Innovation Pédagogique et transition
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En République Démocratique du Congo, la pédagogie active permet de se réconcilier

Un article repris de http://theconversation.com/en-repub...

« Ils apprennent comme s’ils étaient dans leur vie courante. Alors ils parlent, ils parlent, ils parlent.. », décrit Justin Kakule Muhindo, professeur d’anglais à l’Institut Majengo de Goma en République Démocratique du Congo. Durant son cours, les élèves pratiquent l’anglais en groupes et par deux. Ils s’essayent à l’utilisation des termes interrogatifs, les « wh-questions » en anglais. L’enseignant passe dans les rangs. L’ambiance est certes un peu bruyante, mais reflète surtout une atmosphère studieuse.

Les leçons de ce genre sont rares au Congo. Dans beaucoup de salles de classe en Afrique la pédagogie est dominée par la transmission des connaissances d’une manière magistrale. L’enseignant est censé être celui qui sait et l’élève celui qui ne sait pas. L’enseignement se réduit à des communiqués que l’enseignant fait et que l’élève écoute, intègre et apprend par cœur pour passer l’examen. Or, ce système ne produit ni de bons résultats, ni des enfants capables de se prendre en charge avec ce qu’ils ont appris à l’école. De plus, ce mode d’enseignement engrange un système où chacun travail uniquement pour soi et entre en concurrence avec les autres, ce qui, par la suite pousse à développer chez chacun une approche individualiste de la société.

Dans les provinces du Nord et du Sud Kivu de la République Démocratique du Congo (RDC), des régions hantées par des conflits armés depuis des dizaines d’années, la coordination des « écoles conventionnées » de la Communauté Baptiste au Centre de l’Afrique (CBCA) a décidé de former ses enseignant(e)s différemment.

En RDC, presque 80 % des élèves vont dans les écoles conventionnées qui sont techniquement des écoles publiques mais gérées par l’une ou l’autre des quatre églises ayant signé la convention scolaire : l’Église catholique, l’Église du Christ au Congo (comprenant la plupart des églises protestantes), l’église Kimbanguiste et la communauté islamique.

Une pédagogie de réconciliation

Depuis 2001 la CBCA, appuyée par l’organisme de la coopération de l’Église protestante en Allemagne Pain pour le Monde, organise des formations continues en pédagogie active et participative qui mettent l’apprenant au centre.

Selon le coordinateur des écoles de la CBCA, Jean Kasereka Lutswamba, cette pédagogie qui favorise l’échange et la communication « est la voie obligée pour le changement vers la démocratie, vers la tolérance, vers la résolution des conflits ». Il ajoute : « Nous avons besoin de cette pédagogie qui nous réconcilie ».

Comment cette pédagogie peut-elle s’immiscer dans les classes, conditionnées au cours magistral ? Et comment peut-elle avoir un impact sur la construction de soi et sur les relations sociales en dehors de l’école ?

Le film documentaire Enseigner autrement en Afrique : la formation à la pédagogie active et participative en République Démocratique du Congo de Sarah Fichtner et Paraté Yaméogo tente de répondre à ces questions en suivant une formation déroulée à Goma du 24 octobre au 12 novembre 2016.

Sarah Fichtner et Paraté Yaméogo, 2016.

Le film montre les pratiques clefs de la formation et donne la parole à celles et ceux qui forment (expert(e)s/formateurs/trices) ainsi qu’à celles et ceux qui sont formés (enseignant(e)s et élèves) afin de provoquer un débat sur la mise en œuvre des pédagogies innovantes en Afrique et son potentiel pour une action publique plus large.

Apprendre à échanger

Le contenu de la formation de la CBCA est comme un puzzle avec des thèmes différents en communication, en méthodologie, en psychologie, en psychopédagogie.

Les participants sont invités à comprendre que l’apprentissage est beaucoup plus intéressant lorsque l’apprenant participe activement à la leçon et qu’il a la possibilité de faire part de ses propres réflexions lorsqu’ils participent aux travaux de groupe et aux jeux de rôles.

L’apport théorique est donc lié à l’expérience pratique, comblant l’écart entre théorie et pratique qui hante de nombreux programmes de formation) en Afrique subsaharienne. Les participants éprouvent le sentiment d’être confrontés à plusieurs types d’enseignement (expositif/magistral, interrogatif, actif et participatif). Ils sont confrontés ainsi à de nombreux jeux de rôles dans lesquels les participants prennent le rôle de leurs élèves afin de saisir leur point de vue. À la suite les participants sont invités à parler de leurs émotions, libérant leur colère, leur frustration et leur résignation en créant un espace de discussion pour quelque chose de nouveau.

Ils apprennent à appliquer des procédures différentes de travail en groupe, qu’ils préparent également en équipes. L’apprentissage de ces procédures repose sur la conviction que les élèves apprennent mieux lorsqu’ils interagissent avec leurs pairs et apprennent les uns des autres. Interviewés dans le film après leur cours d’anglais, ils confirment :

« La méthode que le professeur était en train d’utiliser, […] ça permet aux autres de parler ; les gens qui sont timides, les gens qui ne savent pas s’exprimer, qu’ils parlent aussi, qu’ils montrent leur opinion pour que nous puissions nous entendre ! Nous entendons chacun parler, ce qu’il exprime c’est ce qu’il est. »

Les enseignants formés ont ainsi la tâche de faire parler tous leurs élèves, d’encourager la discussion et l’expression des opinions différentes, ce qui est fondamental pour une société démocratique, égalitaire et pluraliste.

The Conversation

Sarah Fichtner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.

Licence : Pas de licence spécifique (droits par défaut)

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