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Le projet de recherche xCALE : autorégulation et demande d’aide des apprenants. Comment aider les apprenants à demander de l’aide ?

19 décembre 2023 par Marine Roche Formation professionnelle 360 visites 1 commentaire

Ce texte propose une lecture de la planche, illustration visuelle de la recherche xCALE (eXplaining Competency and Autonomy development in Learning Environments), avec deux objectifs pédagogiques : expliquer la démarche de la recherche et rendre compte de l’autorégulation et des stratégies de recherche d’aide des apprenants. Nous vous proposons une lecture en suivant les étapes de la recherche. Vous pouvez vous aider du code couleur de la planche (terrain en violet, théories et analyses en vert) et des chemins tracés.

1. PRESENTATION DE XCALE
1.1. LE PROJET DE RECHERCHE
La recherche s’inscrit dans un contexte où les formations en ligne, les MOOC [1] et les plateformes d’apprentissage en ligne se développent. Les recherches tentent de comprendre comment maintenir et motiver les apprenants dans ces formations. Les injonctions à l’autoformation, à la formation tout au long de la vie, à apprendre à apprendre sont également marquées dans notre quotidien personnel et professionnel. Il s’agit alors d’aider les apprenants à apprendre à apprendre. L’autorégulation est une des pistes de travail théorique possibles et celle que le collectif a choisi comme point de départ de la recherche. En effet, l’autorégulation a déjà été mobilisée dans les recherches sur des apprentissages dans l’enseignement secondaire ou dans des formations en ligne pour expliquer les apprentissages et la réussite des apprenants. Les résultats soulignent que les apprenants autorégulés, c’est-à-dire mobilisant des stratégies d’autorégulation, obtiennent de meilleurs résultats y compris dans les formations en ligne (Broadbent et Poon, 2015 ; Cosnefroy, 2011).

A partir d’une réflexion de départ sur la mise en œuvre de réseaux bayésiens (systèmes probabilistes permettant l’aide à la prise de décision), l’objectif de xCALE consiste à développer, expérimenter et évaluer un dispositif de formation en ligne qui propose des soutiens didactiques. Le but est de pouvoir proposer des interventions, parfois automatisées, suggérées par une inférence bayésienne. Cela peut se manifester dans la structuration des activités ou des ressources proposées aux apprenants mais également sur la modélisation des apprentissages. Il ne s’agit pas seulement de proposer des recommandations d’activités pour soutenir les apprentissages, mais d’aider les apprenants à s’autoréguler, dit autrement d’aider les apprenants à apprendre à apprendre. La recherche a également une vocation opérationnelle car il est prévu de développer et de tester un outil d’aide à l’autorégulation pour les apprenants sur la plateforme d’apprentissage en ligne.
xCALE est une recherche financée par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Trois laboratoires et trois établissements d’enseignement supérieur sont engagés dans cette recherche :

  • le Lab-STICC, laboratoire des sciences et techniques de l’information, de la communication et de la connaissance, à l’IMT Atlantique ;
  • le LS2N, laboratoire des sciences du numérique de Nantes, à Nantes Université ;
  • le CREAD, centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique, à l’Université Rennes 2.

A ces trois laboratoires, il faut ajouter un partenaire, France IOI, une association qui développe des contenus pour découvrir la programmation informatique et l’algorithmie et qui organise des concours d’informatique. Ainsi, l’équipe est pluridisciplinaire : intelligence artificielle (IA), environnement informatique pour les apprentissages humains (EIAH) et sciences de l’éducation et de la formation.

1.2. QUI SOMMES-NOUS ?
La planche représente la partie de la recherche réalisée par le CREAD. Cinq membres du CREAD travaillent sur xCALE, auxquels il faut ajouter les membres de la cellule recherche qui permettent par exemple de gérer la partie administrative, le budget, les déplacements (des personnes indispensables au bon déroulement de la recherche).
Les principales missions pour la CREAD ont été de préparer les expériences sur le terrain à travers une revue de littérature sur l’autorégulation et une enquête exploratoire :

  • réaliser une revue de littérature sur l’autorégulation et les méthodologies pour mesurer l’autorégulation ;
  • proposer et mettre en œuvre un protocole de recherche pour l’enquête exploratoire ;
  • recueillir et analyser les données, rédiger les analyses et proposer des recommandations ;
  • valoriser les résultats (articles et communications).

