Un article repris du magazine The Conversation, une publication sous licence CC by nd
Le recyclage classique vise simplement la retransformation d’un objet usagé vers son état d’origine, et qui gardera donc la même fonctionnalité et esthétique. C’est ce qui se passe avec les bouteilles en plastique. Le surcyclage, lui, permet de valoriser un objet en un nouveau de qualité supérieure – des déchets textiles seront ainsi convertis en pièces de mode. À l’inverse, le sous-cyclage tend vers l’élaboration d’un nouvel objet de valeur moindre, dans le cas par exemple de livres qui deviendront des cartons d’emballage.
D’après le dictionnaire Larousse, le terme surcyclage est très peu employé dans la langue française, en faveur de sa traduction anglaise « upcycling » ou littéralement « recyclage par le haut », également appelé « suprarecyclage » du côté québécois. L’upcycling est un type de recyclage ayant pour objectif de donner une seconde vie à des matières ou objets destinés à être jetés en les transformant en produits à valeur ajoutée, esthétiques et/ou utiles, et souvent détournés de leur utilisation première.
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Ce concept de valorisation de la matière a toujours existé et les premiers exemples enregistrés datent du XVIIe siècle, en particulier dans la mode. En effet, afin de suivre les tendances, les anciennes robes étaient réutilisées pour en créer de nouvelles ou confectionner des sacs et chaussures.
Au début du XXe siècle, les artistes se servent d’objets usagés divers dans leurs créations, on peut citer les cas de Marcel Duchamp dès 1915 ou de Pablo Picasso dans les années 1940. Puis, pendant la Seconde Guerre mondiale, due à la pénurie de textile causée par la fabrication massive d’uniformes de guerre en Grande-Bretagne, la campagne « Make Do and Mend » fut lancée, encourageant la réparation et recyclage des vêtements.
Plus tard, dans les années 1950, Robert Rauschenberg s’inspire des travaux des années 1920 et crée la « junk art » ou l’art des déchets, consistant en l’utilisation de matériaux de récupération pour créer des œuvres d’art, un bel exemple d’upcycling. Puis la récession du début des années 80 pousse la population, et en particulier les jeunes générations à porter et personnaliser leurs vêtements de seconde main.
Enfin, c’est en 1994 que les termes upcycling et down-cycling sont inventés par Reiner Pilz, un architecte d’intérieur allemand, ayant déclaré à propos la prochaine directive européenne sur les déchets et du recyclage :
« Le recyclage, j’appelle ça du sous-cyclage, ils détruisent des briques, ils détruisent tout. Ce dont nous avons besoin est le surcyclage. Où de la valeur est ajoutée aux anciens produits, et non perdue. »
Ensuite, Gunter Pauli publie le premier livre dédié à l’upcycling au titre éponyme en 1998, suivi en 2002 par le best-seller Cradle to Cradle : Créer et recycler à l’infini de William McDonough et Michael Braungart, ce qui augmente fortement la popularité du terme upcycling. Ces ouvrages évitent le gaspillage des matières premières en promouvant leur réutilisation en créant de nouveaux produits.
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Ces dix dernières années, le surcyclage s’est fortement développé en parallèle de la mise en place d’actions et de lois visant à promouvoir l’économie circulaire. En plus de leur réemploi, le surcyclage des objets et matières limite grandement leur impact environnemental, et participe également à la création d’emplois dans de nombreux secteurs, de la récupération des objets, en passant par leur transformation ou réparation, jusqu’à leur réemploi.
L’industrie de la mode est l’un des pionniers de l’upcycling, et participe toujours activement au développement des procédés de valorisation des tissus, afin de retransformer les millions de tonnes de déchets textiles générés dans le monde chaque année, invendus compris et limiter leur impact environnemental et sociétal. Le surcyclage des vêtements est devenu nécessaire et de plus en plus de grandes marques se spécialisent dans ce domaine comme Readymade au Japon, mais encore Maison Margiela et Marine Serre en France, ou encore de plus petites marques parisiennes comme Paris RE Made et Mout-Mout.
Les secteurs de la décoration, de l’art et du design sont également très impliqués dans le surcyclage de leurs matériaux. Par exemple, l’artiste plasticien portugais Bordalo II sculpte des animaux géants à partir de déchets dans les rues de Lisbonne.
Le surcyclage ou upcycling se définit ainsi comme un moyen de valorisation de la matière ayant un grand intérêt économique, environnemental et culturel.
Cet article s’intègre dans la série « L’envers des mots », consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?
De « validisme » à « silencier », de « bifurquer » à « dégenrer », nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :
Marion Négrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
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