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La pédagogie dans le corps ?

Un article repris de http://journals.openedition.org/eds...

Les enseignants en EPS ont la réputation de former un groupe « à part » dans le système d’enseignement, en même temps qu’une communauté « à la pointe » de la pédagogie. Cet article propose d’éprouver ces représentations sociales répandues en mobilisant des données quantitatives et qualitatives issues de quatre enquêtes collectives consacrées totalement ou en partie aux enseignants d’EPS. Offrant les moyens d’une comparaison avec les enseignants du second degré de différentes disciplines, cet ensemble de données interroge les caractéristiques et la définition du groupe. Il confirme l’importance au sein de ce corps disciplinaire de dispositions liées aux dimensions pédagogiques du métier et met en évidence les différents moments de leur développement au cours de la socialisation primaire et en formation professionnelle. Se dévoilent ainsi les ressorts et conditions de la genèse d’un ethos professoral effectivement singulier, sans préjuger de l’efficience des pratiques enseignantes associées.

Un article repris de la revue Education et socialisation, une publication sous licence CC by nc nd

Stéphan Mierzejewski, Igor Martinache, Nathalie Jelen et Clément Llena, « La pédagogie dans le corps ? », Éducation et socialisation [En ligne], 70 | 2023, mis en ligne le 31 décembre 2023, consulté le 03 janvier 2024. URL : http://journals.openedition.org/edso/25766

Introduction

Les enseignants en EPS ont la réputation de former un groupe « à part » dans le système d’enseignement (Roux-Perez, 2004 ; Bret, 2009) et une communauté « à la pointe » de la pédagogie. Ces désignations doivent être envisagées avec d’autant plus de circonspection qu’elles participent des conflits inhérents à la hiérarchisation des objets de savoir scolaire. Différents indices attestent, certes, de la relation d’affinité marquée entretenue par les professeurs d’EPS (PEPS) avec les dimensions pédagogiques et éducatives de l’activité enseignante (Mierzejewski, 2016). Cette affinité est intimement liée à l’histoire de la discipline et aux modalités de son insertion dans les programmes scolaires à partir de la fin du XIXème siècle. [1]Un certain penchant pour les particularismes et l’entre-soi professionnel (Mierzejewski et Martinache, 2018) va, de la même façon, manifestement de pair avec le souci de défense des intérêts corporatifs du groupe dont témoigne la persistance du Syndicat National de l’Éducation Physique (SNEP) à côté du Syndicat national des Enseignements de Second degré (SNES) après l’intégration de l’EPS à l’Éducation nationale en 1981 [2]. Or, cette force de mobilisation groupale et ce mode historique de légitimation par le pédagogique doivent être crédités d’une certaine efficacité, si l’on considère le chemin institutionnel parcouru (Martin, 1999) et l’évolution des regards portés sur la figure du « prof de gym » (Mierzejewski, 2016).

Les ressorts de ce positionnement original et de ces évolutions ne doivent toutefois pas être réifiés. L’efficacité en question n’est que relative. Elle n’implique pas le retournement de l’échelle de valeurs - essentiellement académique (Chapoulie, 1979) - qui supporte l’ordre culturel scolaire. En dépit de réelles avancées, cette échelle de valeur contribue à maintenir l’éducation physique en position dominée dans la hiérarchie des disciplines d’enseignement secondaire. Le souci pour la dimension pédagogique et les composantes relationnelles du métier n’est par ailleurs pas l’apanage exclusif des enseignants en EPS [3]. À bien y regarder, les propriétés qui distinguent objectivement ces enseignants de leurs homologues des autres disciplines n’ont en fait rien d’univoque et ne se situent pas toujours là où on les attendrait (Mierzejewski et Martinache, 2018). Les discours tenus sur la discipline manquent, autrement dit, d’appuis comparatifs pour se prémunir contre la tendance à naturaliser des traits qui, assumés ou subis, relèvent encore trop souvent de la caricature sociale (Charles et Clément, 1999). C’est précisément pour questionner certaines « évidences » et mettre à jour les impensés en la matière que cet article mobilise les données issues de quatre enquêtes principales consacrées totalement ou en partie aux enseignants d’EPS. Cette série d’enquêtes extensives offre les moyens statistiques de rapporter l’échantillon EPS à un échantillon témoin d’enseignants des premier et second degrés. Le croisement des propriétés prêtées aux uns et aux autres dresse alors le portrait différentiel du groupe sur lequel se concentre l’analyse (1ère partie), tout en révélant les conditions actuelles d’accès à ce groupe (2ème et 3ème parties).

Les questions relatives aux déroulés des trajectoires, aux expériences subjectives et aux projections à différentes étapes des parcours complètent le tableau en ouvrant le regard sur la genèse et les contextes d’activation des dispositions constitutives des ethos professoraux en présence. Les marques et expressions dispositionnelles dont les positionnements relevés portent la trace n’ont en effet de sens que rapportées aux cadres socialisateurs qui les fondent, depuis les primes configurations familiales qui les suscitent (2ème partie), jusqu’aux filtres de sélection et aux matrices de socialisation disciplinaires (Millet, 2003) qui les ciblent, les développent et participent, ce faisant, de la transmission des ethos professionnels correspondants (Zarca, 2009). Comment se combinent, dans cette seconde optique plus intensive, les biographies individuelles des futurs enseignants en EPS et leurs expériences de formation (Roux-Perez, 2006) au sein de l’institution (la filière STAPS) chargée de reconnaître et de développer chez les impétrants les dispositions et valeurs fondatrices du groupe (3ème partie) ? Une série d’entretiens semi-directifs à caractère biographique permet de compléter l’analyse des corrélations statistiques en restituant les dynamiques processuelles et contextuelles fines qui contribuent à la perpétuation de ces dispositions et valeurs, par-delà les transformations qui affectent le recrutement social et scolaire des nouveaux entrants aussi bien que le paysage institutionnel dans lequel ils s’inscrivent.