1.3. LES STRATEGIES D’AUTOREGULATION
1.3.1. Qu’est ce que l’autorégulation ?
Au cœur de la recherche xCALE se trouve l’autorégulation des apprentissages. La première étape de la recherche est de comprendre ce que recouvre ce terme. Comment est-il défini ? Qui sont les chercheurs qui ont travaillé sur ce sujet ? Quelles sont les approches théoriques et méthodologiques mobilisées pour l’analyser ? Autant de questions que la revue de littérature permet d’éclairer.
Avant de s’intéresser aux définitions scientifiques, un détour par l’étymologie peut nous permettre de mieux le comprendre.

On peut commencer par définir la régulation. Le terme vient du latin regula, la règle et de regere, dominer. Le CNRTL propose la définition suivante : « Mécanisme de contrôle faisant intervenir des rétroactions correctrices à l’intérieur d’un système (physique, biologique, social), et assurant l’équilibre de ce système chaque fois que sa stabilité est momentanément perturbée par des causes internes ou externes ». En sciences de l’éducation, Hadji (2012) définit la régulation comme un réglage, un ajustement, un contrôle ou encore une mise au point d’un processus. Il s’agit de régler le fonctionnement d’un mécanisme pour l’adapter soit aux conditions extérieures, soit aux résultats, soit les deux. A noter que l’intervention doit être possible dans le déroulement du processus. Dans la définition de Laveault (2007), on trouve l’idée d’un feedback qui permet de comparer la progression à un standard, une norme ou une référence.

L’autorégulation vient du latin, autos, soi-même, et regula, règle ou loi et regere, dominer. Le CNRTL propose la définition suivante dans le domaine de la biologie : « Fait qu’une fonction assure elle-même sa régulation ». L’encyclopédie Universalisdéfinit l’autorégulation en technologie par la régulation d’un système, d’un processus ou d’une machine, par lui-même. Dans l’autorégulation le système se régule seul, il a les capacités de se réguler sans intervention extérieure, sans dépendre d’autrui, autrement dit il se règle lui-même. L’autorégulation pour Nader-Grosbois (2007) « implique une recherche d’équilibration qui permet à tout individu d’accéder à la connaissance de soi et des objets qui assure la cohérence de son activité, l’adaptation continuelle aux événements qu’il vit et aux situations nouvelles qu’il rencontre » (Nader-Grosbois, 2007, p.11). Selon cette auteure, les processus de régulation ou d’autorégulation permettent de trouver un équilibre après le constat d’un écart entre une situation actuelle et une situation désirée.

1.3.2. Qu’est-ce que l’autorégulation des apprentissages
Comment définir l’autorégulation des apprentissages ? Les premières publications sur l’autorégulation des apprentissages sont américaines et datent du milieu des années 80. Elles sont issues de travaux qui se sont intéressés aux rôles de la cognition, la métacognition et la motivation sur les apprentissages (Cosnefroy, 2011). Elles sont issues du constat que les modèles uniquement cognitifs ou métacognitifs ou motivationnels ne sont pas suffisants pour comprendre les apprentissages. En effet, elles permettent une lecture pluridimensionnelle et globale de la personne (cognitif, motivation, métacognitif, social, etc.) (Nader-Grosbois, 2007). La littérature sur le sujet est conséquente, il existe de nombreuses définitions, modèles d’analyse et méthodologies. Néanmoins, le fait d’avoir plusieurs définitions, intégrant des concepts psychologiques multiples et issues de différentes théories, entraîne un flou et une difficulté à opérationnaliser les mesures. L’autorégulation peut apparaître comme « a powerful umbrella to anchor crucial variables » (Panadero, 2017, p.22). Il semble, par ailleurs, plus facile de déterminer les caractéristiques des apprenants autorégulés que de s’accorder sur une définition (Cosnefroy, 2011).

