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Wikipédia : un outil pour l’historien ?

27 décembre 2016 par Kévin Vanehuin Retours d’expériences 854 visites 0 commentaire

Un article repris de http://ahl.hypotheses.org/266

Wikipédia est souvent considérée comme une source bien peu fiable par les enseignants du secondaire et du supérieur. Des générations d’élèves et d’étudiants ont entendu des mises en garde à propos de l’intérêt de l’encyclopédie en ligne, voire des interdictions de l’utiliser. L’idée répandue, en particulier dans le milieu scolaire, que « n’importe qui peut écrire n’importe quoi sur Wikipédia », et ce sans aucune forme de contrôle, a contribué à délégitimer l’encyclopédie collaborative. Cette dernière est parfois présentée comme une sorte de « grand bazar » sans règle qui ferait de l’ombre aux professeurs. En 2015, Carole Helpiquet, responsable de la formation et du réseau Clemi (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information) expliquait ainsi à Rue89 que : « La défiance envers Wikipédia a été très importante dans l’Education nationale. Le site a longtemps été considéré comme une source concurrente dénigrée par certains professeurs ». Les avertissements du corps enseignant s’accompagnent peu souvent d’explication quant au fonctionnement interne de Wikipédia. L’encyclopédie en ligne est rarement envisagée comme un objet potentiellement utile pour les sciences humaines et sociales.

Très populaire, Wikipédia est pourtant utilisée quotidiennement par de nombreuses personnes1, y compris par ceux qui semblent décrier sa fiabilité et son intérêt intellectuel. Une étude menée en 2010 aux États-Unis par Alison J.Head et Michael B. Eisenberg indique notamment que « la majorité des étudiants utilisaient Wikipédia. […] Wikipedia permettait aux étudiants d’obtenir un résumé d’un sujet particulier, le sens des termes annexes en lien avec ce sujet, permettait de commencer les recherches et offrait une interface utile ». Une autre enquête, sur l’usage des technologies par les enseignants et publiée en 2013, signale que 87% des enseignants américains interrogés utilisent Wikipédia, tout en décourageant parfois leurs étudiants de faire de même. Il est aujourd’hui impossible de passer outre l’influence de l’encyclopédie en ligne. D’où le paradoxe d’un outil numérique très utilisé mais dont les rouages restent parfois mal connus du grand public.

Les relations entre l’encyclopédie collaborative et les métiers de la recherche en histoire ont déjà fait l’objet, dans un article de 2006, d’une analyse par l’historien américain Roy Rosenzweig2 . Il s’interroge à propos des changements de paradigme que suscite l’irruption du modèle de l’édition électronique libre dans le champ de la recherche. Depuis cette date, les pratiques et les mentalités ont évolué avec l’expansion de l’open access ainsi que la popularisation de Wikipédia. Lionel Barbe, Louise Merzeau et Valérie Schafer ont ainsi récemment dirigé la publication d’une étude interdisciplinaire et collective de l’encyclopédie en ligne. Cet ouvrage, intitulé Wikipédia, objet scientifique non identifié, traite tant de son fonctionnement interne que de sa réception au sein du public français. Dans le même temps, certains enseignants francophones se sont emparés de cet outil numérique, le considérant comme un objet d’expérimentation pédagogique digne d’être étudié et utilisé, y compris dans un cadre universitaire, tandis que des intellectuels continuent de le décrier.

Ce billet consiste en un éclaircissement et une synthèse quant aux liens possibles entre Wikipédia et les pratiques de l’historien. Avant de s’intéresser aux rôles que pourraient spécifiquement jouer l’encyclopédie libre dans le cadre du métier d’historien, il semble nécessaire de revenir sur sa genèse ainsi que sur les principes fondamentaux régissant l’écriture et la gestion de ses articles. En effet, contrairement aux idées reçues, Wikipédia, loin d’être un espace dénué de loi, est gouvernée par une série de normes strictes qui en font un site en perpétuelle amélioration. D’où ces interrogations : en quoi l’encyclopédie en ligne peut-elle être un outil intéressant pour l’historien ? Dans quelle mesure peut-elle répondre à certains de ses besoins ?