En s’efforçant de tenir les deux bouts de l’analyse, cette proposition se pense autant comme une contribution à l’amélioration de la connaissance sociologique des enseignants en EPS - saisis dans leurs caractéristiques et positionnements singuliers - que comme une contribution à l’analyse des transformations récentes du système d’enseignement secondaire. C’est, de fait, rituellement surtout la question du degré de proximité ou distance entre les professeurs des premier et second degrés qui tend à focaliser les réflexions (Isambert-Jamati, 1985 ; Farges, 2017). Mais qu’en est-il des enseignants du second degré entre eux ? Leurs particularités sont-elles moins porteuses de sens sociologique et lourdes d’enjeux éducatifs ? À cet égard, et du fait de la position polaire qu’occupent les enseignants en EPS dans le système d’enseignement secondaire français [4], les données réunies incitent au contraire à constituer leurs positionnements et trajectoires en analyseurs précieux des recompositions en cours.

Précisions méthodologiques et terminologiques

Le principal matériau empirique mobilisé est tiré de quatre campagnes d’enquêtes par questionnaires menées entre 2005 et 2022.

La première, réalisée dans le cadre du programme ANR Engens (ENGagement des ENSeignants) (2005-2008). Cette enquête est la plus ancienne et la plus fragile des quatre enquêtes mobilisées compte tenu du nombre de PEPS (131 dans un échantillon total de 1429 PLC) et du caractère localisé des observations (enquête régionale). Elle est toutefois à la source de différentes hypothèses confortées par la suite.

La seconde, MILITENS (MILITantisme ENSeignants) s’appuie sur un échantillon aléatoire de 10 000 enseignants constitué en collaboration avec les services de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du Ministère de l’Éducation nationale. 3294 questionnaires complets ont été collectés (dont 426 PEPS, 1374 autres professeurs de lycée et collège et 1494 professeurs des écoles). Coordonnée par Laurent Frajerman et soutenue par l’institut de recherche de la FSU, ainsi que les laboratoire CERAPS (UMR 8026) et RECIFES (EA 4520), cette enquête collective sur les engagements professionnels et militants réalisée entre 2016 et 2018 comportait une série de questions spécifiquement consacrées aux rapports à la pédagogie et aux disciplines d’appartenance.

Entièrement conçue et administrée par nos soins (soutenue par l’INSPE de Lille Hauts de France et le réseau national des INSPE), la 3ème enquête, baptisée NéoPEPS, s’appuie sur un questionnaire renseigné par un échantillon national d’apprentis et de néo-enseignants (M1 et M2) investis dans la mention Second degré du Master MEEF (n=1866) dont ressortent les expériences et positionnements variables selon les filières.

Une enquête sur les candidats au CAPEPS externe des quatre dernières promotions (2018-2022 : n=967) permet alors, en contre-point, de dégager les principales variables qui font les profils de lauréats et, par-là même, les conditions d’entrée dans la profession.

Sauf mention spéciale, l’ensemble des indicateurs mobilisés au cours des analyses satisfont aux seuils de significativité en vigueur en sciences sociales (p<0,05). Rédigées au masculin neutre par commodité, les analyses qui suivent pointent ici et là des incidences genrées qui mériteront indéniablement d’être creusées plus avant (bien qu’elles ne jouent qu’à la marge sur les indices de positionnement le long du continuum « pédagogues » vs transmissifs au cœur du présent propos). À ce premier volet d’enquêtes s’ajoute l’exploration des processus biographiques à la faveur desquels se forgent les vocations des néo-enseignants en EPS, puis se transmet un ethos groupal matérialisé par des positionnements enseignants préférentiels au pôle « éducatif/formatif » du système des relations didactiques que schématise le triangle pédagogique popularisé par Jean Houssaye. Le versant qualitatif de ces analyses s’appuie sur un matériau complémentaire réuni dans le cadre d’une campagne d’entretiens biographiques approfondis (n=30).

Dans son acception sociologique, la notion d’ethos professionnel renvoie à l’ensemble des dispositions « acquises par expérience et relatives à ce qui vaut plus ou moins sur toute dimension (épistémique, esthétique, sociale, etc.) pertinente dans l’exercice d’un métier » (Zarca, 2009, p. 351-352). Les ethos enseignants sont en ce sens envisagés comme le fruit d’un travail collectif continu de (re)production de l’espèce spécifique de légitimité scolaire propre aux différentes disciplines. Ils sont indissociables des intérêts corporatifs sous-jacents, sans pour autant exclure les implications techniques et logiques des savoirs mis en jeu. D’où l’attention prêtée aux incidences de ces derniers sur l’activité d’enseignement, bien que le regard porté se démarque de la charge normative inhérente à toute entreprise d’appréciation de « niveaux d’expertise » ou de développement professionnel. Les positionnements professionnels reconstitués ne s’apparentent dès lors pas à des « bilans de positionnement » fondés sur des standards de compétences professionnelles ad hoc (comme le sont les référentiels officiels de compétences enseignantes) mais à des actes de parole dans lesquels s’objectivent plus ou moins durablement les dispositions constitutives des ethos considérés. Essentiellement déclaratifs, les pratiques et jugements individuels et collectifs qui leur donnent corps ne préjugent pas de l’efficience des gestes professionnels invoqués. Ils dévoilent en revanche la force performative des discours et systèmes axiologiques qui soutiennent ces ethos (Jorro, 2009).

