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Améliorer les pratiques d’enseignement pour favoriser la prise de notes des étudiants - Un accompagnement pédagogique par la recherche-action

Un article repris de http://journals.openedition.org/rip...

Cette étude restitue les résultats d’une recherche-action menée à l’université de Poitiers ayant pour objet un accompagnement pédagogique sur les pratiques d’enseignement favorisant la prise de notes des étudiants. La recherche-action impliquait une démarche réflexive de l’enseignant à partir des résultats d’un questionnaire sur la prise de notes mesurant les pratiques pédagogiques. Ce questionnaire novateur a été l’outil central de la démarche d’accompagnement permettant de croiser le regard de l’enseignant et de ses étudiants. La première partie du questionnaire renseigne sur les modalités pédagogiques mises en œuvre par l’enseignant pendant le cours ; la seconde partie interroge les étudiants sur leur ressenti quant à leur capacité à prendre des notes lors d’un cours magistral. L’accompagnement pédagogique a notamment contribué à une prise de conscience de la part de l’enseignant sur certains aspects de sa communication pendant le cours en lui permettant de mettre en œuvre des modalités pédagogiques favorisant la prise de notes de ses étudiants. À la suite de cet accompagnement, les étudiants ont exprimé au travers de leurs réponses au questionnaire que les nouvelles pratiques pédagogiques de l’enseignant ont amélioré leur prise de notes.

Un article repris de la revue Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, une publication sous licence CC by nc sa

Arber Shtembari, Guillaume Gimenes, Nicolas Epinoux, Sophie Haller et Thierry Olive, « Améliorer les pratiques d’enseignement pour favoriser la prise de notes des étudiants - Un accompagnement pédagogique par la recherche-action », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne], 39(2) | 2023, mis en ligne le 13 juillet 2023, consulté le 12 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/ripes/4801

1. Introduction : Un accompagnement pédagogique par une recherche-action sur la prise de notes à l’université

L’université fait face en premier cycle à des difficultés de réussite d’une partie de son public étudiant. Duguet et al. (2016) montrent ainsi des parcours singuliers d’étudiants (attente d’emploi, attente d’autres formations, etc.) et des causes multiples et d’influences variables de l’échec. Ces auteurs, en soulignant la persistance des inégalités scolaires dans un contexte de massification scolaire, s’intéressent en particulier aux facteurs qui peuvent influencer la réussite à l’université. Le milieu social, souvent évoqué, n’explique en effet qu’une partie de ce processus (Galand et al., 2005). Le genre (Duru-Bellat, 2004 ; Lemaire, 2000), le lieu d’habitation (Grignon et Gruel, 1999), la nationalité (Teissier et al., 2004) ou encore la nécessité d’avoir un travail rémunéré ou non (Giret, 2011) sont des dimensions qui expliquent chacune une partie de ces écarts de réussite, mais une partie seulement. Dans cette équation complexe, le parcours scolaire de l’étudiant, ses motivations personnelles (Duguet et al., 2016) s’affirment également comme des facteurs significatifs sur lesquels les dispositifs organisationnels (Plan licence 2007) mis en place jusqu’alors n’ont eu qu’un impact mitigé (Bétant et al., 2010).

Face à ce constat récurrent, une dimension encore peu étudiée en France (Duguet et al., 2016), concerne l’effet des pratiques pédagogiques sur une pratique d’apprentissage telle que la prise de notes. Au cœur de l’acte de formation, les pratiques pédagogiques, en tant qu’un ensemble d’activités et « de conditions cognitives, matérielles, relationnelles, temporelles » (Bru, 2006) mis en œuvre par l’enseignant dans une situation d’enseignement afin de susciter l’apprentissage des étudiants, constituent un facteur véritablement éclairant dans la compréhension de la réussite (Bertrand, 2014 ; Duguet, 2014). Plus précisément, pour répondre à la demande d’un enseignant à la Faculté des Sciences du Sport de l’université de Poitiers cherchant à améliorer ses pratiques pédagogiques dans le but de favoriser la prise de notes de ses étudiants, un groupe de travail transdisciplinaire et interstatutaire, associant chercheurs, ingénieurs pédagogiques et l’enseignant lui-même, a été créé pour mener une recherche-action sur ce sujet.

Cette recherche-action avait pour objet un accompagnement pédagogique de l’enseignant sur ses pratiques d’enseignement concernant le guidage de la prise de notes des étudiants de première année, lors d’un cours magistral (CM) de sociologie du sport dispensé à la Faculté des Sciences du Sport de l’université de Poitiers. Elle visait à susciter une démarche réflexive de l’enseignant, basée sur des entretiens d’accompagnement et sur la comparaison des réponses à un questionnaire sur la prise de notes de l’enseignant lui-même et des étudiants participant à son cours. L’enjeu final était de permettre à des étudiants de première année d’améliorer la prise de notes en cours pour tenter d’optimiser leur réussite académique. Au-delà, cette étude visait à la création d’un champ de transformation pédagogique participant au développement professionnel des enseignants et des enseignants-chercheurs dans l’enseignement supérieur.

Cet article décrit donc l’accompagnement pédagogique qui a été mis en œuvre. Avant de présenter les modalités de cet accompagnement, nous présentons dans la partie 2 la prise de notes et son rôle dans la réussite académique. Dans la partie 3, nous présentons l’outil qui a été au cœur de l’accompagnement : un questionnaire, proposé à la fois à l’enseignant et aux étudiants qui ont suivi son cours. Dans la partie 4, nous détaillons les réponses obtenues à ce questionnaire et qui ont été à la base du questionnement réflexif de l’enseignant. Dans les parties 5 et 6, nous discutons les résultats de l’accompagnement.

2. La prise de notes : un outil au cœur des apprentissages

La prise de notes est un outil d’apprentissage primordial. Ainsi, les étudiants passent environ 80 % de leur temps à l’université à prendre des notes (Armbruster, 2000) pour synthétiser, mémoriser et revoir des informations (Piolat, 2006). Les notes peuvent être définies comme des condensations d’un matériau source qui sont générées en les écrivant, tout en écoutant, lisant ou observant. Dans le cadre de la prise de notes lors d’un enseignement, les étudiants doivent chercher à capter les informations essentielles du cours, informations qu’ils devront ensuite mobiliser dans les travaux dirigés (TD) par exemple ou lors des périodes de révision avant les sessions d’examens. Pour cela, ils peuvent utiliser différentes stratégies de prise de notes (par exemple linéaire ou organisée, voir plus bas pour plus de détails sur ces stratégies) et le choix d’une stratégie repose souvent sur leur propre conception des objectifs de la prise de notes (Ryan, 2001). Par ailleurs, les étudiants éprouvent des difficultés avec la prise de notes (Ryan, 2001), une activité qui implique de suivre un débit de parole plus ou moins rapide de la part d’un enseignant en CM, comprendre ses consignes, parfois implicites, se situer dans les aller-retours entre différentes diapositives, organiser ses notes et les compléter avec tout autre document complémentaire distribué ou déposé sur la plateforme pédagogique. Or, ces rythmes et styles pédagogiques affectent la prise de notes (Titsworth, 2004).

De nombreuses études ont évalué l’impact des stratégies de prise de notes sur les performances académiques, la plupart montrant un lien entre la nature des notes et la réussite aux examens (par exemple, Haghverdi et al., 2010 ; Kiewra, 1985 ; Morehead et al., 2019 ; Nye et al., 1984). D’autres ont essayé de comprendre les mécanismes psychologiques et cognitifs qui sous-tendent cette activité et, par conséquent, les leviers psychologiques qui permettraient de favoriser une prise de note efficace (Jansen et al., 2017 ; Luo et al., 2018 ; Piolat et al., 2005 ; Peverly et Sumowski, 2012).