Des règles strictes et simples pour une encyclopédie perfectible

L’encyclopédie libre est officiellement créée le 15 janvier 2001 par les américains Jimmy Wales et Larry Sanger. Il s’agissait alors de soutenir un autre projet encyclopédique rédigé uniquement par des experts et contrôlé par un comité scientifique : Nupedia. Le faible dynamisme des contributeurs de ce projet entraina sa fermeture ainsi que le transfert de ses articles au sein de Wikipédia.

C’est la Wikimedia Foundation, organisation à but non lucratif basée aux Etats-Unis, qui s’occupe de l’hébergement et du financement des serveurs. Elle fonctionne essentiellement grâce aux dons de centaines de milliers de particuliers et sollicite régulièrement les utilisateurs de l’encyclopédie en ligne. L’association possède actuellement des chapitres locaux dans 41 pays du monde. Ces chapitres, créés pour soutenir les projets de la Fondation Wikimedia, ont leur propre mode de gouvernance. Aujourd’hui, Wikipédia contient plus de 41 millions d’entrées écrites dans près de 300 langues, dont l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le corse, le latin, l’anglais simplifié pour les débutants, l’espéranto… Le Wikipédia anglophone, premier en termes de quantité d’entrées proposées, avoisine les 5.500.000 articles. Les pages en suédois arrivent en deuxième position grâce à une très forte croissance depuis l’année 2012, formidable expansion largement due à l’automatisation de la production d’articles relatifs à toutes les espèces végétales et animales à l’aide de « bots ». Wikipédia en cebuano, langue parlée dans les Philippines, occupe la troisième place grâce à un processus similaire. L’utilisation de programmes informatiques « gonflent » ainsi le nombre d’articles proposés qui ne correspondent donc aucunement au nombre d’utilisateurs actifs : le Wikipédia anglophone en comprend 128.000, le suédois plus de 3100 et la version en cebuano seulement 118. Le Wikipédia francophone arrive en sixième position avec plus de 1.800.000 articles pour près de 16.000 utilisateurs actifs3.

Sur Wikipédia, il est possible de modifier un article à tout moment grâce à l’onglet « modifier », y compris sans y être officiellement inscrit : les amateurs éclairés côtoient les chercheurs de profession ainsi que des militants et des individus peu ou mal informés. Un novice, voire une personne malveillante, pourrait dégrader la qualité du contenu disponible. Les pages de l’encyclopédie en ligne sont relues et corrigées par potentiellement n’importe quel individu. En 2012, un enseignant en lettres classiques du secondaire a piégé ses élèves en vandalisant volontairement un article de Wikipédia. Sous prétexte de « mener une petite expérience pédagogique », ce professeur s’est improvisé « pourrisseur du web ». La majorité de ses étudiants a recopié les informations erronées sans les recouper. Pour cet enseignant, « la conclusion s’impose d’elle-même : les élèves au lycée n’ont pas la maturité nécessaire pour tirer un quelconque profit du numérique en lettres. Leur servitude à l’égard d’internet va même à l’encontre de l’autonomie de pensée et de la culture personnelle que l’école est supposée leur donner ». Son acte n’est pas dénué d’arrière-pensée idéologique et de prétentions moralisatrices :

« En voulant faire entrer le numérique à l’école, on oublie qu’il y est déjà entré depuis longtemps et que, sous sa forme sauvage, il creuse la tombe de l’école républicaine. […] Avec cette expérience pédagogique j’ai voulu démontrer aux élèves que les professeurs peuvent parfois maîtriser les nouvelles technologies aussi bien qu’eux, voire mieux qu’eux. […] Pour ma part je ne crois pas du tout à une moralisation possible du numérique à l’école. Et je défends ce paradoxe : on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui ».