Un penchant plus marqué pour la dimension pédagogique du métier

Dans un continuum idéal-typique qui opposerait les enseignants dits « pédagogues », plaçant la qualité de la relation avec les élèves au cœur de leur définition du métier, à celles et ceux pour qui l’excellence professorale repose avant tout sur la maîtrise et la transmission des savoirs, un ensemble d’indices concordants incite à positionner les professeurs d’EPS du côté du premier pôle. Les PEPS de l’enquête MILITENS ne se montrent, à vrai dire, pas étrangers à l’idée qu’ils transmettent eux-mêmes des « savoirs ». Parmi les attraits de leur profession, ils mentionnent ainsi le fait de « participer à l’éducation des élèves » et de « transmettre un savoir » dans des proportions globalement équivalentes aux autres enseignants du second degré. Des différences apparaissent cependant dès lors que l’on considère l’intensité de leur adhésion à ces propositions.

Des positionnements plus éducatifs que transmissifs

75,3 % des autres professeurs des lycées et collèges (PLC) se déclarent en effet « tout à fait d’accord » avec l’affirmation selon laquelle « transmettre un savoir » constitue un tel attrait contre 61 % des PEPS. Il en est de même pour le fait d’« enseigner sa discipline » (respectivement 65 % et 57,5 %). La proportion s’inverse, en revanche, concernant le fait de « participer à l’éducation des élèves » (51,6 % contre 60,4%). Ce contraste dans les positionnements s’exprime avec plus de netteté encore dans la définition de l’idéal professionnel, approchée par une question portant sur ce qui fait la « qualité première » d’un « bon professeur ». Les réponses des PEPS confirment la moindre importance conférée à la transmission des savoirs en tant que tels. Parmi sept propositions susceptibles de caractériser un « bon professeur » à leurs yeux, ces derniers placent nettement en tête la qualité de la relation entretenue avec les élèves (pour près de 45% d’entre eux) devant la clarté de l’enseignement dispensé et la maîtrise des sujets abordés (25%). Ils se distinguent en cela de la moyenne des PLC, qui n’instaurent pas de hiérarchie entre ces deux registres de compétence (aux alentours de 39% dans les deux cas) [5] . Ce profil professoral moins expressément centré sur les savoirs et leur acquisition semble par ailleurs solidaire d’une plus grande distance à l’égard des verdicts proprement scolaires et, a contrario, d’une plus grande familiarité avec les implications éducatives de leur activité. Cette distance se traduit par une moindre focalisation des PEPS sur les difficultés inhérentes à la gestion des « différences de niveau au sein de la classe » (29% se déclarent « tout à fait » concernés contre 60% des autres PLC) et à l’échec scolaire (10,5% contre 40%), tandis que la sensibilité éducative exprimée transparaît dans le relief pris par la question de la régulation des « comportements agités de certains élèves ». C’est là un motif de préoccupation professionnelle important (55% contre 32%) qui traverse l’ensemble des entretiens et revêt - fût-ce sur le mode de la nécessité faite vertu - une tonalité fréquemment positive chez les PEPS :

Enquêteur : Et les élèves, tu les trouves plutôt difficiles ?

Ouais, ils sont un peu difficiles, mais ça ne me gêne pas en fait. Mon objectif c’est d’être en LP [lycée professionnel], parce que j’aime bien ce type de public... Après, c’est clair que les Terminales S, ben c’est presque : « Madame, vous ne pensez pas que je devrais mettre mon pied comme ça ? ». [...] Là les élèves, le contenu est limité. C’est vraiment de l’organisation, de la discipline. (Femme, 34 ans, certifiée en EPS, en poste fixe depuis 10 ans en lycée professionnel).

Des enseignants moins exposés à la compétition scolaire ?

Un score synthétique de niveau de « difficultés ressenties » a été [6] construit pour tester l’hypothèse d’une variation dans l’intensité et les objets de satisfaction professionnelle. Il en ressort un écart significatif entre PEPS et autres PLC (moyennes respectives de 2,15 contre 3 sur une échelle de difficultés graduée de 0 à 5 [7] Celui-ci peut en partie se lire comme l’indice d’une moindre exposition des PEPS à la compétition scolaire de plus en plus exacerbée (Broccholichi, Ben Ayed et Trancart, 2010). De ce point de vue, les professeurs d’EPS apparaissent relativement préservés des tensions qui pèsent sur la majorité de leurs collègues du second degré. La contrepartie en est toutefois la relative minoration de leur discipline et la dégradation de leurs conditions d’enseignement face à des élèves enclins à considérer leur cours comme un « défouloir ». Cette tension est d’autant plus prégnante, dans les cours d’EPS, qu’elle opère sur fond de mise en mouvement des corps et donc de confrontation entre des cultures somatiques (Boltanski, 1971) inégalement ajustées aux exigences d’auto-contrainte et de rationalisation des conduites constitutives de la forme scolaire (Vincent, 1980 ; Millet et Thin, 2007). Ces vicissitudes n’empêchent pourtant pas un certain épanouissement professionnel, si l’on en croit le degré de satisfaction que leur procure la relation qu’ils entretiennent avec les élèves (85% de « très » et « assez satisfaits » contre 75% pour les autres PLC).