2.1. La prise de note : un outil cognitivement complexe

D’un point de vue cognitif, les avantages de la prise de notes relèvent d’une fonction de mémoire (Benton et al., 1993). Les notes écrites servent en effet à recueillir des informations dont il faut se souvenir ou qu’il faudra consulter plus tard. En d’autres termes, les notes sont des mémoires externes à l’individu (Hartley, 1976 ; Kiewra, 1989 ; Kiewra et al., 1989 ; Kiewra et Frank, 1988 ; Peverly et al., 2007). Plus précisément, elles constituent une forme de mémoire à long terme pour les étudiants qui n’ont pas besoin de mémoriser tout un cours ou une lecture et qui peuvent alors les revoir ultérieurement.

Une autre fonction cognitive de la prise de notes, essentielle pour l’apprentissage, concerne son rôle dans l’intégration des contenus en mémoire et ainsi la possibilité de les récupérer (Baker et Lombardi, 1985 ; Kiewra et al., 1987 ; King, 1992 ; Pervely et al., 2007 ; Williams et Eggert, 2002). En effet, la prise de notes favorise l’encodage des informations dans la mémoire à long terme des étudiants, car elle nécessite de sélectionner, de synthétiser et d’organiser les contenus (voir Kobayashi, 2005, pour une méta-analyse des recherches sur la fonction d’encodage). Ainsi, un apprentissage significatif survient lorsque les étudiants sélectionnent les informations pertinentes et les intègrent à leurs connaissances antérieures. De fait, le traitement de l’information par la sélection des informations à noter et leur traduction à l’écrit entraîne une analyse en profondeur des connaissances auxquelles l’étudiant est exposé, ayant comme conséquence un premier apprentissage. Les travaux initiés par Craik et Lockhart (1972) sur les effets de la profondeur des traitements cognitifs ont ainsi mis en évidence les bénéfices de traitements attentifs, explicites et portant sur la signification, sur la mémorisation et la compréhension. Dans ce cadre, la relecture de ses propres notes n’est pas qu’une simple réactivation en mémoire à long terme d’informations déjà stockées, mais la réactivation d’un réseau de connaissances.

La fonction d’encodage de la prise de notes, mais aussi les théories sur la profondeur des traitements suggèrent qu’une stratégie de prise de notes devrait permettre d’encoder les informations à un niveau sémantique et favoriser une meilleure intégration du cours avec les connaissances de l’étudiant stockées dans sa mémoire à long terme (Kobayashi, 2005). En d’autres termes, une stratégie de prise de notes peut être considérée comme efficace d’un point de vue de l’apprentissage lorsqu’elle conduit à la mémorisation et à la compréhension du cours (Kiewra et al., 2018) et par conséquent en facilite sa révision. Selon les travaux de van Dijk et Kintsch (1983) et la théorie de Kintsch (1998) sur la compréhension, comprendre un discours oral revient à construire progressivement, pas à pas, une représentation mentale intégrée des différents contenus présentés durant le(s) cours. Cette représentation mentale ne contient pas uniquement les mots lus ou entendus, elle inclut les éléments, les états, les actions qui ont été évoqués à l’aide de ces mots. En outre, elle comporte plus d’informations que celles qui ont été dites en classe par l’enseignant ou notées par l’étudiant, car, pour la construire, ce dernier l’associe à ses connaissances antérieures stockées dans sa mémoire à long terme. Comprendre, c’est donc passer d’une compréhension littérale du texte à une représentation globale et synthétique de la signification du message. Autrement dit, pour un étudiant, comprendre un cours consiste à élaborer une interprétation cohérente de son contenu (ou du texte lu) en établissant un réseau de relations entre ses propres connaissances et les différents éléments donnés lors du cours.

Lors de la prise de notes, l’étudiant doit donc comprendre le discours de l’enseignant pour l’intégrer à ses propres connaissances, mais aussi pour le synthétiser correctement dans des notes réduites. D’un point de vue pédagogique, la pratique de l’enseignant doit alors soutenir la construction de cette représentation, car après plusieurs jours, semaines voire mois, le jour de l’examen, l’étudiant aura oublié les mots utilisés par les enseignants lors des cours, mais se souviendra de cette représentation intégrée. Lui fournissant des indices sur la hiérarchie des informations dispensées dans son cours, l’enseignant peut contribuer à guider sa prise de notes (Austin et al., 2004).

Face à la complexité de la prise de notes, tant marquée par les savoirs disciplinaires enseignés (Delcambre et Lahanier-Reuter, 2012), les étudiants en France (surtout ceux de première année de licence) rencontrent eux aussi des difficultés pour prendre des notes (Duguet et al., 2016) qui sont d’autant plus difficiles à surmonter qu’elles dépendent des manières d’enseigner (Isaac, 1994) et des supports utilisés par les enseignants (Titsworth, 2001). Il devient alors nécessaire, d’une part, d’initier et de sensibiliser les étudiants à la multitude des techniques de prise de notes et, d’autre part, de former les enseignants à mettre en place des modalités pédagogiques favorisant cette pratique.

2.2. Stratégies de prise de notes et guidage de l’enseignant

Le rôle de la prise de notes comme aide à l’intégration des contenus questionne les pratiques étudiantes, mais aussi sur la communication pédagogique de l’enseignant. Pour ce dernier, il s’agit de mettre en œuvre des moyens pédagogiques qui permettent d’utiliser des stratégies de prise de notes efficaces pour les apprentissages et donc pour la réussite universitaire de ses étudiants.

Une première question concerne les stratégies de prise de notes des étudiants et renvoie à la quantité et à la nature des informations qu’ils notent. Généralement, deux stratégies sont identifiées, celles-ci pouvant s’inscrire sur un continuum : la première, dite linéaire, consiste à noter tout (ou presque tout) ce que dit l’enseignant. Il s’agit de la stratégie privilégiée par les étudiants, car elle les rassure en leur permettant de noter quasiment tout le cours (Boch, 2000). Toutefois, comme l’a montré la recherche, la prise de notes linéaire n’est pas celle qui aboutit à une meilleure intégration des connaissances et elle est donc moins favorable à la réussite (Bonner et Holliday, 2006 ; Çetingöz, 2010). En effet, d’un point de vue cognitif, cette stratégie n’engage pas forcément de traitement sémantique de l’information. La deuxième stratégie, dite planifiante, conduit généralement à des notes plus condensées, hiérarchisées et spatialement structurées. Elle témoigne aussi de traitements profonds et sémantiques des contenus par les étudiants. Elle se révèle, de ce fait, plus propice à la réussite, mais elle nécessite un guidage soutenu par les enseignants et un investissement attentionnel fort de la part des étudiants (Piolat et al., 2005). Il faut toutefois noter que les étudiants ont peu recours à des stratégies de prise de notes qui favorisent la spatialisation des informations sur la feuille (Morehead, et al., 2019 ; Olive et al. 2018), bien que ces stratégies soient reconnues comme un des facteurs essentiels de l’encodage des informations (Kobayashi, 2005 ; Olive et Barbier, 2017).

À ce sujet, il faut noter que l’utilisation de plus en plus fréquente des ordinateurs et des tablettes peut affecter la prise de notes (Mueller et Oppenheimer, 2016). En effet, s’il est indéniable que les claviers permettent d’écrire plus rapidement que l’écriture manuelle et ainsi de noter une plus grande quantité de contenus, l’utilisation d’un ordinateur pour prendre des notes montre aussi des limites. Par exemple, l’ordinateur ne permet pas d’insérer rapidement des symboles ou des flèches, très utilisés en prise de notes manuscrites ; de même, il ne complexifie l’ajout de schémas, la spatialisation des informations, etc. Pour ces raisons, la plupart des étudiants qui utilisent un ordinateur pour noter optent pour une stratégie linéaire (Luo et al. 2018 ; Morehead, Dunloski et Rawson, 2019 ; Olive et al., 2018 ; Urry, 2020).

