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Contextes et stratégies privilégiés par des élu.e.s de municipalités québécoises pour leur formation continue en matière d’environnement

Un article repris de http://journals.openedition.org/ere/9734

Compte tenu du rôle incontournable que jouent les municipalités dans la nécessaire transition écologique, la formation relative à l’environnement des élu.e.s des municipalités québécoises se doit d’être adaptée au contexte local et politique. Dans la foulée d’une recherche qualitative basée sur des observations non participantes et des entretiens semi-dirigés auprès d’élu·e·s, et dans le cadre de laquelle un regard critique a été porté sur l’offre de formation actuelle en ce domaine, il nous a été possible de dégager les préférences des élu.e.s en matière de contextes et de stratégies de formation. Ces préférences, examinées à la lumière de fondements et de pratiques documentés en éducation relative à l’environnement, permettent d’identifier les principales caractéristiques d’un processus de formation continue adéquat pour ces apprenant.e.s adultes aux fonctions politiques particulières en matière d’environnement.

Un article repris de la revue Education relative à l’environnement, une publication sous licence CC by nc

Marc-André Guertin et Geneviève Rajotte-Sauriol, « Contextes et stratégies privilégiés par des élu.e.s de municipalités québécoises pour leur formation continue en matière d’environnement », Éducation relative à l’environnement [En ligne], Volume 17-2 | 2022, mis en ligne le 14 novembre 2022, consulté le 28 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/ere/9734

Le Québec compte plus d’un millier de municipalités de toutes tailles. Celles-ci assument des responsabilités en matière d’environnement conférées par des lois et des règlements, ainsi qu’un rôle de fiduciaire de l’environnement confirmé par les plus hauts tribunaux du pays. Les attentes sont donc élevées face aux municipalités en matière d’environnement et proviennent à la fois des citoyens, des paliers supérieurs de gouvernement et même d’organisations internationales qui soulignent tout le potentiel d’action des villes. Dans ce contexte, on constate un intérêt croissant de la part de ministères et d’associations de municipalités à former les quelque 8 000 élu.e.s municipaux en matière d’environnement. Cependant, pour concevoir de tels programmes de formation, on trouve peu d’appuis du côté de la recherche : la formation relative à l’environnement [1] auprès d’adultes et qui plus est, des adultes en situation de pouvoir, demeure un champ sous-théorisé (Clover et Hill, 2013  ; Villemagne, 2008, 2017  ; Guertin, 2021, 2022).

Cette problématique est à l’origine d’une recherche-développement visant à proposer les principales caractéristiques d’un processus approprié de formation relative à l’environnement auprès d’élu.e.s de municipalités québécoises. Une telle proposition pourra s’avérer utile aux personnes responsables de former les décideurs et décideuses (Guertin, 2017, 2021, 2022) [2].

Quelques éléments de méthodologie

La méthodologie globale adoptée pour cette recherche est axée sur les principales étapes d’un projet de «  recherche et développement  » en éducation, soit le diagnostic des besoins de formation des élu.e.s et l’identification des modes d’apprentissage qu’ils apprécient davantage, la proposition d’une démarche de formation qui en tienne compte, la validation de celle-ci et la formulation de recommandations d’amélioration et de suivi (Loiselle et Harvey, 2007). Pour les deux premières étapes, douze entretiens semi-dirigés ont été réalisés auprès d’élu.e.s témoignant d’une sensibilité à l’égard de l’environnement, ainsi que douze entretiens avec des formateurs d’élu.e.s. Également, plusieurs séances d’observation ont été réalisées dans le cadre de congrès et de formations. Enfin, trois entretiens de groupe ont été menés avec des élu.e.s pour valider les résultats de cette recherche.

L’analyse qualitative des données s’inspire de la stratégie du questionnement analytique comme le suggèrent Paillé et Mucchielli (2016)  ; celle-ci trouve ses fondements méthodologiques et épistémologiques dans la théorie ancrée (Glaser et Strauss, 2010) [3].