Un penchant pédagogique qui transcende les générations

Les enquêtes ENGENS et Néo-PEPS confirment les tendances révélées par MILITENS et livrent quelques enseignements complémentaires. L’enquête ENGENS avait déjà suggéré l’importance de la « qualité de la relation » avec leurs élèves pour les enseignants en EPS et l’expression d’une certaine foi dans leur action éducative. Avec dans chaque sous-groupe un écart-type équivalent d’environ 1,2. [8].Avec dans chaque sous-groupe un écart-type équivalent d’environ 1,2.Dans l’enquête Néo-PEPS, les étudiants et stagiaires du parcours EPS du Master MEEF sont à 35,5% « complètement d’accord » avec l’affirmation selon laquelle le travail avec les enfants constituerait le cœur de leur métier (contre 33,1% des répondants des autres parcours), 61,4% à affirmer leur attachement à l’épanouissement des enfants (contre 53,2%) et 54,8 % à mettre en avant le respect des règles et de valeurs (contre 48,1%). Ils considèrent, symétriquement, que le cœur du métier passe par la transmission des connaissances dans 39,7 % des cas (contre 55,6 %) et par la valorisation de la performance dans 2,8 % des cas (contre 16,4 %). [9] Au-delà de la confirmation de résultats établis sur des échantillons différents, ces données convergentes suggèrent une certaine stabilité des attitudes en dépit du renouvellement des générations. L’enquête Néo-PEPS offre en quelque sorte une projection des évolutions qui pourraient affecter la structure et l’ethos du groupe dans son ensemble, si les conditions actuelles de formation et de recrutement perduraient, tout en attestant de la filiation manifeste entre la fraction des nouveaux entrants et leurs aînés. Des évolutions qui s’inscrivent en ce sens autant dans la phylogenèse du groupe qu’en regard des processus et circonstances ontogénétiques à la faveur desquels les impétrants s’approprient l’ethos correspondant au poste et au rôle professionnels qu’ils intègrent.

Un tropisme ancré dans les socialisations primaire et (pré)professionnelle

Une pleine articulation de ces échelles d’analyse phylo- et onto-génétiques supposerait, en toute rigueur, de montrer combien les dispositions et positionnements caractéristiques de l’ethos collectif des enseignants en EPS ont partie liée avec la matrice symbolique élaborée par une frange d’éducateurs physiques transfuges du corps des instituteurs et des écoles normales primaires qui prennent le contrôle du groupe naissant à partir des années 1920-30.

Le legs culturel et stratégique de l’enseignement primaire

Acculturés aux enjeux institutionnels et mieux dotés en ressources scolaires et syndicales, les représentants de cette nouvelle génération d’éducateurs physiques-instituteurs entendent asseoir la position de l’EPS dans l’enseignement secondaire et promeuvent à cette fin un modèle professoral d’encadrement de l’activité physique scolaire. L’enjeu est de se démarquer des options para-militaires et médicales concurrentes dans l’entre-deux-guerres (El Boujjoufi, 2005) tout en palliant le déficit de légitimité intellectuelle de la discipline. [10] Les nombreux attributs qu’ils doivent à leur appartenance initiale à l’enseignement primaire les portent alors à affirmer la fonction foncièrement éducative de l’éducation physique. Or, cette affirmation peut rétrospectivement être créditée d’une grande efficacité. Elle a, en effet, manifestement constitué une croyance propre à réaliser l’unité de leur communauté latente, en même temps qu’un atout discursif dans le cadre de la réforme du dispositif pédagogique républicain. Autrement dit, ces premiers professeurs d’EPS parviennent, dans cette conjoncture favorable, à retourner partiellement le stigmate de la possession de compétences réputées « pédagogiques » dans un univers où ils peinent à se défaire de la connotation péjorative attachée à leur origine « primaire » (Muel-Dreyfus, 1983 ; Isambert-Jamati, 1985). Leurs intérêts et leur ethos entrent, sous ce regard, en résonance avec les desseins d’autorités temporelles sensibles aux critiques récurrentes de l’excès d’intellectualisme du système d’enseignement. Ce sont, toutes proportions partisanes gardées, des motifs similaires qui expliquent le surcroît d’intérêt que suscite la discipline dans le sillage des visées d’éducation intégrale (réaffirmées dans l’après 1968) portées par le courant de l’éducation nouvelle (Arnaud, 1983 ; Gleyse, 2012). La perpétuation de ce positionnement éducatif spécifique jusqu’à nos jours est, enfin, le signe que l’institution est parvenue à attirer à elle de nouveaux entrants enclins à en défendre les intérêts (au double sens du terme) nonobstant les profondes évolutions qui ont marqué l’extraction sociale et scolaire des nouveaux venus à la profession (Mierzejewski, 2016).

Un recrutement préférentiel dans les classes moyennes cultivées (et en particulier le milieu enseignant)

Comment expliquer que des jeunes gens d’origine plutôt aisée (majoritairement masculins) [11] et plutôt bons élèves élisent une discipline scolaire passablement dépréciée, si ce n’est dans l’équation qui leur permet d’accéder aux fonctions professorales - et aux gratifications correspondantes - en y faisant valoir une forme d’excellence scolaire décalée (Lignier et Pasquali, 2016) ancrée dans leurs parcours sportifs ? De telles stratégies d’orientation permettent, certes, de contourner les niveaux d’exigence associés aux trajectoires académiques les plus sélectives. Elles n’en supposent pas moins la possession des dispositions culturelles appropriées à l’opération d’ennoblissement que suppose la consécration scolaire d’une certaine espèce de capital corporel dont le volume n’est pas en soi inversement proportionnel à celui des ressources intellectuelles, contrairement à un stéréotype tenace (Mierzejewski, 2016). Un détour par les constellations familiales et les primes socialisations s’impose tant les vocations enseignantes des futurs enseignants en EPS prennent leur source dans des expériences socialisatrices précoces.