Le lecteur critique répondra que ce professeur n’a fait que prouver l’existence du plagiat et de l’absence de scepticisme à l’égard des informations récoltées, phénomènes qui ne datent pas de l’apparition du numérique dans les écoles et les foyers. De plus, la possibilité du vandalisme est prise en compte, comme nous le verrons plus loin, par les administrateurs de Wikipédia. Comme l’a récemment montré Alexandre Moatti, la volonté de rejet systématique du numérique semble plus relever de la posture sociale que d’une véritable interrogation sur les possibilités, le potentiel ainsi que les limites de Wikipédia. En outre, la diffusion écrite de mensonges et d’absurdités ne date guère de l’apparition d’internet. On ne peut toutefois nier le problème essentiel de la validité scientifique des informations présentées au sein de l’encyclopédie en ligne, problème qui se trouve à l’origine d’une méfiance certaine à l’égard de Wikipédia. De plus, les remises en question et les avancées de la recherche modifient la pertinence des sources de référence. Un manque de connaissance de l’état de l’art peut conduire un contributeur de Wikipédia à citer des travaux scientifiques aujourd’hui considérés comme erronés. Dans le contexte scolaire et universitaire, l’encyclopédie en ligne n’a ni la reconnaissance ni la légitimité des travaux de recherche publiés dans le milieu scientifique.

Pourtant, à l’instar des travaux diffusés par les historiens de profession, Wikipédia obéit à une méthode rigoureuse. Encyclopédie collaborative en ligne et ouverte à tous les volontaires, elle vise explicitement à offrir un contenu « libre, objectif et vérifiable que chacun peut modifier et améliorer, sans nécessité de s’enregistrer. Tous les articles de Wikipédia sont un travail en progression qui peut être modifié et amélioré par tout le monde ». L’encyclopédie en ligne n’est pas une expérience numérique où règnent le chaos et l’absence de règle. Le fonctionnement de la politique de publication repose sur cinq « principes fondateurs » qui régissent la nature du site et en assurent la qualité :

