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Mutualisation des pratiques pédagogiques en milieu universitaire. La formation des doctorants et des enseignants-chercheurs

26 janvier 2017 par Michel Briand Retours d’expériences 1277 visites 0 commentaire

Un article de Catherine Bertignac, responsable de l’acceuil des publics à l’Université de Bretagne Occidentale, [1], publié dans le cadre de l’ouvrage "Mutualiser les pratiques documentaires, Bibliothèques en réseau" aux Presses de l’ENSSIB [2] ; et avec l’accord de Catherine Jackson, Directrice de la collection la Boîte à outils

La formation des doctorants et des enseignants-chercheurs à la maîtrise de l’information scientifique et technique (IST) fait partie des missions essentielles des bibliothèques universitaires [3]. À l’université de Bretagne occidentale (UBO), elle s’organise sous forme d’ateliers, de rendez-vous individuels ou de réunions d’information au sein des unités de recherche. À ces publics très mobiles, peu disponibles, il est nécessaire d’offrir un large éventail de possibilités de formation. Ainsi, la bibliothèque s’est tournée localement vers le service d’ingénierie, d’appui et de médiatisation pour l’enseignement (SIAME) pour intégrer des sessions dans le programme du service de formation continue des enseignants. Elle a saisi également l’opportunité de la création du Pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) « Université européenne de Bretagne » (UEB) pour porter un projet collaboratif des professionnels de l’IST pour la formation des doctorants, connu sous le nom de Form@doct. La mutualisation est coopérative dans le premier cas, avec un fractionnement et une distribution des tâches entre les deux partenaires universitaires ; elle est collaborative dans le second cas, avec une place très importante réservée au travail en commun lors des regroupements des membres du réseau [4] La description de ces deux projets conduit à s’interroger sur les ressorts de ces dispositifs, sur leurs effets pour les publics et pour les professionnels, et sur la nécessité ou non de formaliser le partenariat pour qu’il soit efficace.

Schéma 1. Dispositifs de formation des enseignants-chercheurs et des doctorants

SCD-SIAME : un partenariat logique entre services d’une même université

Le rapprochement entre SCD et Service universitaire de pédagogie (SUP) est « logique » selon Michel Beney, directeur du SIAME et président du réseau national SUP : « Les deux services travaillent pour former les étudiants dans leur « métier d’étudiant », selon l’expression d’Alain Coulon, et cette formation passe aussi par celle des enseignants-chercheurs. Il y a donc des convergences en matière d’ingénierie, de contenus, etc. » [5].

Organiser les sessions de formation en coopération

La bibliothèque propose des stages de formation pour les doctorants et pour les enseignants via le SIAME depuis 2004. L’initiative est venue d’Ottilia Henriet, alors responsable de la formation au SCD. La mutualisation fonctionne via une répartition assez claire des rôles de chaque service, sans que cela ait été formalisé : cinq formateurs du SCD définissent l’offre de modules, les contenus, les modalités pédagogiques et le calendrier, et dispensent les formations. Ils améliorent leurs compétences en participant en parallèle à des stages du SIAME. Le SIAME prend en charge l’organisation logistique et administrative (communication, inscriptions, liaison avec les participants), l’évaluation et l’élaboration des statistiques. L’évaluation des formations et des besoins pourrait prochainement faire l’objet d’une seule étape, menée conjointement afin de favoriser les échanges. Ce schéma d’organisation est transférable en l’état dans chaque université.

Schéma 2. La coopération entre le SCD UBO et le SIAME

En 2015-2016, le programme des formations doctorales compte onze modules (32 heures) sur les ressources, méthodes et outils utiles à la réalisation de la thèse. Celui des enseignants comprend cinq formations (10 heures) : utilisation avancée du portail UBODOC, édition de bibliographies avec Zotero, veille, droit de l’information et propriété intellectuelle, Open Access. Ce « guichet unique » simplifie l’organisation des stages et augmente leur visibilité, leur portée, et leur reconnaissance. Le SIAME élargit ses catalogues de formation grâce à l’appui des collègues bibliothécaires et dispose de formateurs de proximité ancrés dans la culture universitaire. Les participants identifient facilement l’offre, les lieux et les personnes, et peuvent bénéficier d’aide localement une fois la formation passée. Si les sessions de formation des doctorants sont bien fréquentées (une centaine de participants par an), peu d’enseignants-chercheurs assistent à celles qui leur sont réservées (une vingtaine). Le SCD et le SIAME font le même constat : il n’est pas simple d’identifier les besoins d’accompagnement des enseignants. C’est pour mieux les connaître que, sous l’impulsion de Catherine Archieri, vice-présidente en charge de la pédagogie universitaire, le SIAME a lancé les « Assises de la pédagogie » en 2014. La bibliothèque a dès le départ participé à cet événement.