Une seconde question porte sur la capacité des étudiants à sélectionner les informations les plus pertinentes pour laisser de côté celles qui ne le seront plus lors de la révision, et, par conséquent, cela questionne le rôle de l’enseignant comme guide de la prise de notes. Si de nombreuses études ont analysé les stratégies des étudiants pour prendre notes, une minorité d’entre elles s’est penchée sur cette question et sur le discours de l’enseignant et l’amélioration de ses pratiques pédagogiques. Pourtant, les enseignants contribuent directement à l’efficacité de la prise de notes par les indices plus ou moins explicites qu’ils peuvent donner aux étudiants sur ce qu’ils doivent noter (Titsworth, 2001, 2004). Ils ne se contentent en effet pas de transmettre des contenus non hiérarchisés, mais peuvent avertir les étudiants de l’importance des informations qu’ils transmettent par des indications verbales, des répétitions, des reformulations, par des variations de débit et d’intonation de leur voix (Boch, 2000 ; Branca-Rosoff et Doggen, 2003), ou encore par la mise à disposition de plans de cours (Scerbo et al., 1992). Il faut noter que si certains indices déclenchent la prise de notes d’autres, au contraire, l’inhibent (ex : « ne notez pas ceci… » ; Canivet et al., 1986 ; Piolat, 2006). De ce fait, les modalités d’interventions et les matériaux utilisés par les enseignants contribuent directement à la qualité des notes des étudiants.

Le travail doctoral de Houart (2009) a précisément porté sur l’analyse de la communication pédagogique à l’université dans le contexte de CM de chimie. Houart (2009) considère la prise de notes comme un « témoin de la communication pédagogique » (p. 173). Son regard est porté, tout au long de la thèse, sur la décomposition du discours, sur les moyens et méthodes utilisés par l’enseignant dans ses cours afin d’étudier la didactique de l’enseignement favorisant la prise de notes, et in fine sur la réussite des étudiants. Pour ce faire, Houart (2009) a enregistré des CM de chimie et a évalué les caractéristiques du discours enseignant. La méthodologie utilisée a confronté des éléments de communication, via une grille d’analyse, aux prises de notes des étudiants. Cette grille distinguait sept caractéristiques de la communication pédagogique :

 le niveau de l’énoncé oral (notions du cours ; commentaires liés à l’importance du cours ; ou éléments de communications avec les étudiants, mais non liés au cours) ;

 la nature de ces canaux pour transmettre le message (l’énoncé oral, l’utilisation d’un tableau ou de diapositives de type PowerPoint, etc.) ;

 le nombre de canaux utilisés pour échanger l’information ;

 le niveau hiérarchique des éléments du discours (indications de manière structurée des titres, des concepts clés, des exemples illustrant une idée clé, etc.) ;

 les éléments de reprises (répétitions et reformulations) ;

 les indices déclencheurs (commentaires métalinguistiques comme « Ce qui nous intéresse ici… ») et inhibiteurs de la prise de notes qui peuvent décourager la prise de notes ;

 ainsi que les niveaux de savoir et de représentations sur la chimie.

Ces caractéristiques ont été inspirées notamment des travaux de Canivet et al. (1986) qui analysaient les interactions enseignants-étudiants et les éléments d’indices stylistiques dans le discours (comme le passage d’un style narratif à un niveau de langage courant avec l’utilisation du « je », indiquant un registre différent du statut de l’information). Pour résumer les conclusions de cette thèse, la qualité de la communication enseignant-étudiant paraît primordiale dans l’amélioration de la prise de notes des étudiants. Dans la recherche-action que nous avons menée, nous avons choisi de mettre en lumière l’effet de l’accompagnement pédagogique sur les pratiques d’enseignement en confrontant regards enseignants et étudiants sur celles-ci.

2.3. Objectif de l’accompagnement pédagogique

Le rôle de l’enseignant pour aider les étudiants à mettre en œuvre des stratégies de prise de notes qui leur sont utiles repose ainsi en partie sur les signaux envoyés aux étudiants pendant le cours. Les pratiques pédagogiques de l’enseignant doivent donc intégrer cette dimension méthodologique, en plus de celle disciplinaire. Pour cela, les représentations des enseignants sur la prise de notes, qui déterminent leurs pratiques, peuvent soutenir les objectifs pédagogiques de la prise de notes et être en accord avec ces derniers pour les faire coïncider avec les enjeux cognitifs sous-jacents. Une analyse réflexive de son activité est à même de conduire l’enseignant à porter un regard sur ses propres pratiques pour conduire à un changement de représentation sur la prise de notes et sur l’efficacité de ses différentes stratégies. Ainsi, la réflexion de l’enseignant sur ses pratiques d’enseignement peut l’aider à prendre conscience en quoi et comment celles-ci ont un impact sur la prise de notes. Ce regard réflexif qui consiste à exprimer et expliciter les implicites (Vermersch et Maurel, 1997) vise à développer la métacognition de l’enseignant, c’est-à-dire à construire une connaissance sur ses pratiques pédagogiques et celles de la prise de notes des étudiants. Un accompagnement pédagogique ciblé semble pouvoir soutenir cette démarche réflexive (Vergnaud, 2011).

Dans le cadre de la demande de l’enseignant souhaitant favoriser la prise de notes de ses étudiants, il a été décidé de réaliser un accompagnement pédagogique par une recherche-action. L’objectif était de soutenir une démarche réflexive qui s’appuierait sur l’utilisation d’un outil propice à un retour d’informations constructif (Pastré, 2011). Cette démarche devait modifier les activités de l’enseignant en CM en faveur de la prise de notes des étudiants. Il s’agissait de créer un outil pour aider l’enseignant à analyser de manière factuelle et rapidement les paramètres de son action productive (Pastré, 2011) qui soutiennent ou qui freinent l’action des étudiants pour noter efficacement les informations pertinentes.

Pour ce faire, nous avons opté pour un questionnaire sur la pratique pédagogique de l’enseignant qui, dans un premier temps, a été administré à la fois aux étudiants et à l’enseignant pour relever des points d’amélioration pédagogique et soutenir la démarche réflexive au cours de l’accompagnement. Nous émettions alors les hypothèses suivantes :

Hypothèse 1a) : l’outil permet de mesurer de manière ciblée des écarts entre regards enseignants et étudiants permettant un retour spécifique lors de l’accompagnement pédagogique de l’enseignant pour amorcer une analyse réflexive des comportements.

Hypothèse 1b) : l’outil permet d’aiguiller l’attention des ingénieurs pédagogiques et de l’enseignant sur le niveau des indices présentant des scores faibles liés aux comportements factuels observables connus dans la littérature comme sous-tendant une meilleure prise de notes (Houart, 2009).

Hypothèse 1c) : l’outil permet sur les mêmes indices d’éclairer l’enseignant sur le ressenti personnel des étudiants quant à leur capacité à prendre des notes.

Afin de pouvoir mesurer une progression pédagogique, l’administration de l’outil devait également se faire sur un deuxième temps de mesure post-accompagnement. Nous formulions alors les hypothèses suivantes :

Hypothèse 2a) : comparativement au premier temps de mesure, l’accompagnement à partir des résultats de l’outil contribue à la réduction des écarts entre les réponses de l’enseignant et celles des étudiants, et ce, en raison d’une amélioration méta-réflexive de l’enseignant sur ses pratiques pédagogiques.