Nous présenterons ici de façon synthétique certains résultats de cette recherche-développement, concernant les contextes et les stratégies d’apprentissage privilégiés par les élu.e.s pour leur propre formation en matière d’environnement. Ces résultats permettent d’identifier les principales caractéristiques d’un processus de formation adapté à leur fonction politique. Nous soulèverons en terminant diverses questions qui pourront faire l’objet de recherches à venir.

Observations des préférences des élu.e.s en matière d’apprentissage

Plongeons dans le vif du sujet en rapportant les préférences dégagées des entretiens avec les élu.e.s et en les mettant en relation avec des contextes et des stratégies de formation documentés en éducation relative à l’environnement.

Précisons que parmi les quatre thèmes abordés lors des entretiens avec des élu.e.s et des formateurs d’élu.e.s, soit les profils socioprofessionnels des formateurs ou formatrices et des élu.e.s, le rôle de l’élu.e en matière d’environnement, les compétences nécessaires pour traiter des questions environnementales qui concernent les municipalités, ainsi que les processus d’apprentissage à privilégier, c’est principalement ce dernier qui fait l’objet de cet article.

Nous avons constaté que les formations actuellement offertes aux élu.e.s sont plutôt axées sur la transmission de contenus (Guertin, 2021). Cette approche comporte une importante lacune, soit celle de se concentrer sur des informations relatives à l’environnement (valorisant ainsi cet objet d’apprentissage), sans porter suffisamment attention aux particularités du sujet apprenant, ici des adultes en situation de responsabilité et de pouvoir au sein de municipalités. [4] Or, nous verrons que les préférences des élu.e.s en matière de contextes et de stratégies d’apprentissage, font plutôt appel à des choix pédagogiques qui valorisent le rôle du sujet qui apprend.

Rappelons maintenant le contexte dans lequel sont parachutées les personnes élues dans les municipalités du Québec. Comme aucune formation formelle obligatoire en environnement n’a été recensée [5], celles-ci arrivent dans l’arène politique sans préparation spécifique, avec comme bagage leur propre formation professionnelle et/ou des expériences de vie diversifiées (Mévellec et Tremblay, 2016). Elles apprennent ensuite à exercer leur nouveau rôle dans un contexte généralement informel et souvent de manière autonome, saisissant les occasions d’apprentissages qui ne sont pas associées à une initiative ou à un programme particulier, ni nécessairement planifiées, comme c’est le cas des rencontres, des lectures et de la participation à des évènements (Sauvé et coll., 2003).

Les élu.e.s peuvent répondre également à des offres de formation ponctuelles en contexte non formel (activités non obligatoires et non sanctionnées) : il s’agit d’activités offertes par des associations ou organisations spécialisées en environnement.

Quel que soit le contexte, les entretiens auprès de élu.e.s nous ont permis de cerner trois catégories de stratégies de formation à privilégier, bien perméables entre elles : l’autoformation, la communauté d’apprentissage, la formation active et contextualisée.

L’autoformation

Commençons par l’autoformation, qui est un phénomène personnel difficile à caractériser, parfois qualifié de nébuleuse. En milieu de travail, on parle de l’autoformation comme d’un «  mode de formation où l’apprenant prend l’initiative et choisit de manière autonome les buts et les méthodes d’apprentissage et acquiert des connaissances en utilisant ses propres ressources et celles de son milieu  » (D’Ortun, 2012).

Le sujet qui privilégie l’autoformation occupe donc une place prédominante en choisissant les objets d’apprentissage et en interagissant avec une diversité d’agents. Il mobilise ainsi de multiples stratégies d’apprentissage et exprime des attentes envers les stratégies d’enseignement qui lui sont proposées.

Les élu.e.s municipaux interviewés ont à maintes reprises fait référence à l’autoformation. Voici ce qu’ils et elles en ont dit. D’abord, l’arrivée dans l’arène politique ne se fait pas sans provoquer de conflits affectifs, cognitifs et même sociocognitifs, car les questions environnementales sont particulièrement sujettes aux controverses. C’est donc d’une certaine manière par contrainte ou obligation que bien souvent, à défaut d’une formation préalable ou accessible en cours de route, l’autoformation s’impose en matière d’environnement.