Nous vous proposons quelques définitions pour comprendre l’étendue des recherches sur le sujet.
Pour Zimmerman (1989) il s’agit de « l’intensité avec laquelle l’individu est aux plans de la métacognition, de la motivation et de la conduite un participant actif dans ses processus d’apprentissages » (cité par Cosnefroy, 2011, p.15). Par ailleurs, « l’autorégulation vise une amélioration de la perception qu’ont les élèves de leur propre efficacité et du contrôle qu’ils exercent sur les processus d’apprentissage » (Zimmerman et al., 2000, p.15).
Cosnefroy définit l’autorégulation des apprentissages comme « la résultante d’une autodiscipline, qui permet de trouver des ressources pour se mettre au travail et y rester quoi qu’il en coûte, et d’une autoévaluation qui assure le regard critique nécessaire aux repérages des erreurs et à l’amélioration du travail en cours » (Cosnefroy, 2011, p.6).
Schunck, (1994) définit l’autorégulation comme l’« ensemble des processus par lesquels les sujets activent et maintiennent des cognitions, des affects et des conduites systématiquement orientés vers l’atteinte d’un but » (cité par Cosnefroy, 2011, p.10).
Kermarrec propose la définition suivante : l’autorégulation est « la capacité à contrôler et à modifier sa propre cognition » (Kermarrec, 2004, p.11).

Enfin, Jézégou propose une définition inspirée de Pintrich et Boekaerts considérant que « l’autorégulation en formation renvoie au contrôle conscient et délibéré que nous exerçons sur nos propres démarches cognitives, c’est-à-dire à la manière dont nous anticipons et nous élaborons des stratégies, les évaluons et les ajustons en fonction des résultats obtenus afin de mener à bien nos apprentissages (Pintrich, 2000 ; Boekaerts et al., 2000) » (Jézégou, 2010, p.82).
La plupart des modèles s’accordent sur le fait que l’autorégulation est cyclique et est composée de plusieurs phases et sous-processus. Puustinen et Pulkkinen (2001) identifient trois phases communes :

  • la préparation : analyse, planification, détermination des buts, connaissances sur la tâche ;
  • la performance, l’action : utilisation des stratégies, réalisation de la tâche avec un monitoring et un contrôle de la progression ;
  • l’évaluation : réflexion, régulation et adaptation pour de futures actions.

Les modèles peuvent être distingués selon s’ils incluent ou non, et selon la place accordée par certaines dimensions comme la motivation ou les émotions (Panadero, 2017). Par ailleurs, dans l’autorégulation, il y a l’idée d’une boucle de rétroaction qui permet de réguler, d’ajuster les comportements, actions en cours pour atteindre l’objectif fixé.
L’autorégulation a été utilisée pour des publics différents (école primaire, enseignements secondaire et supérieur) et dans des situations différentes (tâches scolaires en mathématiques ou en lecture ou pratiques sportives). Dans le cadre de la psychologie des apprentissages, le concept renvoie à la finalité d’ « apprendre à apprendre » (Nader-Grosbois, 2007).

Dans xCALE, nous avons choisi une définition qui a été de mobilisée dans de nombreuses recherches et qui se rapprochait le plus de nos objectifs de recherche, celle de Zimmerman : « student can be described as self-regulated to the degree that they are metacognitively, motivationaly and behaviorally active participants in their own learning process » (Zimmerman, 1989, p. 329). Cette définition convient également au projet de recherche car l’auteur, Zimmerman, avec Pons (1986) ont proposé une typologie de 14 stratégies d’autorégulation des apprentissages. Parmi celles-ci, nous nous intéresserons à deux stratégies :

  • seeking information , définie par les « student-initiated efforts to secure further information from nonsocial sources when undertaking an assignment »
  • seeking social assistance présentée comme « student-initiated efforts to solicit help from peers, teachers and adults » (Zimmerman et Pons, 1986, p.618).

Ces deux stratégies ont été retenues car elles faisaient consensus au sein de l’équipe pluridisciplinaire. En effet, il est possible de recueillir des données en EIAH et en IA grâce aux traces laissées par les apprenants sur la plateforme (learning analytics ). Il convient de mieux comprendre ce qu’est le help seeking.