  • Wikipédia se veut un projet « qui incorpore des éléments d’encyclopédie généraliste, d’encyclopédie spécialisée, d’almanach et d’atlas ». Du point de vue de l’historien, l’encyclopédie en ligne est une source secondaire, un ensemble de synthèses. Sont donc exclus les recherches originales, les expressions d’opinions, les pamphlets, les publicités, les sources primaires… Comme noté précédemment, un certain nombre d’intellectuels et d’écrivains français ont remis en question la légitimité de Wikipédia. Cette encyclopédie représente t’elle une menace pour l’autorité scientifique de l’expert ? Y a t-il concurrence entre les contributeurs de Wikipédia et les professionnels de la culture académique ? C’est un point important en ce qui concerne la diffusion des connaissances : Wikipédia n’a pas pour objectif de publier et diffuser des recherches inédites ; en ce sens, elle se veut bien une encyclopédie « a vocation universelle ».
  • Le souhait d’écrire des synthèses s’accompagne de la nécessité de tendre vers l’objectivité, quitte à devoir présenter plusieurs points de vues, tout en « tenant compte de leur importance respective dans le champ des savoirs ». Il y a donc une hiérarchisation ainsi qu’une contextualisation des connaissances au sein même de Wikipédia. Les articles doivent permettre « la vérification des informations en citant des sources faisant autorité sur le sujet (particulièrement dans le cas de sujets controversés) ». Ainsi, les hypothèses considérées comme marginales voire mensongères par le monde académique le seront également dans l’encyclopédie collaborative. Ainsi, Robert Faurisson est effectivement présenté comme un militant négationniste et non comme un simple « révisionniste », terme polémique et poly sémantique utilisé par Faurisson lui-même afin de légitimer son discours pseudo-scientifique. Dans la fiche Wikipédia de Robert Faurisson, le terme de « révisionniste » est quasi systématiquement mis entre guillemets et essentiellement utilisé dans des citations dont certaines précisent sa nature problématique.
  • L’encyclopédie en ligne est dite « libre » et « collaborative ». Elle est publiée sous licence libre, ce qui signifie que chacun est autorisé « à créer, copier, modifier et distribuer », y compris dans un but lucratif les contenus de Wikipédia avec pour seules obligations « de conserver la même licence pour les copies conformes et les copies modifiées, ainsi que de créditer les auteurs originaux. Personne n’a le contrôle d’un article en particulier ». Il n’est pas même nécessaire de s’inscrire pour contribuer : l’onglet « modifier », situé en tête de page, permet à tous de participer. Wikipédia n’a pas pour vocation de remplacer le processus d’évaluation, de publication et de diffusion traditionnelle des articles académiques. Le travail de recherche de l’historien, une fois évalué et validé par ses pairs, peut ainsi être cité comme une source de référence dans la notice d’un article de Wikipédia.
  • Wikipédia, projet collectif et collaboratif de grande envergure, insiste sur la nécessité de suivre des règles de savoir-vivre : « Recherchez le consensus. Ne vous livrez pas à des agressions contre des personnes, ni à des généralisations insultantes. […]. Évitez les guerres d’édition ». Ces dernières touchent particulièrement les sujets politiquement sensibles (biographie de personnalités politiques, guerres et mémoires, événements historiques importants…). Par exemple, la page anglophone sur le génocide arménien est partiellement protégée des modifications à la suite d’actes de vandalisme. Des administrateurs, bénévoles choisis par et parmi les contributeurs de Wikipédia, ont la possibilité d’intervenir en cas de litige ou de malveillance. Ils veillent ainsi au bon fonctionnement de l’encyclopédie collaborative et au respect des règles de base.
  • Enfin, la dernière règle consiste en une invitation à la création et à la contribution de tous : « Wikipédia n’a pas d’autres règles fixes que les cinq principes fondateurs énoncés ici ». C’est la règle dite de « l’interprétation créative des règles ». Le fonctionnement de l’encyclopédie est tel qu’un « ordre spontané » et fluide, organisé par les apports des milliers d’utilisateurs actifs, corrige les erreurs présentes. De plus, il y a conservation des différentes versions des articles par l’historique de Wikipédia, empêchant ainsi tout perte irrémédiable d’information. L’augmentation du nombre de pages et les corrections régulièrement apportées par des mises à jour en « temps réel » assurent à l’encyclopédie en ligne de tendre vers une qualité et une quantité d’articles toujours plus élevées. La fiabilité de son contenu a fait l’objet de certaines études scientifiques, notamment celle publiée en 2005 dans la revue Nature. Cette étude, qui concerne cinquante articles anglophones, indique que « le Wikipédia de Jimmy Wales s’approche de l’encyclopédie Britannica en ce qui concerne la véracité de ses articles de science… ». Une autre investigation, publiée en 2012 par l’Université d’Oxford et portant sur un choix plus large de sujets et de langues (Anglais, Espagnol, Arabe), obtient des résultats tout aussi flatteurs pour l’encyclopédie libre. Bien que des historiens américains aient autrefois déploré l’absence de certaines thématiques dans la version anglophone4 , l’encyclopédie libre, après un peu plus de quinze années d’existence, propose aujourd’hui une riche somme de sujets divers. Le profil sociologique des contributeurs du Wikipédia « originel » (la version anglaise) s’est diversifié : les articles de Science Humaines et Sociales, sur les Arts et les Humanités ne sont plus délaissés au profit des seules sciences dites « dures », du fantastique et de la science-fiction5 . L’encyclopédie en ligne disposant de versions différentes selon les langues et les pays, il est bien évidemment nécessaire de se rappeler que la quantité et la qualité des articles proposés diffèrent selon les versions. Dans tous les cas, le temps et la motivation de ses contributeurs jouent en faveur de Wikipédia.