Parmi les facteurs favorisant l’autoformation, les élu.e.s déplorent en effet le peu d’offres de formation en environnement et le fait que les formations proposées adoptent un angle plus technique que politique, observation qu’il est possible de corroborer à partir d’une recension de guides relatifs aux changements climatiques menée par Bleau, Bisaillon et Duval (2018). À cela s’ajoutent le cumul de fonctions professionnelles qui laisse peu de temps pour la formation en mode présentiel, et la variabilité des contextes municipaux qui complique l’offre de formations adaptées à des besoins spécifiques. Enfin, la dynamique politique locale pousse vers l’autoformation pour développer des habiletés pour interagir plus efficacement avec les fonctionnaires et autres décideurs ou décideuses, de même qu’avec les citoyens, ainsi que pour comprendre les rouages politiques concernant l’environnement.

Maintenant, les formes que prend l’autoformation varient selon les contextes et les questions environnementales abordées. Les élu.e.s sont submergé.e.s d’informations, d’avis et de rapports. Selon les dires de certains, cela peut même prendre des années pour comprendre tous les processus et l’information disponible, comme le suggère une des personnes élues :

Les apprentissages que l’on fait dans une municipalité, c’est très intense. Tu fais des apprentissages au fil des dossiers, il n’y a rien de linéaire ou progressif dans ces apprentissages. Tu traites le plus d’informations possible pour comprendre la situation du moment. Tu deviens meilleur avec le temps !

Par ailleurs, l’apprentissage des élu.e.s ne se situe pas exclusivement dans une logique d’autodidaxie : une place appréciable est accordée à ce que Gaston Pineau (2019) qualifie de socioformation. Dans le contexte municipal, il s’agit d’un tissu d’interactions avec d’autres élu.e.s, des fonctionnaires, des expert.e.s et des citoyen.ne.s.

Finalement, on observe que la dimension environnementale de l’autoformation ou de la socioformation est ancrée dans des dynamiques de résolution de problèmes face à des questions environnementales vives qui émergent dans l’actualité municipale.

L’intérêt pour l’autoformation ou la socioformation confirme que les élu.e.s municipaux partagent un profil semblable à celui que la recherche a documenté pour tout apprenant adulte (Bélanger, 2015  ; Clover et Hill, 2013  ; Mezirow, 2009). Ils et elles sont favorables à des approches expérientielles, interdisciplinaires et collaboratives pour développer des savoirs à réinvestir immédiatement dans leur pratique. Ils et elles sont aussi favorables à des stratégies de formation qui permettent de bien contextualiser l’environnement dans le cadre organisationnel municipal, comme l’étude de cas, la résolution de problèmes ou le développement de projets qui les aideront à élaborer des politiques ou des interventions en matière d’environnement.

Cela étant dit, l’apprentissage en matière d’environnement n’est pas un processus facile. Il est exigeant sur les plans cognitif et affectif, considérant la diversité et la complexité des questions environnementales de même que la difficulté à mettre celles-ci en perspective dans un contexte municipal. Ces difficultés et tensions amènent d’ailleurs les élu.e.s municipaux à valoriser des espaces sécuritaires d’apprentissage, comme les communautés d’apprentissage.

La communauté d’apprentissage

Passons maintenant à une deuxième stratégie particulièrement prisée par les décideurs et décideuses du monde municipal : la communauté d’apprentissage. Associée souvent à une communauté de pratique ou à une communauté de recherche, celle-ci est en fait une stratégie-cadre faisant appel à plusieurs approches intégrées entre elles, comme le suggère Orellana (2002, p. 82).

La communauté d’apprentissage apparait comme une stratégie pédagogique issue des courants de pensée socioconstructiviste et critique, inspirée des traditions d’éducation communautaire et populaire, intégrant diverses approches pédagogiques complémentaires, s’appuyant sur la participation active, la coopération, le dialogue de savoirs, l’interdisciplinarité et l’engagement dans une action réfléchie commune enracinée dans la réalité du milieu de vie. (Orellana, 2002, p. XV)

Les processus d’apprentissage au sein d’une telle communauté sont en effet ancrés dans les réalités du milieu de vie des participant.e.s, ce qui offre des conditions favorables au développement de compétences liées à la résolution de problèmes environnementaux et à l’écocitoyenneté [6]. C’est également un espace qui permet aux élu.e.s d’être protagonistes de leurs apprentissages, le tout dans un espace sécuritaire pour des apprenant.e.s adultes en situation de pouvoir (Boucher, 2017  ; Morris, 2009  ; Neumann, 2011  ; Rice, 2010). En effet, c’est un lieu qui leur permet d’échanger loin du regard du public ainsi que des tensions politiques et partisanes parfois présentes au sein du conseil municipal ou lors des séances publiques.