1.4. QU’EST CE QUE LA RECHERCHE D’AIDE ?
Karabenick et Berger (2013) définissent le help seeking de la manière suivante : « help seeking can be defined as the process of seeking assistance from other individuals or other sources that facilitate accomplishing desired goals » [2] (Karabenick et Berger, 2013, p.238). Les auteurs soulignent que l’objectif est d’utiliser l’aide pour accomplir un apprentissage et que l’aide peut être fournie par une personne ou par d’autres sources. En effet Zimmerman et Pons (1986) distinguent seeking social assistance, c’est-à-dire demander de l’aide auprès des pairs, d’un enseignant ou d’une personne, et seeking information, où il s’agit de chercher de l’aide auprès de sources non sociales. Puustinen et Rouet (2009) reviennent sur cette différenciation et identifient trois situations de demande d’aide :

  • une personne (enseignants, autres élèves, etc.) est présente physiquement auprès des apprenants ;
  • une personne répond à la demande d’aide par l’intermédiaire d’un outil de communication informatique (mail, chat, forum, etc.) ;
  • la personne est remplacée par un dispositif informatique, à noter que le système d’aide a été conçu par une personne.
Figure 1 : Continuum de recherche d’aide (Puustinen et Rouet, 2009)

Ainsi, plutôt que de parler d’aide sociale et d’aide non sociale, Puustinen et Rouet (2009) proposent un continuum de recherche d’aide (voir figure 1) où les aides sont différenciées selon leur capacité à adapter leurs réponses aux besoins des apprenants. En effet, pour ces auteurs, ce qui différencie un système d’information passif d’une interaction avec une personne est la prise en compte de l’apprenant (par exemple s’appuyer sur les connaissances des apprenants) et du contexte de la recherche d’aide. La recherche d’aide recouvre ainsi un large éventail de comportements de recherche d’aide et d’informations avec des interlocuteurs humains et non humains (Puustinen et Rouet, 2008).

La demande d’aide apparaît comme une stratégie d’autorégulation. En effet, elle fait appel à la capacité à mettre en œuvre des stratégies pour surmonter une difficulté et apprendre. Elle permet d’indiquer que l’apprenant est en mesure de mener une réflexion métacognitive sur la tâche à accomplir et qu’il a une connaissance de ce qu’il peut faire ou ne peut pas faire seul, qui est un signe d’apprentissage autorégulé (Karabenick et Berger, 2013 ; Puustinen, Bernicot et Bert-Eboul, 2011).
Nelson-Le Gall (1981) propose de distinguer cinq étapes dans le processus de demande d’aide des apprenants (voir figure 2) :

  1. prendre conscience du besoin d’aide (awareness of need for help) : se rendre compte que ses propres ressources ne sont pas suffisantes pour atteindre l’objectif ;
  2. décider de demander de l’aide (decision to seek help) : décider de chercher activement de l’aide auprès des autres ;
  3. identifier les aides potentielles (identification of potential helper(s)) : identifier la ou les aides potentielles qui peuvent fournir les ressources et permettre d’atteindre l’objectif ;
  4. employer des stratégies pour obtenir de l’aide (employment of strategies to solicit help) : mettre en œuvre des stratégies pour solliciter l’aide de la personne identifiée à l’étape précédente, le succès ou l’échec peut amener à situations différentes, s’il y a échec, c’est-à-dire si la personne identifiée n’a pas permis d’atteindre l’objectif, il s’agit alors de re-questionner la même personne (étape 4) ou trouver une autre source d’aide (retour à l’étape 3), s’il y a succès, c’est l’étape 5 ;
  5. évaluation de la recherche d’aide (reactions to help seeking attempt) : évaluer le succès ou l’échec de la recherche d’aide, cela permet d’améliorer les futures demandes d’aide.
Figure 2 : Processus de recherche d’aide (Nelson-Le Gal, 1981)

A partir de cette revue de littérature, plusieurs questions se posent : quelles sont les aides disponibles au moment de l’apprentissage ? Pourquoi choisir de demander de l’aide à une personne plutôt qu’à une source documentaire ? Qu’est ce qui est le plus bénéfique pour les apprentissages ? Comment choisir la source à interroger ?

2. LE TERRAIN DE LA RECHERCHE : LA FORMATION TREMPLIN NUMERIQUE
Le terrain de notre recherche et la formation Tremplin numérique. Il s’agit d’une formation destinée à un public majeur, éloigné de l’emploi (personnes au chômage, peu diplômées) et vise une insertion professionnelle dans le domaine du numérique. Elle permet de construire un projet professionnel et d’accéder à des formations qualifiantes. Proposée par une association d’éducation populaire, Les Petits Débrouillards, en collaboration avec un réseau d’école d’ingénieurs, IMT Atlantique, elle est gratuite pour les stagiaires qui ont la possibilité d’obtenir un financement selon leur situation (comme les financements accordés par la Région, par exemple). La formation est en partie financée par la Région Bretagne. Les stagiaires peuvent avoir un projet professionnel plus ou moins précis, en rapport avec le numérique ou non. Plusieurs réseaux locaux relaient l’information (affichage, Pôle emploi, missions locales, associations, etc.). Le recrutement se fait via des candidatures spontanées et un entretien, visant à vérifier la motivation, le rapport au numérique et la cohérence du projet par rapport à la formation.