Le but ultime de Wikipédia est donc la constitution libre d’un réseau mondial des savoirs, l’accès à la connaissance gratuite pour tous et partout : en 2005, Jimmy Donal Wales, son co-fondateur, indiquait que « Wikipédia est avant toute chose un effort pour créer et distribuer une encyclopédie libre de la meilleure qualité possible à chaque personne sur la planète dans sa propre langue ».

Remarquons que le modèle représenté par l’encyclopédie en ligne n’est pas sans rapport avec les convictions politiques libertariennes du co-fondateur de Wikipédia. En effet, Jimmy Wales se dit admirateur des idées promues par la philosophe américaine Ayn Rand. Cette dernière était une intellectuelle et écrivaine qui a fui l’URSS dans les années 1920. Les valeurs d’optimisme, de travail et d’individualisme défendus par le modèle étatsunien irriguent l’ensemble de ses écrits et de ses actes. À la fois épistémologie, métaphysique et philosophie morale, l’œuvre d’Ayn Rand, très populaire aux États-Unis, célèbre les initiatives individuelles, l’émulation et le modèle du « self made man »6. Les écrits de l’économiste Friedrich Hayek représentent une autre source d’inspiration majeure pour Jimmy Wales. Friedrich Hayek, penseur du libéralisme contemporain, défend notamment l’hypothèse de l’ « ordre spontané », soit une organisation sociale non-hiérarchisée qui serait le résultat d’actions individuelles ne nécessitant aucun centralisation pour fonctionner harmonieusement. En 2007, Jimmy Wales présentait ainsi le travail de Hayek comme source essentielle dans la réalisation de sa propre vision de l’encyclopédie collaborative : « Le travail de Hayek sur la théorie des prix est central dans ma manière de penser l’organisation du projet Wikipédia […] Nul ne peut comprendre mes idées sur Wikipédia sans comprendre Hayek ». Et le politologue Sébastien Carré de noter que « Wikipédia réaliserait ainsi à la fois l’utopie du savoir conçu par Diderot, et l’utopie hayekienne de coordination spontanée des informations locales, par la mise en relation des idées et des hommes en lieu et place de leur ordonnancement par la raison ou par l’Etat »7.

Pourquoi les historiens doivent s’emparer de Wikipédia

Rappelons très brièvement ce qui est considéré comme étant, de nos jours, le métier d’historien. L’historien a fait profession de construire, de comprendre et de déchiffrer les faits passés : il s’occupe de « la mise au point, sur une réalité abolie, d’un savoir documenté et référencé »8. On reconnait son autorité scientifique et intellectuelle grâce à sa formation, à l’utilisation de méthodes d’écriture de l’histoire fondées sur l’analyse critique, l’étude de sources ainsi qu’à une expertise dans des domaines spécifiques du champ de la connaissance. L’historien contextualise et confronte les sources (critique interne et critique externe). Il s’interroge sur les travaux de ses prédécesseurs et sur l’état de l’art. C’est un spécialiste qui a consacré une partie de son temps à un ou plusieurs domaines précis. Pour être reconnu professionnellement et intellectuellement, l’historien publie et diffuse ses travaux dans un cadre académique avec évaluation de ses écrits par des groupes de pairs formés à la méthode scientifique (jurys et comités de lecture). En travaillant dans le champ de la recherche, l’historien contribue à faire progresser la somme des savoirs humains, savoirs que l’on souhaite objectifs et fondés sur un processus intellectuellement honnête. L’historien a également une fonction de pédagogue, principalement dans le cadre de l’enseignement secondaire et supérieur. Le travail dans le milieu de la culture institutionnelle (musées, associations, collectivités territoriales…) ainsi que dans des entreprises privées (services des archives…) représentent potentiellement d’autres secteurs d’activités où l’historien est en contact avec un public9.

