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Comment soutenir l’apprentissage à distance ? Stimuler l’activité intellectuelle face aux ressources

Un article repris de https://www.louvainlearninglab.blog...

Cet article est né de la relecture, dans le contexte actuel d’enseignement à distance forcé pour cause de Covid-19, de l’ouvrage collectif dirigé par Depover (2011) : Le tutorat en formation à distance. La phrase suivante a particulièrement fait écho aux discussions, nombreuses à ce sujet en ce moment.

L’article Comment soutenir l’apprentissage à distance ? Stimuler l’activité intellectuelle face aux ressources est apparu en premier sur Louvain Learning Lab.

« L’importance accordée à l’interaction interpersonnelle, qu’elle se déroule en direct ou en différé (…) est souvent utilisée aujourd’hui pour juger de la pertinence d’un dispositif de formation à distance. C’est en soi une bonne chose car cela souligne l’importance des facteurs humains dans l’apprentissage, mais cela ne doit pas conduire à sous-estimer d’autres formes d’interactions dont le rôle est loin d’être négligeable dans la réussite des apprentissages. » (Depover, 2011, p. 29)

Ici, l’auteur fait référence aux interactions avec le contenu, autre facette indispensable dans le design pédagogique d’un apprentissage en ligne (la facette des interactions sociales étant traitée dans cet autre article). Comment dynamiser, en ligne, ces interactions ? Autrement dit : Comment rendre les étudiant·es intellectuellement actives et actifs face aux ressources d’apprentissage que vous leur proposez (exposés en temps réel, vidéos pré-enregistrées, textes à lire…) ?

Focus sur les interactions avec le contenu

Mettre à disposition des étudiant·es du matériel contenant de nouvelles connaissances à apprendre (ou à réviser) est une condition nécessaire… mais pas suffisante à l’apprentissage en ligne. Il faut également les guider dans l’exploitation de ce matériel. La simple consigne « lisez ce texte » ou « regardez cette vidéo » sera insuffisante pour engendrer un engagement cognitif significatif chez la plupart des étudiant·es. Pourquoi ? Notamment pour les raisons suivantes :

-* Vos étudiant·es, n’étant pas (encore 😉) passionné·es par votre matière, pourraient ne pas trouver la motivation pour fournir l’effort nécessaire à une lecture ou à un visionnement en profondeur.

  • Des novices ne sont pas toujours capables de s’approprier, sans guidage, le sens de nouvelles informations : Qu’est-ce qui est important ou accessoire ? Comment ces informations se relient-elles à ce que nous avons déjà vu précédemment ? En quoi est-il utile de comprendre et de retenir cela ? Quel sens construire à partir de ce matériel ?

Bref, le risque d’un mode d’engagement passif, conduisant à un apprentissage en surface, est très probable : avoir regardé la vidéo ou lu le texte mais sans avoir vraiment compris ni retenu les idées essentielles.

NB : Vous vous demandez en quoi consistent les modes d’engagement cognitif ? Relisez les conseils de mes collègues David et Pascal dans ce blog.

Demander des productions visibles

« What students really want from online materials is the chance to interact. The more there is to click, the more they like it. » (Murgatroyd, 2020)

Cet expert en learning technologies de l’université de Sheffield résume bien le défi, quoique de manière un peu provocante. Au-delà des clics, ce sont les comportements actifs qu’il faut chercher à stimuler le plus fréquemment possible, ceux qui vont entrainer les étudiant·es à

  • manipuler les informations (les mettre par écrit, les recopier, les résumer, répondre à des questions qui s’y rapportent…),
    -* les transformer (les synthétiser, les organiser en schémas, les prolonger par des apports personnels d’exemples, d’anecdotes, de liens avec la vie socioprofessionnelle…),
    -* les discuter, confronter, débattre, etc.

Bien sûr, en ligne, ces comportements passent par des clics. Quels types de clics « intelligents » pouvez-vous demandez à vos étudiant·es ?