Hypothèse 2b) : comparativement au premier temps de mesure, nous pouvons mesurer une augmentation des scores sur tous les indices liés aux comportements factuels observables connus dans la littérature comme sous-tendant une meilleure prise de notes.

Hypothèse 2c) : comparativement au premier temps de mesure, nous pouvons mesurer une augmentation des scores sur les indices liés au ressenti personnel des étudiants quant à leur capacité à prendre des notes.

3. Méthodologie

3.1. La démarche d’accompagnement pédagogique par la recherche-action

Dans le cadre de l’Observatoire des pratiques pédagogiques du Centre de Ressources, d’Ingénierie et d’Initiatives Pédagogiques (CRIIP) à l’université de Poitiers, une démarche d’accompagnement par la recherche-action est proposée aux enseignants. C’est précisément cette démarche qui a permis le passage d’un questionnement personnel de l’enseignant, exprimé dans un premier temps sous la forme d’un besoin, à la construction d’un objet de recherche. L’accompagnement par la recherche-action s’est déroulé en cinq étapes (cf. Figure 1) et avait pour fonction de soutenir la posture réflexive de l’enseignant.

Figure 1. Les étapes de l’accompagnement par la recherche-action.

Dans un premier temps, un entretien préliminaire avec l’enseignant a été nécessaire pour lui expliquer la démarche de la recherche-action et coordonner avec lui les actions de la recherche-action. Lors de cet entretien, les échanges avec les ingénieurs pédagogiques ont permis de mieux comprendre sa demande initiale et, à partir de là, de formuler une question de recherche.

Lors de la deuxième étape, un questionnaire (voir partie 3.2.) a été construit à partir d’un état de l’art. Ce questionnaire a ensuite été proposé à l’enseignant et à ses étudiants (en ligne) lors d’une première séance de cours. Les réponses recueillies devaient servir de base de référence à l’accompagnement pédagogique, en mettant en avant non seulement les dimensions relatives au guidage de la prise de notes pour lesquelles l’enseignant pouvait améliorer sa pratique, mais aussi pour mettre en évidence les écarts de regards portés sur cette pratique entre l’enseignant et ses étudiants.

Au cours de la troisième étape, une formation personnalisée a été proposée à l’enseignant en s’appuyant sur les résultats comparés de ses réponses et de celles des étudiants au premier questionnaire. Les ingénieurs pédagogiques ont proposé à l’enseignant une rencontre lors de laquelle ils lui ont apporté des conseils d’amélioration pédagogique sur plusieurs dimensions de son enseignement. Lors des échanges avec l’enseignant, l’attention s’est portée plus particulièrement sur les facteurs ayant obtenu le score le moins élevé au premier questionnaire. Il est important de souligner que pour faciliter sa réflexivité, l’enseignant avait aussi accès aux résultats détaillés du questionnaire.

Lors de la quatrième étape, après avoir pris en considération les pistes d’amélioration possibles, le questionnaire a été administré aux étudiants à nouveau lors d’une nouvelle séance de cours afin de mesurer l’effet formateur de la démarche de formation en comparant les réponses à ce questionnaire avec celles obtenues lors de la première séance. L’hypothèse a été émise que la formation personnalisée dont l’enseignant avait bénéficié permettrait une amélioration significative de ses pratiques pédagogiques favorisant la prise de notes des étudiants. Enfin, lors de la cinquième et dernière étape, un entretien avec l’enseignant a permis d’échanger sur les résultats de la recherche-action.

3.2. La construction de l’outil de l’accompagnement : le questionnaire

Pour rappel, l’accompagnement s’inscrit dans le cadre d’une recherche-action dont le but principal était d’amener l’enseignant à transformer ses pratiques d’enseignement. Le questionnaire qui a été mis au point visait à objectiver la pratique de l’enseignant sur sa façon de guider la prise de notes. Son usage était défini dans le cadre de cette recherche-action uniquement. Il ne s’agit donc pas de présenter un outil scientifique avec des mesures psychométriques généralisables, mais bien de montrer comment la mise en exergue des pratiques de l’enseignant via un examen de ses réponses au questionnaire a encouragé la réflexivité sur sa pratique. Ce questionnaire relève donc plus de la création d’un outil au service de la pédagogie universitaire. Cette démarche a donc conduit à un échantillon faible (les participants étant les étudiants de l’enseignant, et donc avec un effectif limité). Dans la suite de cette partie, nous décrivons donc l’accompagnement, l’action et le traitement des données tels qu’ils ont été réellement réalisés.

Un enseignant, ainsi que 93 étudiants (31 femmes) en semestre 2 de licence 1 STAPS de l’université de Poitiers ont participé à cette recherche-action. Spécifiquement, 77 étudiants (28 femmes) ont participé à la première évaluation et 30 à la deuxième (7 femmes). Étant donné le faible effectif de quatorze étudiants ayant participé aux deux temps d’évaluation, la décision a été prise de considérer les deux groupes comme indépendants pour les besoins des analyses. Tous les étudiants ont répondu au questionnaire d’évaluation pour chacun des temps de mesure de manière volontaire et sans rémunération.

Le questionnaire étudiant se présentait en deux parties distinctes. La première était constituée de propositions sous forme d’un relevé d’indices « factuels », d’outils et de comportements observables pendant le cours. La deuxième partie posait aux étudiants des questions interrogeant leurs « ressentis » quant à leur capacité à prendre des notes. Par mesure de lisibilité, les indices de la première partie du questionnaire ont été nommés « mesures factuelles » et ceux de la deuxième « mesures ressenties ». Le questionnaire enseignant était identique au questionnaire étudiant, mais ne comprenait que la première partie factuelle.

Les mesures factuelles ont été adaptées des travaux de thèse de Houart (2009) et de Canivet et al. (1986). Elles consistaient en une grille d’analyse du CM en questionnaire. Les questions à destination des étudiants proposaient d’évaluer sur des critères observables la présence ou l’absence d’éléments favorisant la prise de note dans leur cours. L’objectif était de se servir du retour des étudiants comme évaluateurs des pratiques pédagogiques de l’enseignant survenant pendant son cours (ex. « L’enseignant présente le plan de sa présentation »).

Les mesures ressenties étaient constituées de 31 questions (cf. questionnaire en Annexe) pouvant être répondues par une présence (cotation 1) ou une absence d’indice (cotation 0), complétée de deux questions à réponses qualitatives. Les 31 questions étaient réparties sur 7 facteurs. Le premier facteur « Général » en 2 items (ρKR20 = 0.14) consistait à indiquer si l’enseignant avait déjà expliqué la prise de note (ex. : L’enseignant vous a-t-il déjà expliqué comment prendre des notes ?). Le deuxième facteur « Hiérarchique » en 4 items (ρKR20 = 0.69) posait des questions sur l’existence d’éléments hiérarchisant le discours de l’enseignant, comme l’utilisation d’éléments structurants le cours tel qu’un plan de cours ou des listes, etc. (ex. : L’enseignant présente le plan de sa présentation). Le troisième facteur « Indices explicites » en 7 items (ρKR20 = 0.57) consistait à dénoter si l’enseignant énonçait de manière explicite les informations à prendre en notes (ex. : L’enseignant indique à quel moment prendre des notes, l’enseignant fait des commentaires pour souligner l’importance d’une information, etc.). Le quatrième facteur « Indices implicites » en 3 items (ρKR20 = 0.57) devait amener à détecter des indices implicitement donnés par l’enseignant, notamment par une modification de la prosodie, pour juger de l’importance du contenu à prendre en notes (ex. : L’enseignant module [ralenti ou accélère] son débit de parole durant le cours). Le cinquième facteur d’« Aide » à la prise de notes en 8 items (ρKR20 = 0.62) consistait à relever les moyens utilisés par l’enseignant pour faciliter la prise de notes (ex. : L’enseignant dicte certaines phrases ou mots). Le sixième facteur, nommé « Multiplicité des canaux » en 4 items (ρKR20 = 0.59, après retrait d’un item sans variance), répertoriait les différents canaux utilisés dans l’enseignement (ex. : Durant son cours, l’enseignant écrit au tableau). Enfin le dernier facteur « Adaptatif » en 3 items (ρKR20 = 0.03) mesurait le degré d’adaptation de l’enseignant vis-à-vis de la compréhension des étudiants (ex. : L’enseignant s’adresse aux étudiants pour s’assurer qu’ils arrivent à suivre le cours). Les questions qualitatives, quant à elles, complétaient le facteur « Multiplicité des canaux » en précisant les supports délivrés au cours de l’enseignement (plan du cours, le support PowerPoint, etc.).