Des Assises de la pédagogie pour partager et avancer ensemble

Les Assises s’adressent à tous les membres de la communauté universitaire (enseignants, étudiants, personnels des services d’appui) désireux de « s’arrêter pour réfléchir collectivement aux pratiques pédagogiques » [6] lors d’une ou deux journées annuelles « banalisées ». Des modalités variées ont été testées depuis trois ans : conférences, déambulations et discussions autour de retours d’expériences, réunions par départements, ateliers d’échanges sur des pratiques ou des outils, etc.

Les Assises constituent un moment privilégié pour sortir de sa bibliothèque et de ses réflexes, et partir à la rencontre de ses publics. Les enseignants sont « disponibles », prêts à partager leurs difficultés et leurs questionnements, souvent communs aux nôtres : comment motiver et accroître la participation de nos publics ? Comment gérer des groupes hétérogènes ? Comment évaluer les prérequis et les acquis ? Etc. Chacune des éditions a conduit à la mise en place de nouveaux partenariats, de nouvelles expérimentations, avec les enseignants. Si des Assises sont organisées dans l’université, les bibliothèques ont donc vraiment intérêt à s’y associer.

En 2016, l’Acte III s’intitulait « Enseigner et étudier avec le numérique ». Outre des visites « virtuelles » du portail documentaire, les formateurs du SCD ont animé un atelier participatif, « Invitez les ressources documentaires dans vos pratiques pédagogiques », destiné à imaginer avec des enseignants des dispositifs pédagogiques encourageant les étudiants à travailler de manière autonome à l’aide des ressources en ligne. Cet atelier pourrait être pérennisé, intégrer le catalogue du SIAME dans la rubrique « atelier d’échange de pratiques » et amorcer ainsi une diversification de l’offre du SCD. Une autre version, « les méthodes efficaces pour gérer la bibliographie de sa thèse », pourrait être proposée aux doctorants via le SIAME, ou Form@doct, le second projet mutualisé.

Une communauté de pratiques au service des doctorants

Depuis 2010, le réseau Form@doct diffuse en ligne une cinquantaine de guides d’autoformation en français et en anglais destinés à aider les doctorants < http://guides-formadoct.ueb.eu/ >.

Le contenu didactique s’articule autour de quatre grandes thématiques correspondant aux étapes du travail du doctorant : rechercher, exploiter, produire-publier, connaître l’IST. Form@doct constitue un dispositif pédagogique hybride qui articule une plate-forme d’autoformation en ligne et des accompagnements en présentiel.

Deux niveaux d’organisation : un groupe projet et un groupe de rédacteurs

Form@doct est né en 2006, d’une initiative des SCD des universités de Bretagne (Rennes 1, Rennes 2, Brest et Vannes-Lorient), en collaboration avec l’Unité régionale de formation à l’information scientifique et technique (URFIST) de Bretagne Pays de la Loire puis avec la bibliothèque de l’INSA de Rennes. Inscrit dans le contrat quadriennal 2008-2011 comme un projet commun au sein du PRES UEB, il s’est très vite adjoint la contribution de la bibliothèque de l’École nationale d’ingénieurs de Brest (ENIB), de la bibliothèque La Pérouse et de la bibliothèque de Télécom Bretagne. Le périmètre d’activité de Form@doct s’est encore élargi fin 2014 pour intégrer des personnels de l’université Nantes Angers Le Mans (UNAM), de l’École centrale et de l’École des mines de Nantes.

L’annuaire Form@doct recense une quarantaine de personnes, mais ce réseau s’est beaucoup renouvelé au fil des ans. Parmi la vingtaine de personnes très actives, cinq seulement ont participé au démarrage du projet. D’horizons différents, fortement qualifiées [7], ces bibliothécaires, formateurs et professionnels de l’information ont intégré le réseau Form@doct car ils partageaient un intérêt et un objectif communs : former au mieux les doctorants. Le groupe de travail des rédacteurs se réunit en « séminaire » sur deux jours, deux fois par an. Un temps collectif est réservé au partage d’informations et d’expériences, à la réflexion sur la structuration et l’évolution du dispositif.

La conception et la réalisation des guides se mènent en binômes, constitués moins en fonction de l’établissement d’appartenance que des champs de compétences et des centres d’intérêt. Si les contenus des premiers guides concernaient au plus près les professionnels de la documentation, les sujets s’éloignent peu à peu du cœur traditionnel de métier (Open Science, données de la recherche, bibliométrie, identité numérique du chercheur, etc.).