La communauté d’apprentissage est mobilisée dans divers contextes. Les élu.e.s rencontré.e.s ont rapporté que de telles communautés se créent parfois spontanément par l’entremise des réseaux sociaux, sous forme de groupes privés. Moins fréquemment, elles prennent forme de manière structurée par l’entremise d’associations de municipalités avec le soutien d’un agent qui anime les échanges.

Si l’on s’attarde spécifiquement aux différentes approches et stratégies privilégiées par les élu.e.s au sein d’une communauté d’apprentissage, on observe qu’ils et elles préfèrent les approches dialogiques qui favorisent la discussion et les échanges sur des thèmes d’intérêt, notamment l’actualité environnementale. Ils et elles apprécient en particulier la mise en commun des expériences, concluantes ou non, et peuvent ainsi apprendre des succès et des erreurs de leurs pairs. Dans un cadre plus structuré, les élu.e.s apprécient également les approches collaboratives qui élargissent le cercle de participant.e.s à des fonctionnaires, des expert.e.s et des citoyen.ne.s, selon les cas.

Le recours à la communauté d’apprentissage semble résulter à la fois d’une volonté de ramener la formation dans une réalité sociale bien concrète et de créer des liens entre élu.e.s qui ont un intérêt partagé pour l’environnement. Fait intéressant, certaines communautés ont mené à des prises de position commune, des projets de publications [7], ainsi qu’à des processus de résolution de problème à l’échelle supralocale.

Nous verrons que l’intérêt que les élu.e.s portent à l’autoformation et à la communauté d’apprentissage influence le rapport qu’ils et elles ont à l’égard de l’apprentissage dans un cadre de formation plus structuré.

La formation structurée dans un contexte non formel

Au Québec actuellement, une seule formation est obligatoire (donc formelle, sanctionnée) pour les élu.e.s en vertu de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale (RLRQ c. E-15.1.0.1). Celle-ci est encadrée par le gouvernement provincial et offerte par la Fédération québécoise des municipalités (FQM) ainsi que par l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Cependant, ces deux associations offrent également des programmes de formation continue (à caractère non formel) couvrant de nombreux thèmes d’intérêt pour les acteurs et actrices du monde municipal. Il arrive que des organisations d’accréditation ou des universités interviennent pour donner un caractère plus formel à ces formations.

Les élu.e.s interviewé.e.s ont un intérêt pour une offre accrue de formation relative à l’environnement et observent une avancée en ce sens, surtout en ce qui concerne les changements climatiques (UMQ - Union des municipalités du Québec, 2017).

Rappelons que, de manière générale, on distingue deux paradigmes qui déterminent les relations pédagogiques dans un contexte de formation (Sauvé, 1997 ; Viau, 2014 ; Legendre, 2005 ). D’abord, le paradigme de l’enseignement, associé à une logique de contenu. On y retrouve d’une part, la personne formatrice experte du contenu et d’autre part, le sujet apprenant dans un rôle plus passif, dans une logique de transfert de connaissances. C’est d’ailleurs ce qui fait que l’intérêt des élu.e.s est mitigé en ce qui a trait à la forme des formations actuelles à l’égard de l’environnement. Ils et elles souhaiteraient que celles-ci les intègrent davantage dans un rôle actif, rejoignant plutôt ici le paradigme de l’apprentissage, associé quant à lui à une logique de partage et de coconstruction des savoirs, ainsi que de développement de compétences reliées aux exigences du milieu professionnel de référence.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’autoformation et les communautés d’apprentissage ont permis aux élu.e.s de développer des habiletés faisant en sorte qu’ils et elles n’arrivent pas sans bagage aux ateliers de formation, que ceux-ci soient offerts en mode présentiel ou à distance. Les organisations formatrices gagnent donc à s’inspirer du paradigme de l’apprentissage pour satisfaire les élu.e.s. Ceux-ci confirment en effet la pertinence de plusieurs principes andragogiques mentionnés plus haut : ils et elles souhaitent que la formation les intègre au centre de leur apprentissage, réponde à des besoins immédiats, soit un lieu de rencontre avec des pairs et des expert.e.s, permette de découvrir des solutions éprouvées par d’autres municipalités et offre un espace sécuritaire propice à l’apprentissage, tant sur le plan cognitif qu’affectif.