Malgré des analyses de consistance interne faibles sur certaines dimensions, pour accompagner l’enseignant, nous avons utilisé ce questionnaire sans le modifier. Pour chacun de ces facteurs, et afin d’améliorer la lisibilité des échelles pour la formation, une moyenne sur le nombre d’items a été réalisée puis une transformation linéaire a été effectuée pour que les résultats soient compris entre 0 (absence totale) et 10 (présence complète).

Les mesures ressenties avaient pour but de compléter les mesures factuelles. Pour chacun des facteurs mentionnés précédemment, les étudiants devaient préciser s’ils pensaient que cela les aidait dans leurs prises de notes. Ainsi, pour chacun des 7 facteurs une question a été posée (α = 0.83) sur la base d’une échelle d’accord de Likert en 5 points (de 1 : pas du tout d’accord à 5 : tout à fait d’accord). Par exemple, pour le facteur d’aide, la question posée était « L’enseignant me facilite la tâche pour prendre en note du contenu important (ex. : par des répétitions, etc.) » (cf. Annexe pour une liste complète des questions posées). Comme pour l’échelle factuelle, afin d’aider la formation à l’aide de graphiques présentant les mêmes échelles, une transformation linéaire a été effectuée sur les moyennes afin qu’elles soient comprises entre 0 et 10.

Sans en informer les étudiants au préalable, l’enseignant leur a demandé de rester en fin de son premier cours de sociologie du sport afin de participer à un questionnaire. Les expérimentateurs sont alors intervenus pour expliquer le fonctionnement du sondage en ligne, la thématique générale et l’objectif de l’étude. Les étudiants étaient également informés du caractère volontaire de la démarche. Ils avaient pour consigne d’y répondre sous 24h s’ils souhaitaient y participer. Cette durée était importante pour assurer que les mesures dites factuelles ne soient pas affectées par des biais de mémorisation et de reconstruction après une durée trop longue. Par exemple, un temps trop long entre le cours et la réponse au questionnaire aurait pu nuire à des items tels que « L’enseignement module l’intensité de sa voix durant le cours » (item du facteur d’indices implicites). Sur la même période, l’enseignant devait répondre en auto-évaluation à sa version de questionnaire.

Suite à ce questionnaire, une formation a été créée pour sensibiliser l’enseignant à la prise de notes. Une première partie de la formation présentait les bases de la prise de notes, ses grands principes et les concepts fondateurs. La seconde partie était construite pour être adaptée à l’enseignant en reprenant les évaluations des étudiants et en les comparant à sa propre auto-évaluation. Trois critères ont été utilisés : les écarts factuels entre le regard porté par l’enseignant et ses étudiants sur les pratiques pédagogiques mises en œuvre pendant le cours (par exemple, le regard porté par l’enseignant les éléments hiérarchiques employés par rapport à la réalité observée par les étudiants), les niveaux absolus des mesures factuelles permettant de montrer des faiblesses pouvant être compensées (par exemple, montrer le peu d’utilisation de supports différents), et enfin un retour du ressenti des étudiants sur leur capacité à prendre des notes en fonction de ces éléments (exemple : juger ou non que l’explicitation de la prise de note est utile). À la fin de leur dernier cours magistral, les étudiants ont été sollicités pour remplir de nouveau le questionnaire afin de comparer l’effet de la formation sur les critères factuels et ressentis.

4. Résultats

En raison de la taille d’échantillon suffisamment grande au cours de la première mesure (N = 74 à 77 en fonction des questions), les premiers tests réalisés étaient des t de Student qui ont comparé les scores moyens des étudiants aux scores autoattribués par l’enseignant à chacun des facteurs inclus dans le questionnaire (cf. Tableau 1 et 3 et Figure 2). À l’exception des indices d’aides qui ne montrent pas d’écart significatif (t(76) = 0.87, p = .388, d = 0.10), tous les autres indices sont significativement différents (Général : t(75) = 9.21, p < .001, d = 1.06 ; Hiérarchique : t(74) = -2.24, p = 0.028, d = -0.26 ; Indices explicites : t(77) = -3.45, p < .001, d = -0.40 ; Indices implicites : t(73) = 18.3, p < .001, d = 2.13 ; Multiplicité des canaux : t(76) = 2.25, p = .014, d = 0.29 ; Adaptatif : t(76) = -2.3, p = .004, d = -0.26). Précisément, l’enseignant montrait de manière quasi systématique une sous-évaluation à l’exception des indices hiérarchiques et explicites surévalués par rapport au retour fait par les étudiants.

La formation de l’enseignant a alors porté sur une explicitation des écarts parfois important entre son évaluation et celle donnée par les étudiants pour chaque facteur, par exemple pour le caractère implicite (d = 2.13), sur les scores des points à améliorer en raison de notes faibles (multiplicité des canaux) et enfin des notes subjectivement données par les étudiants (cf. Tableau 1) sur leur facilité à prendre des notes à partir des différents facteurs, avec par exemple une note moyenne pour l’utilisation d’outils hiérarchique pouvant indiquer une mauvaise utilisation de ceux-ci.

Tableau 1. Scores (X) de l’enseignant, moyennes (M) et écarts-types (ET) des étudiants (N = 77*) sur les mesures factuelles et ressenties au Temps 1

Notes : Pour les mesures factuelles, tous les étudiants n’ont pas répondu aux questions : N = 76 pour Général, N = 75 pour les Indices explicites et N = 74 pour les indices implicites.

Figure 2. Scores moyens aux mesures factuelles selon l’enseignant et les étudiants (Temps 1) [1]

À l’issue du temps 2, en raison des effectifs suffisamment élevés (N = 30), des tests t de Student ont été réalisés pour comparer les scores moyens des étudiants aux scores autoattribués par l’enseignant (cf. Tableau 2). À l’exception de la mesure générale, de la multiplicité des canaux et de la mesure du caractère adaptatif du discours qui ne montrent pas d’écart significatif (respectivement t(29) = -1.68, p = 0.103, d = -0.307 ; t(29) = 0.57, p = 0.573, d = 0.10 ; t(29) = -1.8, p = 0.083 ; d = -0.33), tous les autres indices montrent des écarts significativement différents entre la perception de l’enseignant et des étudiants (Hiérarchique : t(29) = -3.81, p < .001, d = -0.70 ; Indices explicites : t(29) = -4.25, p < .001, d = -0.78 ; Indices implicites : t(29) = -3.9, p < .001, d = -0.71 ; Aide : t(29) = -4.7, p < .001, d = -0.86). Précisément, l’enseignant montrait de manière quasi systématique une surévaluation par rapport au retour fait par les étudiants (cf. Figure 3).