Un groupe projet de cinq personnes [8] se réunit trois fois par an pour définir les orientations, conduire et suivre la mise en œuvre de Form@doct, préparer les sessions de travail des rédacteurs. Les personnes gèrent aussi la communication sur le projet [9]. Elles assurent avec efficacité et dans une ambiance conviviale l’animation des séminaires, aident l’équipe à organiser le travail et à enrichir constamment une « boîte à outils » partagée (modèles de guides, procédures, lexique). Elles impliquent les rédacteurs dans les orientations du dispositif et encouragent les initiatives. Une enquête menée en mars 2016 [10] montre que les membres du réseau sont satisfaits de la périodicité et du déroulement des séminaires. Seul regret, le manque de temps pour travailler sur le projet en dehors des périodes de regroupement [11].

Une articulation entre un service en ligne et des actions en présentiel

Le projet initial comportait trois niveaux de formation des doctorants : un niveau d’autoformation libre, un niveau d’autoformation avec accès réservé à des services et ressources spécifiques, un niveau de formation sur inscription avec accompagnement de type tutorat. Faute de disponibilité des formateurs, seuls les deux premiers niveaux ont été mis en place via l’offre de guides en ligne. Cette réduction de l’envergure du projet a été compensée par la mise en place de plusieurs services personnalisés.

Des Cafés Form@doct sont organisés dans les universités pour faire connaître le portail, recueillir les besoins d’information et apporter des réponses en direct aux doctorants. Ces temps d’échanges, faciles à organiser, permettent de tester la pertinence des contenus des guides et de détecter de nouveaux sujets à traiter. Ces éléments seront partagés avec les collègues lors du séminaire suivant. La plupart des formateurs utilisent les guides pour préparer et enrichir les contenus des formations en présentiel, et se servent librement de la plate-forme en ligne durant les séances. Les guides ont été enrichis d’un service d’accès direct aux ressources documentaires des universités partenaires, d’un système de Foire aux questions (FAQ) pour répondre à des besoins d’information ponctuels et par des pastilles radio diffusées auparavant sur la Wikiradio de l’UEB. Le réseau communique aussi via des comptes Twitter et Facebook. Des Matinées d’études sont programmées annuellement à Rennes par l’URFIST et des membres du réseau Form@doct depuis 2011. Centrées sur unthème d’actualité, elles favorisent la diffusion des connaissances, le partage d’expériences et les échanges avec les participants (enseignants-chercheurs, doctorants et professionnels de l’IST).

S’enrichir mutuellement en travaillant ensemble

L’élaboration des guides est un moment privilégié pour se former à de nouveaux outils et pour discuter avec les collègues. Les conversations dérivent très souvent sur les expériences et les pratiques pédagogiques de chacun. Rédiger ensemble oblige à trouver une entente sur le contenu et la présentation de l’information. Les avis diffèrent parfois, mais la pression du temps imparti incite à trouver des compromis et à être productif. En cas de divergences, le contenu est laissé en l’état, enrichi et amendé ultérieurement, et retravaillé à l’occasion du séminaire suivant.

Interrogés sur les compétences qu’ils sont amenés à mobiliser dans le cadre de Form@doct, les participants mentionnent une palette très large : des savoirs (rédaction web, paramétrage d’un Content Management System [CMS, en français Système de gestion de contenu] comme Libguides, utilisation d’outils spécifiques [Camtasia], ingénierie pédagogique, connaissances en IST), des savoir-faire (rechercher et synthétiser l’information, vulgariser, veiller, travailler en réseau, animer un groupe, communiquer sur un projet, correspondre en anglais, travailler avec toutes les disciplines), des savoir-être (capacité à travailler en groupe et à collaborer, sens de l’écoute, aptitude à la communication, ouverture d’esprit, curiosité, capacité d’adaptation, enthousiasme, humilité, sens de la convivialité, intérêt pour les outils et les évolutions du métier, pragmatisme, aptitude à la conduite de projet, attention aux pratiques de la jeune génération).

La participation au réseau amène à changer ses pratiques professionnelles, en particulier à tester d’autres méthodes pédagogiques en s’appuyant sur les idées et les connaissances glanées au fil des réunions, à aller plus facilement vers les publics doctorants et enseignants-chercheurs. Le projet conduit à s’intéresser à de nouveaux sujets et à faire davantage de veille professionnelle. De plus, il donne à certains l’envie de travailler davantage sur le mode collaboratif.