Parmi les préférences plus spécifiques exprimées en entrevues, mentionnons les approches expérientielles de terrain comme les visites de lieux ou les simulations, les approches interdisciplinaires intégrant par exemple, l’ingénierie civile, le droit municipal ou les communications, ainsi que les approches coopératives qui font appel au dialogue entre diverses professions municipales. Au bilan, que les formations soient offertes en présentiel ou à distance, les élu.e.s interviewé.e.s préfèrent les stratégies d’apprentissage ancrées dans les réalités du contexte municipal comme les études de cas, les processus de résolution de problème ou encore l’interprétation environnementale faisant place entre autres à des visites de terrain pour constater les réalités ou examiner les projets réalisés. Il leur importe aussi de prendre connaissance d’histoires à succès.

Selon ces élu.e.s, de telles approches et stratégies de formation relative à l’environnement permettent de mieux situer les savoirs dans un contexte municipal.
Quelques pistes à explorer

À la lumière des observations tirées des entretiens, nous sommes à même de dégager certaines réflexions pouvant mener à d’éventuelles questions de recherche. En ce qui concerne l’autoformation, on peut se questionner sur la manière d’accompagner les élu.e.s à travers cette stratégie d’apprentissage. Quels outils d’autodidaxie pourraient être envisagés  ? L’accompagnement individualisé comme le tutorat, le mentorat ou le coaching ont-ils leur place dans un processus d’autoformation  ? Enfin, devrait-on inviter également les professionnel.le.s municipaux qui côtoient les élu.e.s à mettre à profit les processus d’autoformation  ?

Si l’on se tourne du côté des communautés d’apprentissage - qui gagneraient à être développées davantage -, nous soulevons ici trois questions. D’abord, quels sont les structures, les processus et les dynamiques favorables au fonctionnement d’une telle communauté en milieu municipal  ? Ensuite, à qui revient le rôle d’animer une communauté d’apprentissage dans un tel contexte  ? Enfin, serait-il pertinent encore une fois de former les professionnel.le.s municipaux à la stratégie de la communauté d’apprentissage et aux approches dialogiques, coopératives et expérientielles dans une perspective de formation relative à l’environnement  ?

En ce qui concerne l’offre de formation non formelle de la part des organisations, nous nous demandons comment rendre l’apprentissage plus actif et comment contextualiser les questions environnementales dans le milieu politique municipal  ? Au-delà du transfert de connaissances, comment intégrer aux programmes de formation des approches et des stratégies visant le développement de compétences écocitoyennes, soit des compétences critiques, politiques, éthiques et heuristique (Sauvé, 2017)  ? Par ailleurs, quelles activités réflexives préparatoires pourraient précéder ces formations et quelles autres activités de prise d’engagement et de suivi pourraient y succéder, de façon à soutenir et approfondir les apprentissages à l’égard de l’environnement  ? De plus, comment évaluer le développement des compétences de manière formative et sommative tout en considérant les réserves exprimées en entrevues par les élu.e.s à cet égard  ? Enfin, dans une logique de formation à distance, comment favoriser le réseautage  ?

De manière générale, nous croyons qu’il y a lieu de mieux documenter les pratiques en cours dans des contextes informels et non formels avec les élu.e.s certes, mais aussi plus globalement encore, avec les acteurs et actrices de la formation relative à l’environnement auprès des adultes. Ajoutons que dans une perspective de recherche, il sera toujours nécessaire d’expérimenter certaines pratiques dans des situations spécifiques pour mieux répondre aux besoins des apprenant.e.s en milieu municipal.