Tableau 2. Scores (X) de l’enseignant, moyennes (M) et écarts-types (ET) des étudiants (N = 30) sur les mesures factuelles et ressenties au Temps 2

Figure 3. Scores moyens aux mesures factuelles selon l’enseignant et les étudiants (Temps 2) [2]

En raison du non-respect de la normalité des variables, ainsi que de l’homogénéité des variances, des tests U de Mann-Whitney d’indépendance des mesures ont été menés pour comparer l’évolution des performances entre le deuxième et le premier temps de mesure sur les analyses factuelles et ressenties attribuées par les étudiants. Les résultats de ces analyses sont présentés dans le Tableau 3 et la Figure 4. Concernant les mesures dites factuelles, les analyses indiquent que de manière significative (p < .05), les étudiants ont dénoté une augmentation sur tous les critères excepté l’indice d’aide dont la différence est marginalement significative (p < .01) et non significative sur les indices explicites et la multiplicité des canaux (p > .05). De même, concernant l’évaluation du ressenti les analyses indiquent des augmentations significatives (p < .05) sur tous les critères excepté la multiplicité des canaux avec une augmentation marginalement significative (p < .1).

Tableau 3. Tests d’indépendance (U de Mann-Whitney) entre les deux temps de mesure en fonction du type de mesure (factuelles ou ressenties)

5. Discussion : Un outil d’accompagnement pédagogique pour améliorer les pratiques d’enseignement favorisant la prise de notes des étudiants

L’objectif principal de cet accompagnement par une recherche-action visait l’amélioration de la prise de notes des étudiants en misant sur l’amélioration des pratiques d’enseignement. Cet accompagnement devait permettre à l’enseignant de prendre conscience de ses manières d’enseigner et de les perfectionner et ainsi de favoriser la prise de notes des étudiants.

Malgré des limites méthodologiques liées à la construction du questionnaire, il nous semble que la démarche mise en œuvre présente un potentiel heuristique. Ainsi, les analyses vérifient l’ensemble de nos hypothèses. Le dispositif a amené à une prise en charge personnalisée de l’enseignant en nous basant sur les scores des différents indices. Nous nous sommes reposés pour cela sur les écarts entre le regard que l’enseignant pouvait avoir sur ses pratiques d’enseignement et le retour des étudiants sur ces mêmes échelles. Une autre mesure a également quantifié le niveau ressenti d’aide à la prise de notes éprouvé par les étudiants. Ainsi, cet accompagnement a pu permettre de confronter le regard de l’enseignant et celui des étudiants sur les pratiques pédagogiques de celui-ci.

Concernant notre première hypothèse 1a de notre capacité à mesurer des écarts entre regards enseignants et étudiants sur les pratiques pédagogiques, l’outil a permis de mesurer de manière ciblée ces décalages sur les pratiques d’enseignement. Les indices retenus pour l’accompagnement s’appuyaient sur les résultats présentant des différences significatives entre ces deux regards. Plus particulièrement, nous nous sommes arrêtés sur les mesures pour lesquelles les tailles d’effet étaient les plus importantes. Soutenant la démarche réflexive de l’enseignant, l’outil d’accompagnement pédagogique a notamment contribué à une prise de conscience de la part de l’enseignant concernant les écarts sur les facteurs « général » et « implicite ».

Pour rappel, l’indice « général » avait pour but d’expliciter la prise de note aux étudiants pour assurer une meilleure compréhension des attentes de l’enseignant concernant cette pratique. Bien que le sujet de la prise de notes soit mentionné ponctuellement via un discours diffus tout au long des enseignements, celui-ci n’avait pas été formellement formulé aux étudiants. Suite à l’accompagnement, l’enseignant devait leur expliquer de manière claire et explicite les attentes en termes de « production » de prise de notes. Ceci contribuerait ainsi à réduire les écarts et incompréhensions sur les comportements attendus.

Aussi, le questionnaire a montré à l’enseignant qu’il employait des indices « implicites » dans son cours sans qu’il s’en rende compte. En effet, l’enseignant semblait ignorer qu’il utilisait des postures différentes (par exemple, changement de registre de langage en fonction du contenu) qu’il pouvait exprimer pour distinguer les parties successives de son cours. La discussion avec l’enseignant s’est montrée révélatrice de ses comportements ouvrant de nouvelles perspectives par la reconsidération de ses propres attitudes comme un outil pédagogique. En prenant conscience de ces attitudes utilisées implicitement, l’enseignant pouvait alors s’en servir pour optimiser sa communication et clarifier ses attentes quant à la prise de notes.

Sur ce premier point, l’étude des différences des points de vue montre que l’outil d’accompagnement peut produire un effet révélateur sur les pratiques et soutenir la démarche réflexive à la base de toute amélioration pédagogique. La prise de conscience peut s’avérer un moyen efficace d’adopter de nouveaux comportements, notamment afin d’enrichir la transmission d’un cours.

Quant à notre hypothèse 1b, l’outil d’accompagnement a effectivement contribué à focaliser l’attention des ingénieurs pédagogiques sur des indices factuels présentant des scores faibles. Plus précisément, l’outil rempli par les étudiants a montré qu’une amélioration était possible sur plusieurs facteurs connus comme pouvant favoriser la prise de note, mais non employé par l’enseignant. Entre autres, nous détaillerons deux mesures ayant fait l’objet de l’accompagnement : l’indice hiérarchique et l’utilisation des canaux de communication.

Concernant l’indice « hiérarchique », il apparaissait que l’enseignant se référait à un plan de cours et à des listes. Cependant, comme l’indiquait le score relativement faible, ainsi que l’écart-type élevé, ceux-ci n’étaient pas perçus de manière homogène par les étudiants. Après discussion avec l’enseignant, il a été conseillé que le plan devait être employé de façon continue afin de les aider à toujours se situer dans le CM et assurer par conséquent une pratique pédagogique stable. Quant aux listes, l’hétérogénéité de la mesure suggérait une utilisation potentiellement incomplète (par exemple le fait d’utiliser l’expression « premièrement » sans un « deuxièmement », ou qu’une liste soit partiellement numérotée). Ce point a été confirmé par l’enseignant. Ne pas segmenter les listes permettrait alors de mieux se situer dans le cours et le cas échéant de pouvoir compléter leurs notes en cas d’oubli.

Concernant la multiplication des canaux de communication, les étudiants ont attribué de manière homogène des scores faibles. Cependant, quantitativement, l’utilisation de plus de moyens perdait tout son sens si l’enseignant ne les employait pas à bon escient et en les mettant au service de ses objectifs pédagogiques. Il lui a alors été conseillé de recourir au tableau en tant que support complémentaire. Il parut intéressant d’identifier cette surface comme un espace dédié à l’échange avec les étudiants, d’autant plus que l’indice « adaptatif » indiquait un besoin de guidage de la prise de note en ce sens. Ainsi, ce support pouvait, par exemple, servir à recueillir leurs représentations préconçues (au cours d’un brainstorming sur les notions clés du cours par exemple), ou en créant des schémas et du nouveau contenu permettant de compléter leurs notes. Aussi, concernant l’emploi des projections PowerPoint, il a été conseillé à l’enseignant de privilégier son usage en tant que modalité complémentaire aux autres mises en œuvre (le tableau, la distribution des cours, etc.). Le bon usage de cette modalité devient d’autant plus crucial qu’on observe de plus en plus de pratiques de substitution à la prise de notes. L’utilisation de photographies en cours peut par exemple amener les étudiants à croire qu’ils peuvent se dispenser d’écrire le discours enseignant. L’écart-type important s’est donc avéré une mesure révélatrice du degré d’appropriation des outils pédagogiques par les étudiants.