Tremplin numérique permet de découvrir tout ce qui est autour de l’informatique et du numérique : algorithmie, programmation en HTML (hypertext markup language) et CSS (cascading style sheets), logiciels bureautiques, logiciel création 2D/3D, imprimante 3D, découpeuse laser, etc. Plusieurs modules sont proposés : culture numérique, sensibilisation à la sécurité informatique, algorithmie, objet connecté/intelligent, site web et application mobile, conception 2D/3D, communiquer avec le numérique, médiation numérique, maintenance informatique et réseau, projet personnel, projet encadré et projet professionnel.
La formation a lieu en trois temps :

  1. une phase de remobilisation : elle dure sept semaines et ne concerne pas l’ensemble des stagiaires, il s’agit d’une mise à niveau sur les usages du numériques et de lever les freins d’apprentissages (s’organiser, se socialiser, retrouver un rythme, etc.) grâce à des activités de découverte du numérique ;
  2. une phase technique de 19 semaines : il s’agit là de la formation à proprement parlé ;
  3. une phase d’accompagnement : elle débute après la formation et s’arrête jusqu’à six mois après la fin de la formation pour les stagiaires qui le souhaitent, il s’agit d’un accompagnement pour la qualification et l’emploi.

Une soixantaine de stagiaires répartis sur trois sites en Bretagne suivent la formation (deux métropoles, Rennes et Brest, et une ville en zone rurale, Rostrenen). Elle a lieu uniquement en présentiel et s’appuie sur les principes de la pédagogie active. Si une grande partie des travaux sont réalisés en groupe, les stagiaires mènent également des activités en autonomie, favorisant ainsi une personnalisation progressive tout au long de la formation. Des plateformes d’apprentissage en ligne sont utilisées pour former les stagiaires. Un suivi individualisé est également proposé aux stagiaires afin de préparer la suite de la formation (formation qualifiante, parcours professionnel). Les formateurs sont présents pour accompagner les stagiaires sur l’inscription à la formation (dossier administratif), leurs apprentissages, leurs objectifs professionnels et parfois sur le plan personnel (apprendre à gérer un budget, préparer des repas équilibrés, etc.).

3. LE TRAVAIL DU CHERCHEUR
3.1. LES QUESTIONS DE RECHERCHE
A partir de la revue de littérature sur l’autorégulation et la recherche d’aide et en lien avec le terrain de la recherche, nous avons proposé plusieurs questions : quelles sont les aides mobilisées par les stagiaires durant la formation ? Quelles sont les caractéristiques de ces aides ? Qu’est-ce qui peut faciliter ou entraver la demande d’aide ? Sur quoi s’appuient les apprenants dans le choix d’une source d’aide ? Préfèrent-ils une aide en ligne ou une aide en présentiel ? Quelle est la relation entre la recherche d’aide et l’autorégulation ? L’objectif de cette recherche est de mieux comprendre et d’appréhender la diversité des stratégies de recherche d’aide des stagiaires en particulier durant les activités sur Algorea serious game (Algorea dans la suite du texte). Les résultats visent également à identifier les caractéristiques des aides sollicitées, le moment de la recherche d’aide et le type d’aide demandé.