Conclusion

Les enjeux environnementaux auxquels les municipalités sont confrontées, les responsabilités accrues qui leur incombent et l’offre grandissante de formation relative à l’environnement mise à la disposition des élu.e.s ont motivé ce projet de recherche-développement qui présente une perspective inédite. L’intention est ici notamment de stimuler la volonté politique de former les élus, d’éveiller et de répondre à leur désir d’apprendre et de développer des compétences pour traiter de questions socioécologiques fort complexes.

Les observations issue de cette recherche permettent de nous éclairer sur les contextes et les stratégies privilégiées par les élu.e.s municipaux du Québec quant à leur formation continue en matière d’environnement. Tenant compte du fait qu’il s’agit d’apprenant.e.s adultes aux besoins particuliers, il semble qu’une telle formation devrait considérer l’autoformation comme un processus central et favoriser la mise en place de communautés d’apprentissage comme stratégie-cadre. En contexte de formations ponctuelles structurées, il s’agit de privilégier un apprentissage actif et adapté aux particularités du milieu politique municipal.

Enfin, il serait souhaitable de valider et de documenter davantage les contextes et les stratégies proposées. Les quelques pistes que nous avons esquissées pourraient suggérer une telle démarche auprès de chercheurs et de praticiens désireux de contribuer au développement d’activités de formation continue en matière d’environnement adaptées aux décideurs et décideuses publics, et plus particulièrement aux élu.e.s municipaux au Québec.

Il nous apparaît en effet important d’encourager la conception et l’expérimentation de nouvelles pratiques de formation continue en matière d’environnement et de stimuler ainsi la volonté d’engagement politique des élu.e.s à l’égard de l’environnement.

Bibliographie

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Notes

1 La formation relative à l’environnement, considérée comme un sous-ensemble du champ de l’éducation relative à l’environnement, concerne la préparation à une action professionnelle ou technique (Sauvé, 1997, p. 54-55). Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit d’une formation spécifiquement destinée aux élu.e.s, dont les décisions et les actions sont susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement.

2 L’analyse présentée dans cet article fait partie d’un plus vaste projet de recherche doctorale de Marc-André Guertin, en cours (Institut des sciences de l’environnement, UQAM) et visant le développement de propositions théoriques et pratiques concernant la formation relative à l’environnement des élus municipaux. Geneviève Rajotte-Sauriol est une collaboratrice de longue date de M. Guertin et a contribué à la rédaction et à la révision de cet article, mettant à profit le regard critique qu’elle porte sur les pratiques d’éducation et de communication relatives à l’environnement au Québec.

3 Il nous semble pertinent de mentionner que le projet de recherche a été mené avec une posture résolument engagée, sans prétention de neutralité, mais profondément soucieuse de rigueur. De plus, Marc-André Guertin a été élu à la mairie de la Ville de Mont-Saint-Hilaire en 2021. Il n’était ni élu ni impliqué en politique au moment de réaliser cette recherche.

4 Les différentes approches sont ici caractérisées en fonction de l’importance relative de chacune des composantes s’une situation de formation, soit le sujet (qui est formé), l’agent (qui forme), l’objet de la formation et le milieu ou contexte où a lieu la formation. Comme le suggère Renald Legendre (2005), une stratégie de formation propose un plan d’organisation de la situation pédagogique en vue de favoriser une intégration harmonieuse des composantes de celle-ci. On parle ici de didactique (relation agent-objet), d’enseignement (relation sujet-agent) et d’apprentissage (relation sujet-objet).

5 Rappelons toutefois qu’une formation de quelques heures est offerte en vertu de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale pour traiter des fonctions d’élu.e et des balises associées à la fonction.

