec le studio naissant de l’espace des sciences, le projet bénéficie d’un studio neuf et d’une équipe totalement dédiée au projet.

Le MOOC est donc développé ainsi, de manière collaborative et agile, l’équipe s’adapte aux difficultés quand elles surviennent. Et elles sont nombreuses au début, le studio nouvellement crée manque de matériel (prompteurs, caméra) et il faut faire preuve d’ingéniosité pour pallier à toutes ces difficultés. L’équipe constate à mesure de la conception, le caractère chronophage du développement d’un projet de MOOC lorsque tout est à faire et à penser.

La principale difficulté, commune à la conception de beaucoup de dispositifs MOOC, concerne l’organisation pédagogique du parcours. Baptiste note que l’équipe et lui-même ont beaucoup appris lors de cette première session, sur la façon d’organiser un cours à distance, les erreurs à ne pas commettre et les choses à faire pour assurer une transmission optimale des savoirs abordés. D’ailleurs, la nécessité de découper le parcours en vidéos courtes oblige à penser une progression, une montée en compétence graduelle pour l’apprenant. Ils ont également appris à penser, non plus uniquement à partir des savoirs à dispenser mais aussi à partir des savoirs des apprenants et cela demande beaucoup de connaissances en pédagogie que l’équipe acquière au fur et à mesure.

L’équipe fait également remonter le constat que les vidéos ne sont que la face visible de l’iceberg des connaissances à aborder dans un MOOC, il vaut mieux, selon-eux privilégier le contenu que la forme des vidéos (souvent coûteuse en temps comme en argents). Ils s’efforcent donc de concevoir des vidéos courtes et efficaces (sous le format, une vidéo = un concept abordé) et de privilégier l’animation de la communauté d’apprenants pour développer l’apprentissage par l’expérience et les échanges entre apprenants. Ces derniers sont d’ailleurs encouragés à se rendre autant que possible dans les Fablabs proches de chez eux pour faire vivre le MOOC hors de l’ordinateur. Le projet est également un projet d’animation de territoire.

Une initiative très tôt couronnée de succès

Lancé en mars 2014, dès ses premières semaines, le MOOC fabrication numérique rencontre un nombre important d’inscription, pour finir par comptabiliser environ 16 500 inscrits (addition des participants à la session de 2014 et de 2015) et obtiendra un score honorable de 10% de certifiés en fin des deux sessions.

Il bénéficie également d’une bonne communication par le biais de son réseau, par exemple, les animateurs d’EPN de Rennes sont fortement encouragés à suivre le MOOC pour développer des activités autour de la fabrication numérique dans leurs structures. Les Fablabs du réseau jouent d’ailleurs le MOOC en présentiel dès la première session de celui-ci. Le nombre important d’inscrits montre également l’intérêt du grand public pour les questions de la fabrication numérique.

Suite à la première session, et conformément à la politique de contenus réutilisables via une Creative Commons qui anime l’équipe de conception, les vidéos de la première session sont en accès libre sur le site « zeste de savoir » et l’équipe estime à 20 000 au total, le nombre de personne ayant suivi le cours (à noter qu’il est très difficile d’obtenir des chiffres fiables sur les vidéos en replay).

L’évolution du projet, une montée en compétence dans la conception pédagogique

L’implication forte dans les projets et les TP montrée par de nombreux membres de la communauté apprenante, incite l’équipe à reconduire le projet de MOOC l’année suivante. Toutefois, il n’est pas question pour l’équipe de rejouer exactement la même session. En effet, des leçons ont été tirées de la réalisation de la première session et conformément à la méthode de développement de ce MOOC, des modifications sont apportées au parcours pour le rendre plus accessible. On tient notamment la longueur excessive du parcours pour responsable du décrochage d’un grand nombre d’apprenants. En cela, Baptiste estime avoir beaucoup appris sur la conception pédagogique.

Le MOOC est donc découpé en trois MOOCs qui forment un parcours et le volume horaire de travail hebdomadaire a été revu à la baisse (toujours dans un souci de démocratisation des savoirs).

Le succès de la seconde version est également assez important puisqu’il compte 10 500 inscrits sur le premier parcours du MOOC avec 16% d’attestation (l’évolution positive du nombre d’attestés semble illustrer la qualité des choix de remaniement pédagogiques réalisés par rapport à la première session). Le second parcours, plus technique compte environ 9 500 inscrits pour un taux d’attestation un peu moindre de 8%. Le caractère technique plus poussé de ce second parcours est sans doutes à l’origine de cette baisse des attestations, l’équipe envisage déjà des remaniements pour y remédier.

De l’animation d’une communauté en ligne à l’animation d’un territoire ; le MOOC, des relations pas si virtuelles que ça

Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, la participation au MOOC, ne se résume pas au seul suivi des cours en ligne. Pour beaucoup d’apprenants, il a été l’occasion de se rendre dans des Fablabs proches de chez eux et d’y construire de nouvelles compétences ainsi que de nouvelles relations sociales. Le MOOC aura même été le moyen de mettre en avant des participants particulièrement actifs et moteurs pour la communauté. L’équipe pédagogique se questionne même sur la façon de mettre à profit les compétences de ces personnes ressources pour le MOOC dans les prochaines sessions. De nombreuses pistes sont évaluées comme celle d’animer des temps d’ateliers réalisées pendant le MOOC au sein des Fablabs bretons (ateliers permettant le passage de certains examens dans le cadre d’un parcours spécifique au sein du MOOC).

Ainsi, loin de l’idée selon laquelle les MOOCs seraient un moyen de mettre encore plus à distance les apprenants de leurs enseignants, le MOOC fabrication numérique montre bien comment des communautés en ligne peuvent devenir des communautés situées et actives dans un territoire.

Perspectives pour l’évolution et l’amélioration du dispositif

Comme nous avons commencé à l’évoquer, le MOOC revêt une dimension résolument sociale, tant du point de vue de l’animation de la communauté et du territoire, que de l’idéologie qu’il porte. Ainsi des évolutions sont envisagées par l’équipe pour rencontrer ces questionnements qui ne s’étaient pas posés au début de la mise en place du dispositif (comme nous le disions plus haut, les objectifs initiaux du MOOC étaient essentiellement de diffuser des connaissances techniques et de les capitaliser sur une même plateforme). Ainsi, face à ces nouveaux questionnements, et même enjeux, il serait question de rattacher de manière plus prégnante le MOOC avec les dimensions d’entrepreunariat qui peuvent naître si les réalisations des apprenants sont de qualité, et de sensibiliser à certains principes de fonctionnement parfois différents de l’industrie dominante (le libre et l’open source notamment). Il serait question également d’intégrer des questions d’éthique, qui sont associées très fortement à la fabrication numérique (le libre, l’open source, l’up-cycling, l’économie durable et solidaire) en sensibilisant plus fortement les apprenants aux changements de société et des modes de production que permet le numérique en général.

Licence : CC by-sa

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