Les virus sont une source d’inspiration très courante pour la fiction, que ce soit dans des romans, des films, des séries ou des jeux vidéo. De manière assez surprenante, ces œuvres qui pourraient être considérées comme trop anxiogènes car trop proches de la réalité sont celles qui ont été les plus populaires dès le début de la crise du Covid-19. Le meilleur exemple est le film Contagion de Steven Soderbergh, sorti en 2011, qui est passé de 200 à 25 000 téléchargements par jour en début d’année et est entré dans le top 10 des achats de films en VOD.
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Le film a été écrit avec la collaboration d’un consultant épidémiologiste, Ian Lipkin, qui a contribué à le rendre tellement réaliste que l’on constate des similitudes troublantes avec la pandémie actuelle. Selon le scénariste Scott Z. Burns, connu pour ses scénarios inspirés de faits historiques et scientifiques, il n’y avait aucun doute qu’une telle crise sanitaire allait se produire, la seule question étant de savoir quand.
Suite à la sortie de ce film, de nombreux scientifiques avaient d’ailleurs alerté les autorités sur l’éventualité d’une pandémie mortelle. Le producteur Michael Shamberg explique que Contagion avait été conçu comme un avertissement.
Certains jeux vidéo très populaires centrés sur des pandémies sont eux aussi particulièrement réalistes. La différence avec un film est que le joueur est placé au cœur de l’action. Il peut prendre des décisions qui vont avoir une influence sur l’évolution de la propagation du virus et sur le nombre de victimes. Ces jeux peuvent avoir une dimension pédagogique être considérés comme des simulateurs virtuels de crise sanitaire qui mettent les joueurs dans des situations extrêmes et permettent de tester leur capacité à garder leur sang-froid, à faire les bons choix et à mener les bonnes actions pour changer le cours de l’histoire.
Les jeux vidéo comme outils pédagogiques
Certains jeux vidéo grand public sont inspirés de faits réels et plongent les joueurs dans des crises sanitaires similaires à celles qui ont déjà eu lieu, et qui pourraient encore se produire. Bien qu’ils n’y soient pas destinés, ces jeux sont de bons outils pour former à la gestion de crises. Ils soumettent les joueurs à un processus temporel continu d’interaction dans lequel ils prennent des décisions sur la base d’informations limitées et incertaines, tout en vivant les conséquences de leurs décisions antérieures. Ils ne contrôlent que partiellement l’environnement et doivent accomplir des actions en respectant les délais pour éviter des dangers et leur propre mort.
Chaque joueur va adopter un style différent, faire des estimations, expérimenter des nouvelles techniques et prendre plus ou moins de risques. À chaque nouvelle partie, il essaiera d’améliorer ses performances en maximisant ses résultats tout en minimisant les moyens mobilisés et les conséquences de la crise. Au fur et à mesure, le joueur comprend de mieux en mieux la nature et les mécanismes de la pandémie, ainsi que l’impact de ses choix et de ses actions pour se protéger et protéger les autres, économiser les ressources et préserver les équipements et les infrastructures.
Face aux menaces liées au virus, le joueur apprend à maîtriser les aléas, à prioriser ses objectifs et à ne pas se laisser déstabiliser. Le jeu vidéo consiste à prendre des décisions et à faire des actions dans un contexte fictionnel sécurisant mais où les enjeux perçus sont élevés.
Au-delà de l’approche médicale, le joueur va avoir à gérer des phénomènes comme la panique de la population, les pénuries de différents produits, la problématique des transports, la contamination éventuelle de l’eau et de la nourriture, la propagation des infox et des théories du complot, ainsi que les conflits géopolitiques déclenchés par une pandémie globale. Bien que ce soit de la fiction, les situations sont semblables à celle vécue dans la vie réelle, et il est possible d’en tirer de nombreux enseignements.
Des jeux vidéo inspirés de faits réels
Un exemple en relation avec la situation actuelle est le jeu Tom Clancy’s The Division, lancé par Ubisoft en mars 2016, qui démontre comment le monde moderne dépend d’un système capitaliste devenu tellement complexe et instable qu’il est extrêmement vulnérable. Les chaînes logistiques globales acheminent les produits en « flux tendus » et en « juste à temps », donc sans flexibilité et sans délai possible. Le jour du Black Friday, une épidémie se déclare et contamine les individus, les objets, et la nourriture.
Le jeu décrit les conséquences dramatiques de cette crise sanitaire qui rappelle ce que l’humanité à traversé ces derniers mois :
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Jour 1 : les hôpitaux sont saturés et la panique se propage dans la population.
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Jour 2 : des quarantaines et rationnements sont imposés ; les transports sont arrêtés.
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Jour 3 : le commerce international est interrompu, les réserves de pétrole s’épuisent, et les marchés financiers s’effondrent.
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Jour 4 : les pénuries de nourriture et d’eau commencent ; le désespoir se répand et tout le monde doit lutter pour survivre.
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Jour 5 : l’anarchie règne et chacun devient une menace potentielle. Le but du jeu est alors de rétablir l’ordre et de reconstruire une société.
Les joueurs doivent alors accomplir des missions et sauver les habitants de New York dans une impressionnante reconstitution de la ville.