3.2. LE RECUEIL DE DONNEES
Nous avons pu suivre les troisième (2021/2022) et quatrième (2022/2023) éditions de Tremplin numérique. Le module de la formation Tremplin numérique choisi pour la recherche xCALE concerne l’apprentissage du code informatique et de l’algorithmie. Ce module a été choisi pour des raisons méthodologiques d’accès à la plateforme et de recueil de traces informatiques. Une des ressources utilisées est la plateforme d’apprentissage en ligne Algorea, créée par France IOI. Le concepteur étant investi dans le projet de recherche, il est ainsi possible de recueillir les traces des apprenants afin de réaliser des analyses pour les chercheurs en EIAH et IA. Durant ces séances, les stagiaires travaillent en autonomie sur la plateforme d’apprentissage en ligne, chacun est équipé d’un ordinateur portable et un formateur est toujours présent pour les guider. Algorea est présentée lors de la première séance et des exercices en groupe entier sont également proposés pour faciliter la prise en main par les stagiaires. Algorea vise l’apprentissage de l’algorithmie par la pratique, en résolvant des exercices ludiques (appelés « puzzles »). Il s’agit par exemple, dans un espace virtuel, de programmer les déplacements d’un robot dans un parcours afin qu’il plante des fleurs.

Etant donné nos questions – plutôt exploratoires – et le terrain de la recherche, nous avons choisi une méthodologie qualitative : entretiens et observations. 44 entretiens semi-directifs ont été réalisés avec les stagiaires de la formation sur deux sites (Rennes et Rostrenen) et durant deux éditions de formation (2021/2022 et 2022/2023). 14 femmes et 30 hommes, âgés de 16 à 58 ans, ont répondu à nos questions entre janvier et mai 2022 ou 2023, soit durant la phase technique de la formation. Les entretiens ont été réalisés avec les stagiaires volontaires sur le lieu de formation durant les journées de formation et avec l’accord des formateurs. Le guide d’entretien est composé de cinq parties. La première concerne le profil des stagiaires : âge, parcours scolaire et professionnel, expériences en programmation/algorithmie et pratiques de formation en ligne. La deuxième renvoie à leur présence dans la formation, les raisons pour lesquelles ils sont inscrits et leur projet professionnel. Dans la troisième partie du guide, le stagiaire est interrogé sur son environnement de travail, la salle de formation ou encore le matériel. La quatrième partie interroge les stagiaires sur la relation avec les formateurs, les stagiaires et la demande d’aide. Il est question dans la cinquième partie de leur avis sur l’utilisation de plateforme d’apprentissage en ligne dans la formation.

Le recueil de données avait également pour objectif de comprendre comment les séances sur Algorea se déroulaient. Nous avons ainsi réalisé des observations durant les séances où les stagiaires utilisaient Algorea. La grille d’observation a été construite de manière inductive, en partant des faits observés sur le terrain et des objectifs de la recherche. Les éléments observés sont liés à l’organisation de la séance (début, temps collectif et individuel, pauses, etc.), les demandes d’aides des stagiaires (sources, manières de solliciter l’aide, etc.) et l’ambiance de la salle (bruyant, calme, déplacements des stagiaires, etc.).

Les stagiaires étaient volontaires pour participer et ont accepté la présence de la chercheure pour des observations et lors de temps forts de la formation comme la présentation de projet en groupe ou personnel. Le fait d’être présente lors des temps de formation a facilité les échanges lors des entretiens, la connaissance des formateurs, des stagiaires et des travaux réalisés favorisent la parole. La contrepartie est qu’il ne faut pas oublier de demander parfois de préciser, demander des informations supplémentaires, même si on croit savoir. Ainsi, le recueil de données est également constitué de notes écrites dans un carnet de recherche réalisé durant les journées de présence de la chercheure « sur le terrain » qui rendent compte des échanges informels avec les formateurs et les stagiaires et de ressentis.

Plusieurs questions sur la posture du chercheure sur le terrain :

  • Quand débuter le terrain ? Quand l’arrêter ? Vais-je être acceptée par le terrain ?
  • Comment faire en sorte que les acteurs fassent confiance et se livrent durant les entretiens ? Comment créer du lien ?
  • Où est la limite entre la chercheure et la personne ?
  • Comment, quoi noter dans le carnet de recherche ? Qu’est ce qui est « recherche » ? Que faire du ressenti personnel ?