6 Selon Sauvé (2017), « L’écocitoyenneté correspond à la sphère politique de notre rapport à l’environnement. Elle interpelle cette dimension désormais incontournable de l’éducation contemporaine, qui concerne notre engagement personnel et collectif au cœur des questions socio-écologiques. »

7 C’est le cas de l’ouvrage intitulé 11 brefs essais pour des villes résilientes et durables, réflexions de la relève municipale, écrit par Maïté Blanchette Vézina, Maryline Charbonneau, Loïc Blancquaert, Émile Grenon-Gilbert, Julie Bourdon, Philippe Pagé, Marie-Frédérique Ouellet, Myriam Nadeau, Stéphane Boyer et publié aux éditions Somme toute en 2021.

Auteurs

Marc-André Guertin

Marc-André Guertin est doctorant en sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il détient une formation de 2e cycle en éducation relative à l’environnement de l’UQAM et de 3e cycle en pédagogie de l’enseignement supérieur de l’Université de Sherbrooke (UdeS). Il enseigne au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable de l’UdeS. De plus, il possède une expérience appréciable en conseil stratégique en environnement à l’échelle municipale. Il a été élu maire de la Ville de Mont-Saint-Hilaire en novembre 2021. [Courriel : Marc-Andre.Guertin @ USherbrooke.ca

Geneviève Rajotte Sauriol

Geneviève Rajotte Sauriol détient un baccalauréat en communication de l’UQAM, une maîtrise en environnement de l’Université de Sherbrooke et a complété un diplôme de 2e cycle en éducation relative à l’environnement de l’UQAM. Elle est engagée dans diverses causes environnementales en plus d’œuvrer comme professionnelle en communication éthique et responsable dans la région de la Mauricie au Québec. [Courriel : genevieve @ bleu-foret.ca].

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Notes

[1La formation relative à l’environnement, considérée comme un sous-ensemble du champ de l’éducation relative à l’environnement, concerne la préparation à une action professionnelle ou technique (Sauvé, 1997, p. 54-55). Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit d’une formation spécifiquement destinée aux élu.e.s, dont les décisions et les actions sont susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement.

[2L’analyse présentée dans cet article fait partie d’un plus vaste projet de recherche doctorale de Marc-André Guertin, en cours (Institut des sciences de l’environnement, UQAM) et visant le développement de propositions théoriques et pratiques concernant la formation relative à l’environnement des élus municipaux. Geneviève Rajotte-Sauriol est une collaboratrice de longue date de M. Guertin et a contribué à la rédaction et à la révision de cet article, mettant à profit le regard critique qu’elle porte sur les pratiques d’éducation et de communication relatives à l’environnement au Québec.

[3La formation relative à l’environnement, considérée comme un sous-ensemble du champ de l’éducation relative à l’environnement, concerne la préparation à une action professionnelle ou technique (Sauvé, 1997, p. 54-55). Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit d’une formation spécifiquement destinée aux élu.e.s, dont les décisions et les actions sont susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement.

[4Les différentes approches sont ici caractérisées en fonction de l’importance relative de chacune des composantes s’une situation de formation, soit le sujet (qui est formé), l’agent (qui forme), l’objet de la formation et le milieu ou contexte où a lieu la formation. Comme le suggère Renald Legendre (2005), une stratégie de formation propose un plan d’organisation de la situation pédagogique en vue de favoriser une intégration harmonieuse des composantes de celle-ci. On parle ici de didactique (relation agent-objet), d’enseignement (relation sujet-agent) et d’apprentissage (relation sujet-objet).

[5Rappelons toutefois qu’une formation de quelques heures est offerte en vertu de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale pour traiter des fonctions d’élu.e et des balises associées à la fonction.

[6Selon Sauvé (2017), « L’écocitoyenneté correspond à la sphère politique de notre rapport à l’environnement. Elle interpelle cette dimension désormais incontournable de l’éducation contemporaine, qui concerne notre engagement personnel et collectif au cœur des questions socio-écologiques. »

[7C’est le cas de l’ouvrage intitulé 11 brefs essais pour des villes résilientes et durables, réflexions de la relève municipale, écrit par Maïté Blanchette Vézina, Maryline Charbonneau, Loïc Blancquaert, Émile Grenon-Gilbert, Julie Bourdon, Philippe Pagé, Marie-Frédérique Ouellet, Myriam Nadeau, Stéphane Boyer et publié aux éditions Somme toute en 2021.

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