Concernant ces deux premières hypothèses, l’outil d’accompagnement a montré être d’une aide précieuse lors de la formation personnalisée de l’enseignant en offrant, par exemple, des pistes d’amélioration sur l’utilisation du plan structuré et des listes. Aussi, il a permis aux ingénieurs pédagogiques d’apporter des conseils à l’enseignant concernant ses stratégies de soutien à la prise de notes des étudiants. Ce qui s’avère important, ce n’est pas tant la diversité des outils employés (listes, plans, etc.) que la manière de se les approprier et de les mettre en œuvre à bon escient. Ceci est attesté au regard des écarts-types réalisés sur les différentes mesures servant de révélateurs quant à la bonne appréciation des outils par les étudiants. L’outil d’accompagnement permet donc de détecter à la fois les angles morts des pratiques d’enseignement (scores faibles aux indices), mais aussi les difficultés dues à des problèmes d’intégration des modalités pédagogiques.

Notre hypothèse 1c a également été confirmée. Les mesures ressenties quant à la capacité des étudiants à prendre des notes ont ainsi été utiles pour orienter l’accompagnement d’un point de vue qualitatif sur les différents indices mesurés. Pour rappel, la question posée aux étudiants n’était pas tant de savoir si l’enseignant avait employé telle ou telle modalité que de déclarer si ces modalités proposées leur avaient permis de prendre des notes plus aisément. Nous illustrerons l’utilisation de ces échelles par deux exemples : l’analyse de l’indice « explicite », ainsi que celle de l’indice « adaptatif ».

Concernant l’indice « explicite », le rôle de l’enseignant ne doit pas se limiter à la seule expression de notions du cours qu’il juge « essentiels », « complémentaires » ou « accessoires ». L’explicitation doit avoir pour but de produire chez les étudiants une représentation globale de son approche. Prenons par exemple le fait de préciser à haute voix la fonction de l’utilisation d’une anecdote. Cette précision vise l’illustration d’une idée complexe afin d’aider son intégration. Or, l’intention derrière une pareille énonciation a pour objectif de les inviter à une prise de note plus « riche » qu’une retranscription verbatim. La prise de note doit extraire les concepts et les mettre en lien avec le contenu du cours. Aussi, cela éviterait une mauvaise interprétation de la part des étudiants qui pourraient considérer ceci comme « trivial » et un « signal » pour arrêter la prise de notes. La seule énonciation intelligible du degré d’importance du discours ne se montre pas suffisante sans être accompagnée par l’explication des attentes liées. Il a alors été conseillé de donner un « mode d’emploi » entre modalité d’enseignement et prise de notes correspondantes. L’usage des exemples, des anecdotes et autres illustrations avait pour fonction d’alimenter le contenu du cours et de permettre aux étudiants une meilleure articulation entre idées complexes. Cette articulation entre les différentes notions du CM avait pour ambition de favoriser une production de notes synthétiques afin d’améliorer la compréhension générale des concepts présentés.

De même, concernant l’indice « adaptatif », le fait de demander aux étudiants s’ils arrivaient à suivre le cours ou s’ils souhaitaient poser des questions, etc. ne suffisait pas. De manière générale, cela peut même se révéler contre-productif dans la mesure où les étudiants qui ne participent pas peuvent interpréter ces moments comme des « pauses » pour lesquelles ils n’ont pas besoin de prendre des notes. L’interaction avec les étudiants ayant pour but leur contribution au cours ne favorisait donc pas nécessairement la prise de notes. L’objectif de ces moments d’échange visait à amener les étudiants à se questionner vis-à-vis de leurs propres savoirs, et ce afin de les compléter, les corriger ou les réorganiser (création de nouveaux schémas mentaux, associations d’idées, correction des notions préconçues). Lors de l’accompagnement pédagogique, il a été conseillé à l’enseignant d’utiliser un support supplémentaire afin que ces interactions puissent aboutir à une prise de notes en lien avec les conversations. L’écriture au tableau apparaissait dès lors comme une stratégie efficace du déclenchement de ce comportement, tout en gardant un échange bénéfique pour la dynamique de l’enseignement. Par exemple, cet espace pouvait être utilisé pour une co-construction du savoir avec la création de schémas explicatifs ; pour la récapitulation des points les plus importants vus en cours ; pour y noter les éléments clés des échanges avec les étudiants.

Pour conclure sur les hypothèses liées à la pertinence d’un outil d’aide à l’accompagnement (1a, 1b, 1c), les résultats montrent que les mesures factuelles et ressenties ont apporté à l’enseignant un retour concret et efficace sur ses propres pratiques pédagogiques. L’outil d’accompagnement semble avoir montré son efficacité lorsque sa passation s’est réalisée in situ, à la suite du cours et sans besoin de formation préalable à son utilisation. Cependant, le rôle de l’ingénieur pédagogique se révèle être un facteur d’optimisation de la démarche réflexive de l’enseignant. En effet, l’interprétation des résultats dénotés par les différents indices ne peut être réalisée qu’à partir de la connaissance de la littérature par les ingénieurs pédagogiques jouant un rôle de médiateur entre l’enseignant et l’objet de sa démarche réflexive, les pratiques pédagogiques. L’outil se révélant ainsi utile pour pointer des points de vigilances dans les pratiques, mais ne peut se suffire à lui seul pour un accompagnement approprié et ciblé.

Après l’expérimentation pédagogique, des effets significatifs du dispositif ont été observés quant à l’évolution des pratiques pédagogiques de l’enseignement. Concernant la première hypothèse (2a) d’une réduction des écarts entre les réponses de l’enseignant et des étudiants, celle-ci est en partie vérifiée. En effet, il apparaît post-formation que les scores de l’enseignant sont, de façon significative et quasi systématique, supérieurs à ceux des étudiants. Cependant, ces différences sont à relativiser étant donné le peu de sensibilité de la mesure du côté enseignant (pour certains indices en seulement 3 ou 4 points). Or, pour conclure à une réduction des écarts, nous pouvons également nous baser sur la taille des effets (par les d de Cohen). Ceux-ci ont diminué sur les indices ayant fait l’objet d’un accompagnement (notamment l’indice « général » et « implicite ») indiquant ainsi qu’étudiants et enseignant ont partagé un point de vue beaucoup plus proche sur ces différents facteurs.

Notre hypothèse 2b qui postulait l’idée d’une augmentation de toutes les mesures sur les indices factuels a été quant à elle totalement vérifiée. En nous appuyant sur notre outil, nous observons que l’accompagnement pédagogique a apporté une augmentation importante sur tous les points qui ont fait l’objet d’accompagnement d’un point de vue factuel. Par exemple, pour l’indice « hiérarchique », l’accroissement du score (cf. Tableau 3 et Figure 4) est interprété comme une amélioration pédagogique. Ceci contribue également à la réduction objective des écarts entre le point de vue enseignant et celui des étudiants.

Enfin, notre hypothèse 3c qui cherchait à vérifier une évolution des pratiques pédagogiques de l’enseignant par une augmentation des scores sur les mesures ressenties a également été validée. Cela se traduit ainsi par une amélioration du ressenti subjectif du groupe à pouvoir prendre des notes plus aisément, excepté concernant l’indice de multiplicité des canaux. Il est notamment important de constater que pour l’indice « général », les étudiants ont exprimé être en meilleure capacité de noter après que l’enseignant a bénéficié d’un accompagnement. Ces mesures n’indiquent pas véritablement de changement des pratiques de la part des étudiants, cependant, étant donné qu’ils se basent sur des indices connus pour améliorer celle-ci, il est probable qu’en conséquence la pratique elle-même soit améliorée. Cela pourrait faire l’objet de nouveau travaux visant à mesurer l’effet concret de l’augmentation de ces mesures sur les prises de notes.