  • Répondre à des questions (de type quiz) qui permettent de vérifier la bonne compréhension de la matière.
  • Prendre des notes personnelles durant l’écoute d’une vidéo. Soit directement en ligne ou bien d’abord sur papier, puis en rédiger un court résumé à poster sur la plateforme LMS (Learning Management System) que vous utilisez.
  • Synthétiser une vidéo, un chapitre, une thématique… sous la forme d’une carte conceptuelle ou d’un schéma, et poster ce devoir sur la plateforme.
    -* Poster dans des forums de discussion des exemples d’une matière qui vient d’être découverte, des liens avec d’autres parties du cours, des liens avec l’actualité ou avec la vie socioprofessionnelle, etc.

L’importance de demander des « productions visibles » aux étudiant·es a été particulièrement mise en évidence par notre ancien collègue Marcel Lebrun, dans son modèle IMAIP des facteurs d’apprentissage en ligne. Si la plupart des auteurs s’accordent sur l’activité de l’apprenant·e comme facteur central d’apprentissage, Lebrun apporte une inspiration supplémentaire en invitant à objectiver, à concrétiser cette activité au travers d’une production donnant lieu à un signe visible, chef d’œuvre que l’élève peut contempler avec fierté.

Dès lors, privilégiez les activités qui donnent lieu à une trace visible dans la plateforme d’apprentissage : devoir, messages, réponses à des quiz ou exercices, etc. Outre l’impact sur la motivation des personnes quand elles ont réalisé les activités attendues (le sentiment réconfortant de la check-list complétée), ces activités peuvent jouer un rôle de stimulation en amont : encourager la mise en activité des étudiant·es à distance.

Ainsi, annoncer aux étudiant·es que vous allez regarder si les tâches attendues ont été réalisées est une pratique à recommander ! En fonction du profil de vos étudiant·es et de votre contexte, cette gentille pression sociale (« l’enseignant·e me regarde ! ») peut être accompagnée de points, mais ce n’est pas toujours nécessaire. La plupart des LMS offrent des fonctionnalités visuelles qui permettent à l’étudiant·e de voir où en est sa progression dans les tâches à réaliser, et à l’enseignant·e de faire le point en un coup d’oeil sur la progression de son groupe.

Capture d’écran de la fonctionnalité Achèvement d’activité de Moodle

La fonctionnalité « achèvement d’activité » du LMS Moodle montre quel pourcentage des activités prévues par l’enseignant·e a déjà été complété par chaque élève (une ligne = un·e élève).

Donner du feedback

« Mais alors, dois-je corriger tous les travaux remis ? 😱 » (enseignant·e anonyme)

Pour apprendre en profondeur, les étudiant·es ont besoin de retour sur leurs productions. Suis-je dans le bon ? Mon résumé est-il correct ? Mon schéma contient-il toutes les idées importantes ? Ai-je bien saisi l’essentiel ?… Mais il est n’est pas nécessaire de donner chaque fois un retour personnalisé à chaque élève.

Ainsi, un feedback collectif permet de donner un retour sur la qualité des productions, tout en encourageant les étudiant·es à réaliser la production attendue dans le délai imparti. Voici une suggestion :

  • vous demandez une production à rendre pour une certaine date ;
  • vous annoncez que vous évaluerez (de façon formative) 3, 5, 10, 15… travaux (en fonction du nombre d’élèves dans votre cours), tirés au sort parmi les travaux rendus ;
  • lors de votre lecture des travaux, vous épinglez certains extraits utiles à commenter à toute la classe : erreurs récurrentes, pièges non reconnus, manquements fréquents, etc. ;
  • vous préparez un exposé dans lequel vous montrerez les extraits épinglés (anonymisés  !) – par exemple, en copie d’écran – et les accompagnerez de vos commentaires ;
  • vous présentez cet exposé à la classe lors d’une rencontre synchrone, ou vous enregistrez une vidéo, ou encore, vous mettez tout cela par écrit dans un document que vous envoyez.

Si vous faites cela plusieurs fois, veillez à répartir les extraits chez des étudiant·es différent·es, afin que personne ne se sente stigmatisé·e.

Prévoir des feedback automatiques

Les questions à choix multiples, bien connues lorsqu’il s’agit d’examens, s’avèrent d’excellents exercices d’apprentissage à condition qu’elles soient assorties de feedback… intelligents ! Les commentaires comme « Incorrect ! », « Bravo ! », « Retournez voir la théorie »… n’aident en rien à apprendre. Au mieux, ils donnent envie de cliquer une deuxième fois (ou plus) jusqu’à voir apparaitre l’icône ✅ . Des feedback intelligents

  • expliquent en quoi la réponse correcte est bien correcte (car l’élève pourrait avoir cliqué dessus par hasard),
  • expliquent pourquoi chaque proposition incorrecte l’est,
  • donnent envie de les lire, parce qu’on sait qu’on va apprendre quelque chose de différent (reformulation de la théorie, nouvel exemple, nouveau lien qu’on n’avait pas encore perçu entre deux éléments, etc.).

