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La crise de l’enseignement supérieur agricole court : quelle prise en compte de la place des filles dans les orientations politiques ?

Un article repris de http://journals.openedition.org/eds...

Un article repris de la revue Education et socialisation, une publication sous licence CC by nc nd

Michèle Bargeot, Jean-Michel Drouet et Carine Rossand, « La crise de l’enseignement supérieur agricole court : quelle prise en compte de la place des filles dans les orientations politiques ? », Éducation et socialisation [En ligne], 25 | 2008, mis en ligne le 17 novembre 2022, consulté le 28 novembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/edso/16012  ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.16012

L’Enseignement agricole, sous tutelle du ministère de l’agriculture et de la pêche, constitue un élément original du système éducatif français à côté de l’Éducation nationale. À la rentrée 2006, 173 855 élèves étaient inscrits en lycée agricole, chiffre équivalent à celui d’une académie moyenne. Malgré sa petite taille, c’est un système de formation général, technologique et professionnel complet, dont l’architecture est identique à celle de l’Éducation nationale : le cycle secondaire prépare à quatre diplômes de niveau IV ; le cycle supérieur est essentiellement constitué des sections de préparation au Brevet de Technicien Supérieur Agricole (BTSA) et des écoles d’ingénieurs, auxquelles s’ajoutent depuis 1999 des licences professionnelles en partenariat avec les universités et les établissements d’Enseignement agricole.

Conséquence de la volonté politique constante de faire des formations générales, technologiques et professionnelles de l’Enseignement agricole un vivier pour l’Enseignement agricole supérieur1, les effectifs au niveau IV et dans les sections de préparation au BTSA n’ont cessé de progresser concomitamment au cours des années 1990. Cette croissance a été favorisée par les réformes du niveau IV et par le développement du niveau III. La clarification des voies de formation et l’articulation plus étroite entre les deux niveaux qui en a résulté ont amené une augmentation des effectifs d’abord dans le secondaire, puis dans le supérieur. Or si depuis 1990, les diplômés de niveau IV sont effectivement et significativement de plus en plus nombreux, leur essor ne semble pas avoir profité au niveau supérieur autant que prévu et ne s’est pas traduit par un surcroît d’orientations en BTSA. Au contraire, alors que le recrutement dans les différents diplômes du niveau IV demeure relativement stable depuis 2000, celui des BTSA accuse une baisse.

Ces évolutions se produisent alors que le public accueilli dans l’Enseignement agricole change. En premier lieu, la population féminine augmente davantage que celle des garçons depuis le début des années 1990 : elle atteint 49,8 % de l’effectif total à la rentrée 2006. Par ailleurs, la diminution du nombre des exploitations agricoles, liée à la modernisation structurelle, fait que les fils d’agriculteurs, considérés comme le public cible de l’Enseignement agricole, deviennent dans le même temps très minoritaires. Leur part baisse dans tous les secteurs, y compris dans les formations « traditionnelles » du secteur de la production. En corrélation avec ces changements, le système de formation agricole se transforme et ne ressemble plus aujourd’hui à ce qu’il était à la fin des années 1980. S’il attire un public renouvelé, et en particulier des filles, c’est aussi parce que des formations plus diversifiées sont ouvertes.

Dans ce contexte mouvant, les orientations des élèves diplômés de niveau IV dans l’Enseignement agricole supérieur se modifient, tant quantitativement que qualitativement. C’est le lien entre les évolutions du recrutement de l’Enseignement agricole au niveau IV, principalement sa féminisation, et les changements dans les poursuites d’études supérieures qui est étudié dans cet article. À partir de 2000, une crise de recrutement s’amorce au niveau III : le réservoir que constituait jusqu’ici le niveau IV pour les BTSA, alors même que ses effectifs se maintiennent, semble ne plus alimenter aussi bien qu’auparavant ces formations. Cette rupture interroge d’autant plus que les choix politiques concernant l’appareil de formation agricole ont cherché à favoriser la continuité des cursus entre secondaire et supérieur. Il semblerait que la féminisation de l’Enseignement agricole contrarie, au moins en partie, ces ambitions : les orientations vers l’enseignement supérieur entre les filles et les garçons ne sont pas identiques, la mixité dans les filières et voies de formations étant loin d’être réalisée.

La description des évolutions des inscrits aux niveaux IV et III de l’Enseignement agricole sous l’effet des réformes met en évidence l’ouverture, croissante mais inégalitaire, des formations aux filles et la rupture tendancielle qui affecte les recrutements à partir de 2000. L’analyse différenciée des poursuites d’études des diplômés de niveau IV selon leurs voies, spécialités de formation et sexe permet d’expliquer cette rupture et de montrer comment les filles y participent.

Si la croissance des effectifs de l’Enseignement agricole aux niveaux IV et III de formation, interrompue à partir de 2000, est portée par les filles, les filières de formation demeurent très sexuées.

Depuis sa création, l’Enseignement agricole n’a cessé d’évoluer pour s’adapter aux mutations de l’agriculture, du monde rural et, plus globalement, de la société. Son objectif traditionnel de formation des agriculteurs reste aujourd’hui une priorité. Les spécialités concernant la production agricole demeurent majoritaires. Cependant, le développement d’emplois en amont et en aval de celle-ci a amené l’Enseignement agricole à étendre son offre de formation aux domaines de la transformation et de la commercialisation des produits issus de l’agriculture. Il propose par ailleurs des formations aux métiers de l’aménagement forestier et paysager et, pour répondre à la demande de valorisation des espaces ruraux et aux préoccupations d’ordre écologique, des spécialités orientées plus spécifiquement vers l’aménagement des espaces naturels, la protection de l’environnement et la gestion de l’eau. Enfin, la mutation profonde de l’espace rural, qui ne se superpose plus à l’espace agricole, ainsi que le vieillissement de la population nationale ont conduit à renforcer les formations des services aux entreprises d’une part, aux collectivités et aux personnes d’autre part.

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Licence : CC by-nc-nd

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