En résumé, concernant nos hypothèses (2a, 2b et 2c) qui stipulaient une amélioration des pratiques pédagogiques à l’issue de la formation, la validation de celles-ci a montré l’utilité que peut avoir un accompagnement ciblé à partir d’un tel outil. Ces hypothèses peuvent être complétées par le retour de l’enseignant qui déclare avoir adopté de nouveaux comportements (utilisation d’un nouveau support) et enrichi ceux préexistants (indices hiérarchiques, par exemple). Ces déclarations ont été confirmées par des observations réalisées en situation d’enseignement. Tout indique que ceci permettrait la mise en place d’une prise de note plus efficace de ses étudiants. De manière plus globale, on pourra donc dire que les pratiques pédagogiques mises en œuvre ont été sensiblement améliorées.

Au-delà des effets identifiés dans ce cadre comme significatifs, différentes limites sont à souligner. La première tient dans l’utilisation d’un outil créé spécifiquement pour cette recherche-action, mais qui n’a pu être validé avant son utilisation. Les qualités psychométriques de certaines échelles sont très faibles et ne peuvent être réutilisées à l’identique dans des études ultérieures, sans les valider au préalable. Cette limite doit donc amener à un esprit critique quant aux résultats liés aux indices plus faibles tels que l’indice général ou adaptatif. Nous considérons cependant l’utilisation de ces indices comme une « preuve de concept » qui dans ce cadre d’accompagnement a participé à une réflexion sur les pratiques pédagogiques et l’évaluation par les étudiants. La méthodologie s’est montrée pertinente et sera à retravailler dans le cadre de futures études afin de l’améliorer et de la tester sur d’autres enseignants et étudiants.

Au-delà de la qualité des mesures, si nous avons démontré les répercussions de l’accompagnement pédagogique sur les pratiques pédagogiques favorisant la prise de notes estudiantine, en absence d’un groupe contrôle, il peut s’avérer que ces effets pourraient être dus à la progression normale du cours. Rien n’indique que cela ne soit pas le reflet de la connaissance progressive des manières d’enseigner de l’enseignant de la part des étudiants et de leur adaptation des apprentissages en fonction de celles-ci. Aussi, rien n’indique dans cette étude que dans un cours sans que l’enseignant soit accompagné nous n’aurions pas les mêmes résultats. Néanmoins, les écarts sur des indices spécifiques de l’étude (« général », « canaux de communication » par exemple) montrent que, même si cela peut influencer quelque peu les mesures, cela semble tout de même peu probable qu’elle ait une grande importance sur des mesures aussi spécifiques.

On peut aussi émettre l’hypothèse que si l’outil d’accompagnement s’est montré utile lors de l’accompagnement pédagogique personnalisé, rien ne nous indique que les mêmes résultats seraient atteints avec une formation usuelle proposée par le CRIIP. Une formation plus généraliste, sans focalisation sur des points spécifiques des pratiques d’enseignement pourrait amener à des résultats similaires, mais n’auraient en aucun cas permis une prise de conscience sur des pratiques implicites telles qu’a pu révéler l’outil sur l’implicite. De ce fait, le regard étudiant sur les pratiques pédagogiques semble contribuer à améliorer celles-ci. Les résultats de cette recherche-action attestent de l’importance de l’accompagnement pédagogique lors de la confrontation du regard de l’enseignant et de celui des étudiants sur les éléments de communication de l’enseignant lors d’un cours. Il reste toutefois à s’intéresser de plus près à la prise de notes effective des étudiants, car les mesures ressenties ne nous permettent pas d’affirmer qu’il y a eu un comportement effectif d’amélioration de la prise de notes, bien que les déclarations des étudiants affirment le contraire.

6. Conclusion

La création d’un outil d’accompagnement pédagogique suite à cette recherche-action a montré qu’il contribue à pointer des éléments à améliorer dans les pratiques pédagogiques mises en œuvre par l’enseignant. Aussi, l’outil a permis aux ingénieurs pédagogiques de soutenir la démarche réflexive engagée par l’enseignant en intégrant également le regard des étudiants. En permettant de confronter les regards sur des indices factuels et ressentis, l’outil d’accompagnement a montré une certaine efficacité notamment dans sa simplicité d’usage et sa spécificité dans les indices utilisés, constituant un point important pour un guidage efficace de l’enseignant (Titsworth, 2001, 2004 ; Kiewra, 2004 ; Austin et al., 2004). En effet, plutôt qu’une observation par utilisation d’une grille de lecture (tel qu’utilisé par Houart, 2009), un outil de type questionnaire permettrait une généralisation plus grande et plus aisée des accompagnements. Enfin, l’outil montre son utilité pour apprécier l’amélioration des pratiques en permettant de mesurer les mêmes indices de manières répétées.

Il est important de noter également que cette étude a été pensée et menée de façon collective. Ce groupe de recherche-action interdisciplinaire et interstatutaire a porté un accompagnement pédagogiquement structuré et scientifiquement fondé. Ce rapprochement entre sciences et éducation voulu notamment par Mialaret (2011), a utilisé la coopération comme moteur de l’action de formation. La richesse des croisements des approches des membres de l’équipe (des ingénieurs pédagogiques, des chercheurs en psychologie et sociologie et un enseignant) a abouti à la création d’un outil d’accompagnement soutenant le développement professionnel des enseignants. L’outil a permis à l’enseignant de prendre conscience rapidement sur certains aspects de sa communication pendant le cours en l’éclairant de manière ciblée sur ses pratiques d’enseignement. Côté étudiant, après l’accompagnement pédagogique de l’enseignant, les étudiants ont observé les changements dans les modalités pédagogiques mises en œuvre leur permettant, selon eux, une prise de notes plus efficace. Selon l’enseignant « ça a été un vrai changement […] dans l’orientation de mon attention notamment sur la construction de mes diapositives, mais également durant la réalisation de mon cours ». Il ajoute que « mon attention se porte sur ce qu’ils font, mais aussi sur la façon dont je peux guider la prise de note en fonction de ce qu’ils auront à garder » (…) et que « ça a été donc un vrai changement dans ma conception de cours, mais aussi dans ma conduite ». Finalement, si cette étude a pris pour objet d’analyse un accompagnement pédagogique de l’enseignement, il pourra s’avérer intéressant d’analyser l’impact de cet accompagnement sur d’autres enseignants, dans d’autres contextes pédagogiques pour envisager une possible généralisation de ces résultats. De nombreux autres axes de recherche-action sont imaginables dans ce cadre coopératif pluridisciplinaire. Nous pourrions questionner l’impact de ce type d’accompagnement sur la prise de note effective des étudiants, identifier et tester des variables impactant la formation des étudiants à la prise de notes, etc. Pour le moment, cette recherche-action a permis la construction d’un outil automatisé d’(auto)évaluation des pratiques d’enseignement que les ingénieurs pédagogiques du CRIIP utilisent aujourd’hui auprès d’autres enseignants qui souhaitent favoriser la prise de notes de leurs étudiants. Qu’il s’agisse de la formation proposée par le CRIIP ou de l’accompagnement personnalisé proposé par les ingénieurs pédagogiques, il y a là une opportunité d’aborder la question de la prise de notes à l’université et de se sensibiliser aux manières d’étudier, d’apprendre, d’écrire et d’écouter de nos étudiants. Les résultats de cette étude ont montré que les dispositifs d’accompagnement et de formation pédagogique doivent être soutenus par les instances universitaires.

Bibliographie

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Notes

[1Notes : ns = non significatif ; * : p < .05 ; ** : p < .01 ; *** : p < .001.

[2Notes : ns = non significatif ; # : p < .1 ; * : p < .05 ; ** : p < .01 ; *** : p < .001.

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