Conformément à la pente de trajectoire groupale observée depuis les années 1960 (Michon, 1983 ; Defrance, 1982), les quatre enquêtes révèlent que les futurs PEPS appartiennent aux franges cultivées des classes moyennes et supérieures marquées par un net attachement aux valeurs de service public. Dans MILITENS, 48,6 % des PEPS déclarent que leur père travaille ou travaillait dans le secteur public contre 38,2 % des autres PLC. Si la proportion est strictement égale concernant les mères (51,4%), un écart significatif de 4,5 points s’observe au niveau des conjoints (57,1 % contre 52,6 %). Le démenti apporté par l’enquête ENGENS à la représentation courante de PEPS d’origine plus populaire que les autres PLC [12] trouve donc confirmation. C’est aussi le cas pour la proportion de fils et filles d’enseignants (20,4 % contre 13,8%), sachant que l’homogamie est en outre plus fréquente chez les PEPS (45,6 % contre 31,7 % se déclarent en couple avec un ou une enseignant.e) [13]. Une analyse par régression logistique sur la réussite au CAPEPS externe (Tableau 1) achève, enfin, de convaincre de l’importance de la socialisation primaire des PEPS au sein du milieu enseignant en établissant que le nombre d’enseignants parmi les ascendants (parents, oncles et tantes) démultiplie la probabilité de réussite des candidats (par 2,26, 3,02 et 4,36, selon que cet environnement comprend un, deux ou trois enseignants et plus).

Tableau 1. Régression logistique sur la réussite au CAPEPS externe en fonction du nombre d’enseignants dans l’environnement familial

Au-delà du prérequis que constitue l’incorporation de ressources typiquement scolaires, cette régression logistique suggère l’importance concomitante des ressources corporelles précocement développées via la pratique sportive en club mais aussi d’autres types de ressources relationnelles acquises au cours d’expériences associatives (notamment d’animation auprès d’enfants) et susceptibles d’être reconverties dans la profession enseignante.

Vocations précoces et expériences de socialisation (pré)professionnelle anticipatrices

Les configurations familiales dont sont issus les PEPS semblent de fait favoriser des investissements corporels périscolaires importants puis l’affirmation d’un goût pour les tâches d’animation et d’encadrement des activités physiques des enfants dans lequel s’enracinent les vocations enseignantes correspondantes. Très nette dans les entretiens, la solidité de cette tendance se manifeste à travers la pérennité de leur investissement au sein d’associations sportives au-delà de la simple adhésion : 54,5 % des PEPS déclarent exercer des responsabilités au sein d’un club (contre 6 % des autres PLC) et 34,4 % (contre 18,4%) y adhérer en tant que « participant actif ». Elle s’exprime également dans leur taux d’adhésion à divers groupements à vocation éducative : 19 % des PEPS déclarent être membres d’une association culturelle ou d’éducation populaire (contre moins de 13,5 % des autres PLC). Les néoPEPS sont par ailleurs significativement plus souvent détenteurs du BAFA que les non PEPS (37,2% contre 18,3 %). Leurs socialisations pré-professionnelles sont la plupart du temps marquées par des expériences d’animateur, d’éducateur et/ou d’entraîneur (dans respectivement 54,3 % contre 26,1 %, 22 % contre 3,3% et 59,3% contre 5,9% des cas). Si la propension à vivre le métier d’enseignant sur le registre de la vocation reste encore prégnante chez l’ensemble des enseignants, c’est dans la continuité logique de ces expériences socialisatrices anticipatrices que s’inscrit l’intensité particulière de cette propension constatée dans nos échantillons de PEPS. Lorsqu’on les interroge sur les circonstances de leur « choix » du métier d’enseignant, ils sont ainsi pratiquement 80 % à « déclarer avoir toujours voulu l’être » (pour 56,7 % des autres PLC et 59,5% des PE).

Mais si ces vocations enseignantes précoces et déterminées parviennent finalement à se reconnaître dans l’ethos et les positionnements caractéristiques du groupe, c’est qu’elles entrent en résonance avec l’offre de formation en STAPS où elles s’éprouvent. En effet, l’originalité de cette filière consiste à proposer une exposition importante et rapide à des expériences directement en prise avec l’exercice du métier d’enseignant en EPS (Charles et Clément, 1999), qui finalisent les apports universitaires tout en ménageant l’espoir de mener une carrière sportive au plus haut niveau possible. Ce, même si l’intégration au groupe des enseignants en EPS encourage un désinvestissement progressif des ressources sportives fédérales initiales dans un souci de distinction d’avec les figures d’entraîneurs et autres éducateurs sportifs, comme l’exprime cet enseignant stagiaire :

Et moi, c’est cet aspect éducatif qui m’a toujours intéressé au-delà de la pratique physique. Même si c’est vrai que je suis issu du monde fédéral, j’essaie de m’en détacher un petit peu... Mais l’EPS, c’est autre chose. Ce n’est pas comparable au sport. Quand on m’appelle « prof de sport » ça me dérange : je ne suis pas « prof de sport ». Si j’étais prof de sport, je ferais des entraînements, on serait sur la technique, la compétition, et on laisserait tomber la dimension éducative. (Homme, 27 ans, certifié stagiaire en EPS).

