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Les grandes lignes de ma thèse sur les MOOC

9 juin 2016 par Matthieu Cisel Veille 498 visites 0 commentaire

Un article repris de https://numpedago.hypotheses.org/13

Il y a quelques billets, je vous ai présenté mes questions de recherches. Il est temps maintenant de vous présenter les grandes orientations méthodologiques de mon travail, les données que je compte mobiliser, et tout le tintouin. Les quelques données sur lesquelles se base l’article de Koller et al. (2013) que nous évoquions l’autre fois – article fondateur s’il en est – ouvrent des pistes pour mieux appréhender la question des faibles taux de certification des MOOC, mais elles sont fragmentaires ; par ailleurs, le format de cet article est davantage celui d’un billet d’opinion que d’une publication scientifique. Bref, c’est un peu léger. Si ma thèse s’inspire de ces pistes de réflexion, mon rôle est d’étoffer ce discours avec un corpus d’analyses autrement plus conséquent. Je vous propose de revenir sur mes quelques chapitres de résultats.

L’examen des arguments avancés par Koller et al. (2013) nous amènera à suivre l’injonction de DeBoer et al. (2014), auteurs qui suggèrent de repenser les indicateurs de performance utilisés dans le contexte des MOOC. Sur la base des données d’un célèbre MOOC d’électronique du MIT, 6.002x, les auteurs proposent de repenser quatre « variables éducatives » au prisme du contexte des MOOC : l’inscription, le curriculum, la participation et la réussite, traductions respectives de « enrollment », « curriculum », « participation » et « achievement ». Les auteurs définissent la réopérationnalisation d’une variable comme « une mise à jour de sa définition opérationnelle laissant intacts ses interprétations et ses usages conventionnels » et la reconceptualisation comme « une redéfinition des usages et des interprétations à même de convenir au nouveau contexte éducatif ». La réopérationalisation signifie dans une large mesure la création de nouvelles métriques, de nouveaux indicateurs, tandis que la reconceptualisation correspond à la réinterprétation de la même variable dans le nouveau contexte d’intérêt, dans notre cas, les MOOC.

Le premier chapitre de ma thèse est consacré à la variable « réussite » de DeBoer et al. (2014). Nous y menons une réflexion d’une part sur ce que nous nommerons les formes alternatives de complétion, et d’autre part sur ce que nous qualifierons d’échantillonnage des certifiés. Par forme alternative de complétion, nous désignerons toute forme de complétion correspondant à ce que l’on pourrait appeler une « manière alternative de terminer le cours », qui ne conduirait pas pour autant à l’obtention du cetificat, comme le fait de se cantonner à visionner la quasi-totalité des vidéos du dispositif. Nous définirons comme échantillonnage des certifiés le fait qu’une partie des certifiés ne réalise pas l’ensemble des activités prescrites ; nous nous concentrerons en particulier sur le fait qu’ils ne visionnent que rarement la totalité des vidéos du dispositif. Le travail sur l’échantillonage a pour objectif principal de montrer que l’obtention du certificat ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’écart entre activités prescrites par l’équipe pédagogique et activité effective des certifiés.

La réflexion sur les formes alternatives de complétion nous amènera dans un premier temps à montrer que les non-certifiés – les participants qui n’obtiennent pas le certificat – sont responsables d’une partie considérable de l’activité observable dans les dispositifs étudiés. Nous nous inspirons ensuite de Kizilcec et al. (2013) pour constater qu’un certain nombre d’entre eux visionnent la quasi-totalité des vidéos de cours. Nous nous inspirerons enfin d’analyses réalisées par Breslow et al. (2013) sur un cours d’électronique du MIT pour montrer qu’une partie non négligeable des certifiés « échantillonnent le cours » en ne réalisant qu’une partie des activités prescrites : visionnage de vidéos, soumission de quiz, rendu de devoirs, dès lors que celles-ci ne sont pas strictement obligatoires à l’obtention du certificat. Nous proposerons sur la base de ces analyses de compléter les taux de certification par plusieurs types d’indicateurs à même de refléter ces différents processus, en nous concentrant sur l’échantillonnage des vidéos.