Bien sûr, concevoir des questions à choix multiples complexes et stimulantes intellectuellement n’est pas facile ; cela prend beaucoup de temps et de savoir-faire. Cela mériterait bien un autre article dans ce blog…

Du feedback par auto-évaluation

Une occasion de feedback souvent négligée réside dans l’auto-évaluation de sa production par la personne elle-même. Cela nécessite de lui fournir une grille d’évaluation critériée, avec des indicateurs qualitatifs qui apportent de l’information (et non des indicateurs du type « insuffisant », « bon », « excellent »). Le but ici n’est pas que la personne se donne des points, se louange ou se flagelle, c’est qu’elle puisse évaluer sa trace visible d’apprentissage de façon à en percevoir les points forts, les faiblesses et les améliorations possibles.

Ainsi, vous préparez le feedback a priori, au travers de la grille d’évaluation. Idéalement, celle-ci devrait être fournie à l’élève après la soumission de sa production dans la plateforme LMS. En fonction du LMS que vous utilisez, différentes fonctionnalités peuvent être utilisées pour cela : faire apparaitre un lien vers un document pdf après la soumission du travail ; débloquer l’accès à la grille d’évaluation opérationnalisée dans un quiz quand le travail a été soumis, etc.

Exemples de productions pouvant donner lieu à une auto-évaluation :

Consigne Critères Indicateurs d’auto-évaluation
Résumez en 15 lignes les idées essentielles exposées dans cette vidéo. Complétude (toutes les idées essentielles sont présentes) Chaque idée essentielle est un indicateur. Pour chacune d’elle, l’élève coche : Cette idée est-elle présente dans mes notes : oui ou non ?
Résolvez le problème suivant en respectant chaque étape vue dans le chapitre. Respect des étapes

Exactitude de la résolution

Ma solution comporte … étapes sur les 7 étapes attendues (ici, vous listez les 7 étapes attendues, de façon à ce que l’étudiant·e en ait une liste claire)

J’ai suivi les étapes dans l’ordre adéquat : oui – non.

Ma solution pour l’étape 1 est-elle correcte ? oui – non (ici, vous présentez un corrigé-type de ce que devrait être la première étape de résolution).

Idem pour les étapes suivantes.

Et les interactions sociales alors ?

Bien entendu, stimuler les interactions avec le contenu ne veut pas dire que l’on néglige les interactions sociales. Celles-ci sont d’ailleurs épinglées par Chi et Wylie (2014) comme favorisant le plus unapprentissage en profondeur (de nombreux autres auteurs abondent dans ce sens, mais nous n’en parlons pas (encore) dans ce blog 😉). Dans un autre article, je propose quelques points de repère pour organiser des interactions sociales à distance.

Et vous, quelles bonnes pratiques avez-vous à partager à ce sujet ?

Bibliographie

Depover, C., De Lièvre, B., Peraya, D., Quintin, J. & Jaillet, A. (2011). Le tutorat en formation à distance. Louvain-la-Neuve, Belgique : De Boeck Supérieur. doi:10.3917/dbu.depov.2011.01.

Lebrun, M. (2007). Théories et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre : Quelle place pour les TIC dans l’éducation ?. Louvain-la-Neuve, Belgique : De Boeck Supérieur. doi:10.3917/dbu.lebru.2007.02.

Murgatroyd, N. (2020). Lecturing into your laptop is not nearly enough. Times Higher Education, 24 mars 2020. Accessible en ligne sur le site de THE.

A propos de l’auteur/de l’autrice : Françoise Docq

Françoise Docq est coordinatrice du projet Louvain moocXperience au sein du Louvain Learning Lab. Conseillère technopédagogique depuis de nombreuses années, elle se passionne pour les transformations de l’enseignement supérieur liées à l’apprentissage en ligne.

Licence : CC by-nc-sa

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