Le renforcement de dispositions préconstituées dans des contextes de formation confortants

Initialement centré exclusivement sur la préparation au professorat en EPS, le cursus STAPS a vu son offre se diversifier suite à la suppression du numerus clausus légué par l’histoire de la discipline de formation et à l’explosion consécutive des effectifs d’étudiants visant une insertion sur les marchés de l’encadrement sportif au sens large dans le courant des années 1990. C’est dès lors le parcours de Licence « éducation et motricité » (EM), vers laquelle les futurs candidats au CAPEPS externe s’orientent dès la deuxième année en vue d’intégrer le Master MEEF, qui a repris à son compte les fonctions de reproduction du corps des PEPS précédemment assurées par la filière STAPS tout entière.

Le parcours STAPS EM comme cadre d’objectivation de dispositions et ressources préalables

Le fait, en soi, d’être passé par le parcours STAPS EM ne constitue pas un atout distinctif pour les lauréats au CAPEPS (cas de 91,5 % d’entre eux). Ne pas l’avoir emprunté représente, en revanche, un net désavantage pour les candidats. Une analyse par régression logistique sur la réussite au CAPEPS externe montre que les étudiants sans licence EM ont une probabilité de 0,69 de réussir le concours par rapport aux titulaires d’une licence EM. Le passage par cette voie constitue, en d’autres termes, une condition nécessaire mais non suffisante pour l’obtention du CAPEPS. Les enquêtes CAPEPS et Néo-PEPS permettent de préciser les termes de l’opération de reconnaissance mutuelle qui intervient - via le cadre d’objectivation qu’incarne la formation - entre des impétrants porteurs des prédispositions requises et le groupe qui tire sa légitimité de l’imposition de l’ethos et des attributs collectifs correspondants. C’est à la faveur d’expériences de formation et d’entrée en exercice, elles-mêmes inscrites dans la continuité des socialisations individuelles des nouveaux appelés, que se noue cette opération. Cette grande consonance entre les expériences antérieures et les attentes de l’institution de formation soutient les sentiments de compétences et positionnements préprofessionnels caractéristiques qui se dégagent des comparaisons.

Des expériences de formation congruentes et qui se confortent

Un autre ensemble d’indicateurs traduit assez bien l’impression de congruence entre demande et offre de formation qui se dégage du corpus d’enquêtes dans le cas des aspirants et des néo-enseignants en EPS. Ceux-ci expriment en effet, en premier lieu, un plus grand sentiment d’adaptation de la formation qui leur est proposée à leurs attentes et besoins. Des comparaisons deux à deux entre les items (test de Wilcoxon-Mann-Whitney) mettent à jour des différences significatives pour l’ensemble des dimensions de la formation soumises à l’appréciation [14] Les néo-PEPS y obtiennent un score moyen de 2,8 (±0,7) sur une échelle de 0 (« Pas du tout adaptée ») à 5 (« Tout à fait adaptée ») contre 2,4 (±0,9) pour les autres disciplines. Cette expression d’une plus grande adaptation se conjugue à des ressentis de stress et de débordement qui, sans être négligeables, se révèlent par ailleurs sensiblement moindres de ceux de leurs homologues : scores moyens de 3,4 (±1,1) pour les néo-PEPS contre 3,9 (±1) pour les non PEPS et de 3,7 (±1,2) contre 4,2 (±1,1) sur une échelle de 0 (« Pas du tout d’accord ») à 5 (« Complètement d’accord »). Il en est de même pour les appréhensions exprimées en amont de la prise en charge des cours et les difficultés réellement éprouvées en exercice. Les apprentis PEPS sont moins sujets à la hantise (classique en début de carrière) de ne pas parvenir à asseoir leur autorité (2,7 (±1,1) /3,1 (±1)), de ne pas tenir la cadence de la planification et la préparation des cours (3,2 (±1,1)/3,7 (±1,2)) ou de « larguer trop d’élèves » en avançant dans les programmes (2,1 (±1,2)/3,3 (±1,3)). Et le contraste de leurs objectifs prioritaires à ce stade de leurs parcours corrobore à son tour le caractère confortant des expériences formatrices, en faisant avant tout ressortir le souci de valider le Master et/ou de se préparer au concours - tous deux nécessaires pour parachever leur intégration au groupe (4,1 (±1,3)/3,5 (±1,1) et 3,8 (±1,6)/2,7 (±1,2)) - devant « la découverte des différentes facettes du métier » et « l’acquisition d’autres connaissances et outils d’analyse » qui n’enregistrent pas d’écarts significatifs.

Une expertise pédagogique pour autant avérée ?

Ces expressions d’une plus grande consonance et d’une moindre tension subjective à l’entrée dans le métier chez les PEPS ne doivent pas être extrapolées. Strictement déclaratif, le point d’honneur pédagogique qui s’exprime ne préjuge en lui-même en rien du bien-fondé du monopole de compétences revendiqué (Sébileau, 2011) [15]. C’est la limite évidente des données recueillies. Elles demandent à être rapportées aux résultats des travaux qui, à l’instar de différentes contributions de ce dossier, sont beaucoup mieux à même de saisir l’effectivité des dynamiques de développement professionnel in situ. [16] Elles n’en permettent pas moins de reconstituer un maillon incontournable dans la chaîne plurielle des conditions de la genèse de pratiques enseignantes différenciées. La rencontre entre les primes éducations et les matrices de socialisation disciplinaires (Millet, 2003) se fixent dans des ethos dont la force performative (Jorro, 2009) ne fait pas tout mais reste incontournable. La transmission d’un ethos professoral privilégiant le versant pédagogique de l’activité enseignante participe de l’institutionnalisation de dispositions précocement incorporées dans l’histoire des individus. Ces dispositions les portent à adhérer en première personne à la valeur éducative des activités physiques et à œuvrer à leur promotion par l’école. Elles trouvent alors leur pleine actualisation dans la rencontre avec une offre de formation idoine et s’inscrivent en circularité avec le caractère anticipateur des socialisations des impétrants. Ce n’est ni plus ni moins ce que confirme, là encore en creux, une autre régression logistique (Tableau 2) en établissant que la qualité de la relation entretenue avec les formateurs pendant la préparation au concours constitue un prérequis pour la réussite au CAPEPS.