Au cours d’un second chapitre de ma thèse, je m’intéresse à la variable « inscription », notamment au prisme du comportement d’inscription des utilisateurs de la plate-forme FUN. Koller et al. (2013) soulignent que nombreux sont ceux pour qui l’inscription n’est pas associée à l’intention de se former ; elle appuie son propos en déclarant que la plupart des participants s’inscrivent de toute façon à plus de cours qu’ils n’ont le temps matériel de suivre. Nous chercherons à dresser à travers l’analyse d’une série d’entretiens le lien entre intention au moment de l’inscription et le comportement sur la plate-forme qui héberge le MOOC. Nous chercherons à estimer de manière quantitative les intentions des participants, en montrant avec Reich (2014) les limites des approches par enquêtes.

J’ai cherché dans mon travail à compléter cette approche, basée sur les données autodéclarées, par une analyse du comportement d’inscription sur la plate-forme hébergeant le cours. Nous chercherons, via les données de FUN, à estimer de manière quantitative la propension des participants à s’inscrire à de nombreux cours, parfois superposés, et émettrons un certain nombre d’hypothèses relatives à la signification de ces comportements. Nous conclurons sur le fait qu’une meilleure compréhension du mode de découverte du cours est nécessaire pour interpréter les résultats constatés.

Le troisième chapitre de ma thèse est consacré à la question des motivations pour s’inscrire, question qui nous amènera à mobiliser la notion de projets d’apprentissage d’Allen Tough (1971) pour créer une typologie qui nous permettra appréhender ce que peut signifier la non-certication en fonction des motivations sous-tendant le suivi du cours. Nous verrons qu’un certain nombre de participants, minoritaires, ne viennent pas tant par intérêt pour le contenu du cours que pour participer à la formation, que ce soit pour découvrir le fonctionnement d’un MOOC, ou pour interagir avec d’autres participants. Parmi ceux qui s’intéressent au contenu de la formation, nous chercherons à identifier ceux qui s’inscrivent dans une démarche de projet d’apprentissage, et proposerons une typologie de ces projets sur la base des travaux de Tough et de ceux qui s’en inspirèrent. Nous observerons que dans la plupart des cours étudiés, les participants souhaitent réinvestir le contenu du cours dans leur vie personnelle ou professionnelle.

Enfin, Koller et al. (2013) soulèvent l’argument de l’absence d’intérêt pour le certificat pour expliquer que nombre d’utilisateurs de Coursera « terminent le cours », sans pour autant obtenir le certificat. Dans un dernier chapitre, nous verrons que bien que les participants dont l’inscription est motivée par l’obtention du certificat soient minoritaires, la plupart se déclarent intéressés par ce certificat. Sur la base d’une quarantaine d’entretiens, nous dresserons une typologie des différentes formes d’intérêt pour le certificat, en montrant que cet intérêt n’est pas nécessairement lié à une volonté d’utiliser le certificat dans un contexte professionnel. Nous chercherons également à mieux comprendre les différents types d’arguments avancés pour expliquer un désintérêt pour le certificat. Après avoir montré que la plupart des répondants se déclaraient intéressés par l’obtention du certificat, nous tenterons d’identifier les facteurs influant sur l’existence et la nature de l’intérêt pour le certificat. Nous tâcherons notamment de montrer que la supposée prévalence d’apprenants autodirigés n’éprouvant pas d’intérêt pour le certificat n’explique que très marginalement les faibles taux de complétion observés.

Voilà, en un petit billet, j’ai esquissé dans ses grandes lignes l’équivalent de plus de trois ans de recherche. Vous commencez peut-être à comprendre ce que je veux dire quand j’écris qu’il y a une certaine « diversité » d’approches méthodologiques dans mes travaux : du quali et du quanti à foison, bref, de quoi satisfaire tout le monde. Bien évidemment, je ne vais pas vous fournir tout de suite mes résultats. Il va falloir d’abord que je vous fasse découvrir quelques revues de littérature, que je vous familiarise avec les différents sur les MOOC, bref, que je vous fasse découvrir peu à peu les tenants et les aboutissants de mes travaux.

PS : en ce qui concerne la bibliographie, j’ai créé un billet dédié dans un autre blog, pour des raisons de lisibilité : http://www.matthieucisel.fr/la-bibliographie-de-ma-these-sur-les-mooc/

Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

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