Quelle que soit notre opinion à propos de Wikipédia, il nous semble aujourd’hui impossible de nier l’influence phénoménale de cette encyclopédie d’un nouveau genre. Le monde de l’enseignement ne peut que faire le constat d’une utilisation massive de l’encyclopédie en ligne par les étudiants. Ceux-ci, dans le cadre de leurs travaux, utilisent notamment les sections de chaque article qui contiennent les sources : « notes et références », « références », « bibliographie », « liens externes »… Ces éléments peuvent constituer des indices de recherche pour l’apprenant.

Wikipédia peut aussi représenter un bon exemple d’outil pédagogique à l’attention des apprentis historiens. Les articles de l’encyclopédie en ligne peuvent être utilisés en tant qu’objets à analyser et à déconstruire afin de former les étudiants à la remise en question des sources trouvées sur internet. Les réponses de l’encyclopédie arrivant quasi-systématiquement en tête dans les moteurs de recherche, il est essentiel d’enseigner l’importance de croiser les résultats obtenus grâce à d’autres sources, numériques ou physiques. À ce titre, Wikipédia possède les mêmes limites qu’une encyclopédie classique : nul ne devrait se contenter de n’utiliser qu’une unique source d’information, quelle que soit la qualité de ladite source.

Former enseignants et étudiants au fonctionnement de Wikipédia serait potentiellement un bon entraînement à l’écriture de synthèses et à l’initiation à l’utilisation d’un outil numérique devenu incontournable sur internet. En France, l’exercice de la critique d’un article de l’encyclopédie en ligne, la remise en question des sources et des informations présentées ainsi que la participation à la création de pages Wikipédia sont notamment proposés par des enseignants du secondaire et du supérieur10. Les résultats de ces cours sont largement positifs, malgré des contraintes matérielles et horaires. Si la démarche d’accompagner l’étudiant dans un apprentissage de l’utilisation de Wikipédia peut sembler, au premier abord, déconcertante, elle présente le mérite de placer directement l’apprenant en situation d’acteur et non plus de spectateur relativement passif dans sa relation aux savoirs transmis. Il s’agit de responsabiliser l’étudiant en l’incitant à affûter son sens de la critique, de faire preuve de scepticisme et de multiplier les sources d’information afin de se comporter en observateur averti qui aura intelligemment recoupé les données trouvées lors de ses recherches. Cet exercice est la mise en application des méthodes de base du métier d’historien.

Wikipédia peut être également considérée comme un formidable outil de diffusion et de vulgarisation (voire d’éducation populaire). L’intérêt de l’encyclopédie en ligne réside dans la possibilité d’utiliser cet objet comme un médiateur permettant de transmettre gratuitement et facilement un nombre considérable de connaissances. Ce faisant, on diminue le danger que consisterait le délaissement, par les milieux formées aux études universitaires, de l’encyclopédie collaborative. De ce point de vue, se contenter de décrier Wikipédia et d’en interdire l’utilisation aux élèves relève d’une forme de paresse ou de pédantisme qui dessert la formation intellectuelle des jeunes générations. De plus, c’est potentiellement servir les intérêts des idéologues et autres militants, personnalités particulièrement motivées11 qui considèrent l’encyclopédie en ligne comme un champ de bataille politique12 et non un espace d’enrichissement intellectuel.