Dans le jeu Pandemic d’Asmodee Digital sorti en 2019, les joueurs sont des membres qualifiés d’une équipe de lutte contre les virus : un médecin, un chercheur, un spécialiste des quarantaines, un expert en logistique… Ils doivent voyager dans le monde pour lutter contre quatre épidémies virulentes qui se propagent simultanément, protéger les grandes métropoles et sauver l’humanité en trouvant les quatre remèdes.
Pandemic est adapté d’un jeu de plateau qui a rencontré un certain succès et reçu des prix pour son principe, sa conception et sa convivialité. Dans le jeu vidéo chaque partie est différente, immersive et stimulante, avec de nombreux challenges, des éléments inattendus, des modes de jeu individuels ou multijoueurs, et des niveaux de difficulté variable. Pandemic est accessible sur Xbox One, Nintendo Switch, Apple Store et Google Play dans des versions adaptées et avec des extensions optionnelles.
Plus ancien, le jeu britannique Plague Inc. de Ndemic Creations, sorti en 2012, a pour but non pas de sauver l’humanité d’un virus, mais au contraire de favoriser la propagation d’un agent pathogène pour la détruire. Chaque type d’infection a des caractéristiques différentes et implique des stratégies de jeu spécifiques. Plusieurs niveaux de difficulté sont accessibles, jusqu’au mode Cauchemar.
Avec 130 millions de joueurs, Plague Inc. est un succès critique et commercial qui a connu un pic de téléchargements au début la pandémie de Covid-19 devenant l’application la plus downloadée sur l’Apple Store dans plus de 50 pays. Le jeu a été interdit par les autorités chinoises en février 2020, probablement car il est trop proche de la réalité. Dans une bande-annonce de février 2014, le patient zéro a été contaminé par un virus extrêmement contagieux au cours d’un voyage en Chine, et est mort d’une insuffisance respiratoire après avoir eu de la fièvre et une forte toux.
Comprendre comment favoriser la propagation d’un virus permet évidemment de savoir comment la stopper. C’est dans ce but que Plague Inc. est utilisé dans des cours de médecine aux États-Unis afin d’expliquer la génétique microbienne, l’épidémiologie et la pathogenèse. Le réalisme du jeu, sa fidélité aux théories scientifiques et la diversité des scénarios possibles suscitent le débat entre les étudiants et des discussions passionnées avec les enseignants. Depuis 2015, la nouvelle version modernisée et multijoueurs Plague Inc. Evolved a été diffusée d’abord sur Xbox One, puis sur PlayStation 4 et depuis 2019 sur Nintendo Switch.
Des jeux éducatifs nés du Covid-19
Il y a une forme de convergence entre les jeux vidéo de divertissement et les jeux éducatifs. La frontière entre les deux est de plus en plus difficile à distinguer. Depuis le début de la crise du Covid-19, plusieurs jeux vidéo ont été développés dans un but de divertissement, mais avec un objectif pédagogique bien visible et la volonté de contribuer à lutter contre cette crise d’une manière ludique.
Covid : The Outbreak est un jeu de stratégie en temps réel lancé le 29 mai 2020 par le studio polonais Jujubee. On y joue le rôle d’une organisation du même type que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) qui doit faire face à une pandémie mondiale. Différentes mesures peuvent être prises pour gérer la situation, et des projets peuvent être lancés pour soigner la population, produire des équipements et développer un vaccin.
Le jeu s’appuie sur les recommandations de l’OMS et les avis d’experts. Il est possible de mettre un pays en quarantaine, de déclarer l’état d’urgence, de débloquer des budgets et des moyens humains et matériels, de construire des hôpitaux, des laboratoires de recherche ou des check points, et de communiquer les bonnes informations tout en dénonçant les fake news. De mauvaises décisions, des pratiques inadaptées ou le manque de certaines ressources entraînent immédiatement l’aggravation de la crise sanitaire.
L’éditeur portugais Magikbee, spécialiste des jeux éducatifs, propose aux jeunes publics de combattre le coronavirus dans le jeu pour tablettes et smartphones Virus Fight Club, présenté comme à la fois amusant et éducatif. Les joueurs traversent des villes comme Londres, New York, Pékin et Rio de Janeiro alors qu’ils combattent le Covid-19 et doivent collecter des vaccins tout en évitant d’être contaminés par les personnes malades. Le lavage fréquent des mains est un aspect clé du jeu, tout comme la collecte et la distribution de masques aux personnages atteints du coronavirus. Les fonctionnalités ont été développées en s’inspirant des conseils de l’OMS concernant les mesures de protection individuelle contre la maladie. Il incite les joueurs à respecter les gestes barrières et à rester chez eux pour protéger les autres.
Certains jeux vidéo permettent donc d’acquérir un savoir, un savoir-faire et un savoir-être essentiels pour affronter les virus. Ils peuvent être utilisés pour l’apprentissage et pour la sensibilisation des parties prenantes, et intégrés dans des parcours de formation et des cursus universitaires. Ils favorisent une pensée divergente et une approche dynamique, collaborative et proactive de la gestion d’une crise sanitaire.
Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.
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