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Méthodes mixtes et recherche en technologies éducatives : une illustration de la stratégie explicative séquentielle

6 janvier 2017 par Matthieu Cisel Veille 596 visites 0 commentaire

Un article repris de https://numpedago.hypotheses.org/68

Ce billet fait partie d’une série d’articles sur les méthodes mixtes en éducation. La lecture des articles précédents est nécessaire pour comprendre le billet du jour, consacré à l’approche séquentielle explicative. L’approche séquentielle explicative (sequential explanatory) est particulièrement populaire chez les tenants de l’approche quantitative. Dans cette configuration, la première phase de la recherche est caractérisée par la collecte et l’analyse de données quantitatives, qui informe la collecte de données qualitative, qui est alors secondaire.

Les deux formes de données sont séparées mais connectées. Le qualitatif a souvent pour rôle de permettre de faciliter l’interprétation de données quantitatives, en particulier lorsque des résultats surprenants découlent d’une telle étude (Morse, 1991). Nous nous proposons pour illustrer cette configuration de nous baser sur la question de l’assiduité des non-certifiés dans le cadre de MOOC organisés sur la plate-forme américaine Coursera. Le cas que nous allons utiliser se base sur les traces d’interaction, c’est-à-dire les traces récoltées par la plate-forme hébergeant le cours. Nous n’entrerons pas dans le détail de chaque cas de figure, et renverrons le lecteur qui souhaiterait approfondir la question et mieux comprendre les cas utilisés au manuscrit de thèse correspondant (Cisel, 2016).

Les non-certifiés désignent dans un MOOC les inscrits qui n’obtiennent pas le certificat. Nous cherchons à identifier la diversité des non-certifiés, pour comprendre notamment pourquoi certains d’entre eux s’investissent de manière conséquente dans le cours sans pourtant en obtenir le certificat. Cette réflexion nous a poussé à nous pencher sur la notion d’assiduité. Celle-ci reflète, pour un type d’action donné (visionnage de vidéo, réalisation d’un quiz, etc.), la proportion des ressources pédagogiques sur lesquels l’action est réalisée. Nous nous sommes focalisés sur le visionnage de vidéos, et avons considéré qu’il y avait assiduité si le non-certifié visionnait plus de 90% des vidéos pédagogiques présentes dans le dispositif ; nous parlons de non-certifié visionneurs assidus pour désigner ces participants. Nous nous sommes intéressés dans une première phase de l’étude à la quantification des visionneurs assidus, et au ratio entre certifiés et visionneurs assidus. On constate que pour les six MOOC analysés (BP1, ALGO1, ALGO2, FA1, FA2, AV1), le nombre de non-certifié visionneurs assidus est systématiquement inférieur au nombre de certifiés .

Nous avons cherché à interpréter ce résultat en réalisant dans une seconde phase de l’étude des entretiens nous permettant d’interpréter le comportement observable qui consiste à visionner l’ensemble des vidéos du cours sans participer aux activités nécessaires à l’obtention du certificat. Plusieurs cas de figure ressortent des entretiens. Le fait d’être non-certifié visionneur assidu peut être une conséquence d’un manque de temps, ou du fait que les activités évaluées sont trop exigeantes en termes d’investissement temporel. Le participant préfère alors se fixer des objectifs adaptés à ses contraintes temporelles. Ce cas de figure est illustré au cours d’un entretien par les propos de ce lycéen de dix-huit ans, qui ne fait que visionner les vidéos d’un MOOC du fait de la charge de travail trop importante associée aux devoirs.

Alternativement, ce peut être une arrivée trop tardive dans la formation, qui complexifie l’obtention du certificat. On ne saurait néanmoins expliquer le fait de devenir un non-certifié visionneur assidu simplement par le manque de temps ou par l’importante charge de travail. Certains participants savent de manière relativement précise ce qu’ils souhaitent retirer de la formation ; ils ont des objectifs d’apprentissage (je vous épargne les extraits d’entretiens). Du fait de cet extrait d’entretien, nous avons interprété l’existence de non-certifiés visionneurs assidus également comme pouvant découler du fait qu’une partie des visionneurs considèrent que les activités évaluées ne correspondent pas aux objectifs d’apprentissage qu’ils se sont fixés en s’inscrivant à la formation.

Dans cette étude, la phase de collecte de données qualitatives fait suite à la collecte et à l’analyse des données quantitatives. La réalisation de ces entretiens, et en particulier de ce dernier extrait, nous a permis de prendre en compte la notion de ruptures dans la séquence pédagogique. L’entretien dispose alors d’une valeur heuristique dans les analyses. Ce n’est qu’après coup que nous avons trouvé dans la littérature des éléments issus des travaux sur la formation à distance (Terenzini, 1987) correspondant peu ou prou aux catégories que nous avons identifiées. Nous sommes pour toutes ces raisons dans le cas de figure de la stratégie explicative séquentielle. Nous nous proposons à partir du prochain billet de nous intéresser au schéma inverse, où les entretiens nous permettent d’identifier des catégories que l’on cherchera à quantifier par la suite. Cette démarche va donc nous amener au cas de la stratégie exploratoire séquentielle, dont nous traiterons dans le prochain billet.

PS : La bibliographie associée à cet article est disponible dans ce billet.

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