Dès lors, on peut aussi s’interroger sur la responsabilité individuelle et collective des historiens de profession. Comme l’expliquait Roy Rosenzweig dès 2006 : « Si les historiens croient que ce qu’on trouve gratuitement sur la Toile est de mauvaise qualité, alors nous avons la responsabilité de rendre de meilleures sources d’information disponibles en ligne ». Dix ans plus tard, le chercheur français enthousiaste risque toujours de se heurter à la frilosité de certains de ses collègues. Le modèle de l’encyclopédie libre bouscule les habitudes de publication des historiens qui ont rarement l’occasion de travailler au sein d’un large collectif. Les articles présents sur Wikipédia sont les fruits du travail d’anonymes, collectif de milliers d’individus, passionnés et spécialistes de sujets plus ou moins obscurs ou simples contributeurs occasionnels, tandis que le travail de recherche dans le domaine des sciences historiques est souvent éminemment solitaire13. Notons que l’écriture et la publication d’articles sur Wikipédia, sur des blogs ou tout autre support disponible sur internet nécessite du temps libre qui ne fait pas partie des missions pour lesquelles l’historien est rétribué. Ces activités sont considérées comme annexes et ne participent aucunement à la renommée scientifique et professionnelle du chercheur en sciences humaines et sociales qui se trouve actuellement dans la nécessité de publier dans un champ de l’édition dominé par le modèle de la revue payante14.

C’est pourtant l’occasion de toucher un large public et de participer à la démocratisation des connaissances à l’échelle mondiale. La question est particulièrement cruciale dans les territoires les plus démunis où l’accès aux revues payantes représente une contrainte majeure. La démocratisation des savoirs via Wikipédia, ou d’autres supports en édition électronique libre, constitue également une opportunité d’éduquer les citoyens et de contourner la censure des États qui limitent la diffusion de connaissances, en particulier dans le domaine des sciences humaines et sociales. Les humanités disponibles sur l’encyclopédie collaborative, en proposant des données sur la diversité des sociétés et des modes de gouvernance de la cité, contribuent à forger l’esprit critique du lecteur et permettent d’historiciser ce qui semble relever de l’immuable et de l’évidence. À ce titre, Wikipédia est un objet potentiellement très subversif pour tout régime politique qui chercherait à imposer une vision étroite et exclusive de la nation.

Vers un recadrage du modèle éducatif

Les nouveaux outils de communication numériques disponibles sur internet occupent aujourd’hui une place prépondérante dans la transmission d’informations plus ou moins correctes et étayées. Depuis la première élection de Barack Obama aux États-Unis, l’activisme en ligne a changé les pratiques des militants politiques américains avant d’être adopté par le reste du monde. Les réseaux sociaux permettent une mobilisation renouvelée, mais sont aujourd’hui vivement critiqués pour la pusillanimité de leurs administrateurs en ce qui concerne la propagation d’informations fausses voire calomnieuses, en particulier dans le contexte de l’élection américaine de 2016. Les intox et autres mensonges dans un but idéologique jouent leur rôle de désorientation. Le système d’écriture de Wikipédia, fondé notamment sur l’objectivité des points de vue, la volonté de consensus et la nécessité d’indiquer les sources d’informations, permet de limiter ces propagations. Des règles simples mais strictes assurent ainsi le bon fonctionnement de « l’ordre spontané » qu’est Wikipédia, encyclopédie perfectible.

En France, il semble que l’heure soit au retour en force de la volonté d’utiliser les cours d’histoire comme support à la propagation d’un roman national mythifié, ainsi qu’à l’incompréhension, y compris aux plus hautes sphères de l’État français, des mécanismes fondamentaux des sciences humaines et sociales15. Le grand public est en demande d’informations scientifiques gratuites et facilement accessibles. En témoigne le succès de Wikipédia et des chaines de vulgarisation francophones diffusées sur la plateforme de vidéos Youtube16. La formation à l’utilisation active, et non à la simple consommation, des outils numériques disponibles sur internet, constitue l’un des enjeux de l’éducation et de l’auto-défense intellectuelle de tout citoyen du XXIe siècle. Le modèle traditionnel d’enseignement vertical, où le professeur incarne l’autorité intellectuelle par excellence, est remis en question par l’accessibilité inédite et exponentielle d’un savoir sans cesse renouvelé. En témoigne la possibilité de suivre gratuitement des formations diplômantes, en e-learning, d’universités internationales prestigieuses telles que Harvard, Berkeley, le Massachusetts Institute of Technology, Oxford ou la Sorbonne17. Aujourd’hui, la fonction de l’enseignant consiste moins en une transmission de connaissances qu’en une formation à l’esprit critique, au scepticisme et à la méthode scientifique. Par la définition même de son travail, l’historien a un formidable rôle à jouer dans cette forme renouvelée d’éducation.