3.3 L’ANALYSE DES DONNEES
Les entretiens ont été enregistrés, transcrits et ont fait l’objet d’une analyse thématique (Blanchet et Gotman, 2007). L’objectif de la recherche thématique est de repérer ce qui se réfère au même thème dans les différents entretiens. Concrètement, il s’agit de lire les entretiens transcrits et d’identifier les thèmes abordés dans un entretien. Le plus souvent, le chercheur annote les entretiens ou utilise un code couleur par thème (surlignage). Plusieurs thèmes ont été utilisés dans le cadre de cette recherche. La grille d’analyse a été conçue de façon inductive en nous appuyant sur l’analyse des données d’entretien et sur la revue de littérature. Par exemple, pour la recherche d’aide, nous avons cherché des informations sur les aides sollicitées (source aide) et le type d’aide demandé (conseil ou solution). Il convient de préciser que les analyses ont été réalisées à partir des propos des stagiaires qui ne donnent accès qu’à leurs représentations de leurs propres actions et non aux actions réellement mises en œuvre.

La phase d’analyse des données fait le lien entre la revue de littérature, la partie théorique de la recherche, et les données recueillies, le terrain. Il s’agit d’utiliser les éléments de la littérature pour analyser les entretiens. Par exemple, que peut-on dire des stagiaires qui évitent de demander de l’aide à une personne ? Quand est-il de ceux qui posent une question pour obtenir la réponse ? A partir de la littérature, nous pouvons comprendre ce qui facilite ou à l’inverse empêche la demande d’aide. Nous pouvons aussi comprendre ce qui différencie la demande d’aide en classe (en présentiel) de celle en ligne.

4. LES RESULTATS DE LA RECHERCHE
Quatre aides sont disponibles et mobilisées par les stagiaires durant la formation : Algorea, internet, les formateurs et les autres stagiaires (entraide). ChatGPT n’était pas démocratisé au moment du recueil de données, nous n’avons pas pu interroger les stagiaires sur cette source d’aide.
A partir des données, nous avons pu identifier trois pratiques de recours à l’aide sociale (formateurs et/ou stagiaires) :

  • un faible recours : les stagiaires sont peu demandeurs et préfèrent chercher par eux-mêmes une information plutôt que d’aller poser la question à une autre personne ;
  • un recours complémentaire : les stagiaires cherchent par eux-mêmes dans un premier temps puis demandent de l’aide à un autre stagiaire ou à un formateur ;
  • un recours principal : les stagiaires demandent directement de l’aide sans avoir un moment de recherche personnelle auprès d’une aide non sociale (par exemple sur internet).

On peut ainsi se demander pour quelles raisons les stagiaires choisissent d’interroger internet ou la plateforme plutôt qu’un formateur ou un stagiaire ? Et inversement, pour quelles raisons ont-ils une préférence pour internet ?

Nous pouvons trouver quelques réponses à travers les propos des stagiaires et dans la littérature.
Plusieurs éléments permettent de comprendre qu’un stagiaire préfèrent consulter internet plutôt qu’un formateur ou un autre stagiaire : ne pas prendre conscience du besoin d’aide, ne pas oser déranger les formateurs ou les stagiaires, la volonté de réussir par soi-même, ne pas montrer une lacune ou encore la crainte de sur-solliciter. A l’inverse les stagiaires préfèrent solliciter une personne pour la qualité et fiabilité des informations (comparé à internet) ainsi que le fait qu’elle puisse identifier le problème rencontré.

Les questions qui se posent à travers ces catégories :

  • Pourquoi éviter la demande d’aide au formateur ? Ou à un autre stagiaire ?
  • Dans quel cas, pour quels types de question, est-il préférable de demander de l’aide à une personne (formateur/stagiaire) ?
  • Quelles sont les informations qu’ont les formateurs/stagiaires et qu’on ne trouve pas sur les plateformes ou sur internet ?

Des questions plus pratiques se posent également :

  • Quelles sont les caractéristiques de l’aide sociale ? Et celles de l’aide en ligne ?
  • Comment aider les stagiaires à mobiliser les différentes aides ?
  • Comment aider les stagiaires à trouver la source qui saura répondre à leur interrogation ?

Nous avons également cherché à vérifier l’existence d’un lien entre engagement dans la formation et la demande d’aide, concrètement nous nous sommes demandés si le fait de demander de l’aide aux formateurs était signe d’un engagement plus important dans la formation. Les propos et stratégies des stagiaires ont invalidé cette hypothèse. En effet, le fait de ne pas demander de l’aide à un formateur peut cacher une volonté de chercher par soi-même ou une préférence pour échanger avec les pairs ou encore un défaut d’intégration dans la formation et d’impossibilité à échanger avec les formateurs. De la même manière demander de l’aide aux formateurs peut aussi bien renvoyer à des demandes d’aide pour obtenir la solution, montrer un manque d’autonomie pour ou enfin être une volonté d’apprendre auprès d’un expert.