Un pilotage souple mais fragile

Le projet Form@doct repose depuis l’origine sur la bonne volonté des établissements et des formateurs participants. Il a aussi reçu le soutien du Collège doctoral international de l’UEB, qui participe à sa diffusion. Cependant, même si le projet est bien reconnu, le portage politique et budgétaire n’a pas été pérennisé à l’échelle de l’UEB. Aussi limité soit-il, le financement [12] repose aujourd’hui uniquement sur quelques parties. De plus, si le groupe projet a pu conduire les opérations avec succès malgré l’absence de réunions du comité de pilotage depuis fin 2014, en bénéficiant de beaucoup de latitude et d’autonomie, la diversification des activités et l’élargissement du réseau accentuent le travail de cette instance.

Dans le cas d’un projet d’envergure comme celui de Form@doct, impliquant une diversité de partenaires, un minimum de formalisme semble donc nécessaire afin de garantir l’équilibre entre les parties, la pérennité et le développement du dispositif. La création de la Communauté d’universités et établissements Université Bretagne Loire (ComUE UBL) en janvier 2016 et les 10 ans du dispositif constituent une opportunité pour repréciser le portage politique, budgétaire et opérationnel du projet et prévoir peut-être un conventionnement entre les parties.

À l’heure où les partenariats sont fortement encouragés, la coopération avec un autre service d’un même établissement ou la collaboration régionale autour d’un projet commun constituent deux types de mutualisation facilement reproductibles. Ils s’appuient d’abord sur des relations interpersonnelles et un minimum d’organisation et d’animation du dispositif. Une formalisation peut s’avérer utile ultérieurement, lorsque le projet a été expérimenté et a atteint un degré de maturité suffisant. La formation des usagers, notamment celle des enseignants-chercheurs et des doctorants, se prête bien à un mode de travail sous forme mutualisée ; qu’elle soit menée en coopération ou en collaboration, la mutualisation apporte une amélioration de la qualité des prestations existantes et favorise la création de nouveaux services. Elle constitue aussi une source d’enrichissement considérable pour les professionnels, d’autant plus profitable qu’ils disposent d’une réelle autonomie pour réinvestir par ailleurs les nouvelles compétences et les idées apportées par ces expériences de travail partagé. Enfin, la mutualisation peut venir consolider une culture commune au sein d’un même établissement, ou susciter un sentiment d’appartenance dans une entité en construction comme une ComUE.

Licence : CC by-sa

Notes

[1L’auteur remercie Nicolas Tocquer, Hervé Le Men et Perrine Helly pour leur relecture et leurs conseils.

[2Mutualiser les pratiques documentaires : bibliothèques en réseau / sous la dir. de Jérôme Pouchol. – Villeurbanne : Presses de l’enssib, cop. 2016. (La Boîte à outils ; 38 ; ISSN 2492-7589) ISBN 979-10-91281-81-2 : 13,20 €

[3« Former les utilisateurs à un emploi aussi large que possible des techniques nouvelles d’accès à l’information scientifique et technique », Décret n° 2011-996 du 23 août 2011.

[4Selon l’analyse de la coopération et de la collaboration décrite dans l’ouvrage : Henri France, Karin Lundgren-Cayrol, Apprentissage collaboratif à distance : pour comprendre et concevoir les environnements d’apprentissage virtuels, Sainte-Foy (Québec), Presses de l’université du Québec, 2001.

[5La Mission de la pédagogie et du numérique pour l’enseignement supérieur (MIPNES) a d’ailleurs lancé une enquête nationale sur l’articulation entre pédagogie et documentation à l’université, dont la réalisation a été confiée au Laboratoire interuniversitaire des sciences de l’éducation et de la communication (LISEC). Des entretiens ont été menés auprès de personnels du SIAME et du SCD de l’UBO fin 2015.

[6Extrait du discours d’introduction des Assises Acte II par le président de l’université, Pascal Olivard en 2015.

[7Sur 21 personnes : 18 cadres A, 2 B et 1 C ; formateurs ou responsables de la formation.

[8Le directeur du SCD UBO, les responsables de la formation des SCD de Brest et Nantes, un des co-responsables de l’URFIST, le directeur de la bibliothèque de l’INSA de Rennes.

[9Participation aux Journées régionales des doctorants, Journées Formist (2008), Journées d’étude Réseau des URFIST/FORMIST (2010), Congrès IFLA (2012, 2014), Congrès AEF RUE2016.

[10Un questionnaire en ligne a recueilli l’avis de 21 membres

[11Le temps moyen consacré au projet hors séminaires est de 3 jours.

[12Frais d’abonnement aux sites (2 600 €) et de logistique pour les séminaires.

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