Tableau 2. Régression logistique sur la réussite au CAPEPS externe en fonction du type de relations déclarées avec les équipes formatrices

Conclusion

L’intérêt d’un examen serré de l’évolution des propriétés morphologiques et des trajectoires des enseignants en EPS n’est pas seulement de sacrifier aux exigences d’objectivation de la sociologie générale. Les dynamiques sociales, enjeux symboliques et intérêts corporatifs mis en regard font ressortir des éléments de transformation (et de permanence) qui touchent le système d’enseignement tout entier. C’est tout particulièrement le cas de la relation d’affinité qui lie les PEPS au versant pédagogique de l’activité enseignante. Les ressorts de cette relation sont dès lors à même de nourrir les débats relatifs aux dilemmes et impasses auxquels se heurtent chroniquement les politiques scolaires censées œuvrer à l’instauration des conditions de parcours scolaires plus démocratiques. Les données comparatives réunies sont à cet égard précieuses en ce qu’elles mettent à jour des variantes dans l’actualisation de l’ethos professoral. Elles ont en cela au moins cette vertu de dénaturaliser les modalités les plus scolastiques et élitistes qui y sont historiquement attachées. Cette réflexion gagnera à être prolongée pour affiner l’appréhension statistique des diverses configurations disciplinaires et mieux cerner l’amplitude autant que l’objet de ces variations [17].

Le volet intensif de ce programme d’enquête fait également actuellement l’objet de plus amples investigations afin de mieux saisir les processus d’incorporation qui confèrent un minimum d’unité aux rhétoriques et aux actes pédagogiques. La question se pose en l’occurrence pour tout le corps enseignant mais, dans le cas des PEPS, il y a fort à parier que les dispositions précoces dans lesquelles s’enracinent les positionnements pédagogiques dont ils font leur marque de fabrique ont commencé à être incorporées dès l’enfance à la faveur d’expériences sportives particulières. Ces expériences semblent solidaires de rapports « seconds » à la pratique caractéristiques des usages sportifs des fractions cultivées des classes moyennes. L’ethos professoral correspondant s’enracinerait en ce sens dans les corps proprement dits, dans la médiation avec des pratiques soumises à un travail de rationalisation exprès. Celui-là même, au fond, qui a été nécessaire pour conformer les exercices corporels aux exigences de la forme scolaire (Arnaud, 1983) et qui impose, ici comme ailleurs, le développement d’un rapport un minimum réflexif et distancié aux supports culturels qui font l’objet d’une transmission scolaire.

Reste que ces rapports « seconds » à la pratique opèrent - conformément aux conditions de leur incorporation (Fleuriel et al., 2021) - principalement sur le mode pratique. D’où sans doute la part d’indicible qui entoure les conditions de la genèse de ces dispositions par les enseignants en EPS. Les récits de parcours fourmillent ainsi d’anecdotes témoignant de l’activation précoce de regards réflexifs sur l’encadrement de leurs activités physiques par leurs anciens animateurs, entraîneurs et/ou enseignants ou encore les performances de leurs champions préférés, mais les interviewés situent la plupart du temps leurs prises de conscience pédagogique « effectives » au contact des cadres intellectuels et de la rhétorique officielle diffusés en formation qui en ont permis la pleine appropriation.

Tout ça, ça part de mon année de concours… J’ai réfléchi à moi, ma conception de l’enseignant en EPS. Je suis parti de qu’est-ce que c’est pour moi la finalité de l’EPS, qu’est-ce que c’est un élève socialement éduqué, lucide, responsable ? […] En Master, j’ai eu un formateur qui est arrivé il y a deux-trois ans, qui a aussi cette façon de penser… j’ai des amis enseignants d’EPS, un ami, ses parents sont enseignants d’EPS et… en discutant j’ai construit ça… Parce que je pensais comme ça… [master 2 FS en EPS]

Le fait que les questions relatives aux événements et occasions qui ont fait, selon eux, évoluer leur « vision du métier » enregistrent des taux de non réponses très élevés chez les PEPS (73% contre 23%) conforte cette hypothèse. Des cheminements placés sous le signe de l’évidence vocationnelle et de l’ajustement entre les dispositions préalables et leurs contextes d’objectivation n’inclinent manifestement que très peu à se poser ce type de questions.

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Notes

[1D’abord sous forme d’exercices para-militaires et médicaux pour des motifs avant tout patriotiques, hygiénistes et moraux (Arnaud, 1983 ; Defrance, 1987), avant que le centre de gravité de la discipline ne bascule vers une acception plus « éducative » dans le courant des années 1930 (c’est l’objet de la rubrique 2.1).

[22 Cas unique de syndicat du secondaire spécialisé dans la représentation des intérêts d’une seule discipline qui contribue à entretenir un puissant esprit de corps.