5. QUELLES SONT LES IMPLICATIONS ?
Plusieurs pistes de réflexion pourraient amener les apprenants à apprendre à demander de l’aide lors de formation avec l’aide des formateurs ou enseignants :

  • aider à identifier les aides disponibles, leurs caractéristiques, leurs spécificités ;
  • encourager à poser des questions, rassurer ;
  • aider à identifier le besoin de demander de l’aide ;
  • aider à identifier le problème pour mobiliser l’aide la plus adaptée ;
  • aider à formuler le besoin d’aide (à l’oral ou à l’écrit) ;
  • encourager l’évaluation de la démarche de recherche d’aide (ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné).

Cette recherche a permis de mieux comprendre les stratégies de demande d’aide des apprenants adultes dans le cadre d’une formation en présentiel mobilisant des plateformes d’apprentissage en ligne. Nous avons identifié des points sur lesquels les formateurs ou la plateforme d’apprentissage pourraient intervenir pour aider les apprenants à demander de l’aide auprès de sources sociales et de sources non sociales. Afin de promouvoir la demande d’aide auprès de sources sociales, il peut s’agir par exemple pour les formateurs de créer un climat d’entraide parmi les apprenants afin qu’ils puissent facilement les solliciter ou solliciter les autres apprenants. Une autre piste serait de rassurer les apprenants qui ont un faible recours à l’aide sociale en expliquant que le fait d’être aidé ne signifie pas qu’on ne résout pas le problème seul ou encore que demander de l’aide ne dérange pas la personne sollicitée et qu’au contraire elle peut se sentir valorisée. Concernant l’aide en ligne, les stagiaires pourraient être informés sur l’aide disponible sur la plateforme et formés à réaliser des recherches sur internet. La plateforme d’apprentissage pourrait proposer de la documentation ou des sites que pourraient consulter les apprenants. Elle pourrait également proposer l’aide sous un format vidéo, par exemple des tutoriels. Plus concrètement, les enseignants pourraient construire avec les apprenants un outil permettant de lister les différentes aides disponibles en précisant les informations qu’elles peuvent transmettre, les avantages, les inconvénients, etc.

Par ailleurs, il paraît pertinent que les élèves connaissent les différentes stratégies de demande. En effet, la connaissance métacognitive des différentes stratégies d’autorégulation permet de mieux apprendre et de pouvoir s’adapter à de nouvelles tâches ou de nouveaux contextes d’apprentissage (Pintrich, 2002). Ces connaissances permettraient de choisir la stratégie la plus efficace selon le contexte.

6. LA VALORISATION DES RESULTATS
Une fois les données analysées et les résultats rédigés, il s’agit pour le chercheur de valoriser le travail réalisé. Dans le cadre de xCALE, nous avons réalisé des communications dans des colloques ou journées d’études. Il existe au moins deux formats : une communication orale dans un colloque (présentation de la recherche en 15-20 min dans des ateliers, des salles avec 10-20 chercheurs/professionnels de l’éducation et de la formation) et communication sous forme de poster scientifique (affiche format A0 où on présente oralement les éléments du poster). La seconde manière de valoriser la recherche est de rédiger des articles qui seront publiés dans des revues scientifiques reconnues dans la discipline de sciences de l’éducation et de la formation.
Dans le cadre de l’ANR il faut également fournir des rapports (un rapport intermédiaire et un rapport final), il s’agit de résumer et synthétiser le travail réalisé durant la recherche.
Enfin, nous avons choisi de vulgariser à travers cette planche pour rendre visibles les résultats et la démarche.

Marine Roche, Éric Bertrand, Jérôme Eneau, Geneviève Lameul et Hugues Pentecouteau
CREAD, Université Rennes 2

7. BIBLIOGRAPHIE
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Licence : CC by-nc-sa

Notes

[1MOOC : Massive open online course, ce sont des cours en ligne, ouvert et accessible à un grand nombre de participants

[2La recherche d’aide peut être définie comme le processus de recherche d’aide auprès d’autres personnes ou d’autres sources qui facilitent la réalisation des objectifs souhaités

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