[3Il touche, dans des proportions variables, différentes disciplines, divers secteurs d’enseignement (Eloy et Palheta, 2008 ; Jellab, 2008) et différentes fractions des corps enseignants (notamment dans les plus jeunes générations : Rayou et Van Zanten, 2004 ; Périer, 2022). Même si, toutes choses égales par ailleurs, les enseignants du secondaire tendent le plus généralement à situer leur principale raison d’être professionnelle dans la transmission des savoirs disciplinaires (Tanguy, 1983 ; Esquieu, 2005 ; Larivain et Cormier, 2005).

[4En tant que dépositaires de savoirs dérivés de pratiques culturelles et de rapports au métier dominés

[5Pour ce qui est de la sensibilité à la qualité de la relation pédagogique, le score des PEPS les rapproche de la moyenne de leurs confrères et consœurs (autour de 45%) que les données incitent à rattacher au groupe des « pédagogues » (LVE, SVT, Arts, enseignements technologiques et professionnel : n = 972). Mais ils se placent en fait en première position sous ce même rapport, si l’on ne retient que les unités disciplinaires dont les effectifs atteignent le seuil de significativité. Sur l’importance prêtée à la maîtrise et à la qualité de la transmission des contenus, ils se situent par contre en queue de peloton (25%/environ 30% en moyenne chez les « pédagogues » et 44% dans les rangs des « transmissifs » (regroupant la philosophie, les sciences économiques et sociales, l’histoire-géographie, les lettres, la physique-chimie et les mathématiques pour qui la qualité de la relation n’est une priorité que dans 35% des cas en moyenne : n = 739). L’enquête Néo-PEPS met en évidence le même type de polarisation à quelques nuances près - concernant notamment la position du français et de l’histoire-géographie - difficilement interprétables à ce stade (évolutions générationnelles ? Impact des différences dans le libellé des questions ?...).

[6Difficultés comprenant les items suivants : « l’échec scolaire », « le temps que prend le travail de préparation », « La succession des réformes », « Le manque de soutien de la hiérarchie » et « La solitude, le manque de collectif ». Après avoir vérifié l’indépendance de ces variables prises 2 à 2, ces résultats ont été recodés puis additionnés pour fournir le score de chaque individu

[7Avec dans chaque sous-groupe un écart-type équivalent d’environ 1,2.

[8Ils étaient ainsi, en 2005, environ 78 % à se déclarer très, assez ou moyennement satisfaits de leur relation avec les élèves contre 70 % de leurs collègues PLC. 45 % d’entre-deux étaient tout à fait d’accord avec l’idée selon laquelle l’avenir de l’école passe par la pédagogie (contre 32 %). Ils n’étaient en revanche que 20,5 % à estimer que cet avenir passe par l’apprentissage des savoirs fondamentaux (contre 52 %)

[9Résultats corroborés par les dernières données disponibles du Ministère de l’Éducation nationale (Larivain et Cormier, 2005 ; Gambert et Bonneau, 2010).

[10L’enquête Militens révèle encore aujourd’hui de nombreuses similitudes entre PEPS et PE (et pas avec les autres PLC) qui ne peuvent être détaillées ici faute de place.

[1156%, soit une proportion inverse de ce qui s’observe dans la majorité des groupes enseignants. Ce qui exclut l’hypothèse d’une orientation marquée par la tendance à l’auto-élimination des jeunes femmes des filières les plus rentables socialement (même si celle-ci est ensuite manifestement à l’œuvre dans les logiques de sélection à l’entrée à l’ENS en EPS (Erard et Louveau, 2016).

[12La proportion de PEPS ayant un père employé ou ouvrier (34,4 %) est même légèrement moindre que celle des autres PLC (36,2 %).

[13On peut noter au passage un autre indice de proximité avec les enseignants du premier degré, puisque ceux-ci constituent 12,2 % des conjoints de PEPS contre 4,7 % de ceux des autres PLC.

[14. Les dimensions de la formation interrogée sont les suivantes : « Compléter ou approfondir les savoirs à enseigner », « Apprendre à les enseigner », « L’acquisition d’autres savoirs (psycho, socio…) », « Préparer aux épreuves du concours », « Découvrir des situations réelles d’enseignement », « Articuler théories et pratiques », « Le calendrier d’ensemble de la formation ».

[15Ajoutons que perce vraisemblablement une pointe de virilisme dans la distribution de ce point d’honneur, si l’on considère que les Néo PEPS femmes concèdent plus volontiers que les hommes leur crainte de ne pas disposer assez d’autorité face aux élèves (3 contre 2,4), leur sentiment de débordement (3,7 contre 3,2) et le stress que cela génère (4,1 contre 3,4). Sans que l’on puisse non plus exclure que les représentations genrées du poste infléchissent le comportement des élèves (notamment garçons) confrontés aux PEPS femmes.

[16Voire dans le temps grâce à des suivis longitudinaux. Avec en général toutefois la contrepartie du défaut de base comparative.

[17De la ventilation des disciplines entre les pôles de positionnement « pédagogues » v/s « transmissifs » proposés dans la 1ère partie de l’article émerge notamment une hypothèse sur la plus ou moins grande propension à faire de la relation pédagogique un enjeu de mobilisation et/ou de légitimation professionnels. Ce premier repérage ne permet pas de stabiliser la répartition de toutes les unités disciplinaires au sein de chacun des regroupements mais suggère en revanche que ladite propension varie en fonction du degré de légitimité savante des objets de savoirs dispensés, de leur statut dans les cultures juvéniles ou encore de l’importance que revêt en pratique la participation active (motrice, orale, plastique, expérimentale…) des élèves dans le dispositif d’enseignement.

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