 

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Articles de presse

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ARRET SUR IMAGE, Complots : « Vous voulez qu’une rumeur affole ? Parlez des enfants » « Théories du genre », masturbation : comment internet nous panique (parfois), arretsurimage.net, émission du 31 janvier 2014. [EN LIGNE] http://www.arretsurimages.net/emissions/2014-01-31/Complots-Vous-voulez-qu-une-rumeur-affole-Parlez-des-enfants-id6502 [consulté le 16/12/16]

BOURGUILLEAU Antoine, Cher François Fillon, l’histoire de France ne sera jamais « incontestable » Slate.fr, 29 novembre 2016. [EN LIGNE] http://www.slate.fr/story/129824/histoire-france-pas-incontestable [consulté le 16/12/16]

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SZADKOWSKI Michaël, LELOUP Damien, Facebook, faiseur de rois de l’élection américaine ? Le monde, 14 novembre 2016. [EN LIGNE] http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/11/14/facebook-faiseur-de-rois-de-l-election-americaine_5030959_4408996.html [consulté le 16/12/16]

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TRÉCOURT Fabien, Wikipédia, projet inspiré par une philosophie ultralibérale, lyoncapitale.fr, 17 juin 2013. [EN LIGNE] http://www.lyoncapitale.fr/Journal/France-monde/Actualite/Dossiers/Wikipedia-a-la-loupe/Wikipedia-projet-inspire-par-une-philosophie-ultraliberale [consulté le 17/12/16]

 

Billets de blogs

BARDE Lionel, Du puits de science au passeur de science, enseigner avec Wikipédia, blog.wikimedia.fr 20 juin 2013. [EN LIGNE] http://blog.wikimedia.fr/du-puits-de-science-au-passeur-de-science-enseigner-avec-wikipedia-5671 [consulté le 16/12/16]

BOURRION Daniel, BOUVIER Stéphane, Alimenter Wikipédia, un retour d’expérience, lab’UA.univ-angers.fr, 2015. [EN LIGNE] http://labua.univ-angers.fr/retours-experiences-UA/alimenter-wikipedia-un-retour-dexperience [consulté le 17/12/16]

CARPE WEBEM, Wikipédia, quel outil pour l’historien ? carpewebem.fr, 10 mars 2013. [EN LIGNE] http://carpewebem.fr/wikipedia-quel-outil-pour-lhistorien/ [consulté le 16/12/16]

ERTZSCHEID Olivier, « Pourquoi je ne publie(rai) plus (jamais) dans des revues scientifiques », Affordance.info, ISSN 2260-1856. 17 mai 2016. [En ligne] http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2016/05/pourquoi-je-ne-publierai-plus-dans-des-revues-scientifiques.html [consulté le 16/12/16]

LÉAUTHIER Sylvain, Wikipédia à l’université : quand les étudiants deviennent contributeurs, blog.wikimedia.fr, 1er août 2014. [EN LIGNE] http://blog.wikimedia.fr/wikipedia-a-luniversite-quand-les-etudiants-deviennent-contributeurs-6570 [consulté le 16/12/16]

RUIZ Émilien, Que faire de Wikipédia ? Devenir historien-ne, 26 mars 2016. [EN LIGNE] http://devhist.hypotheses.org/3183 [consulté le 16/12/16]

VIS MA VIS DE JEUNE PROF, Les profs et Wikipédia : une certaine définition de l’hypocrisie, Vis ma vie de jeune prof, 27 octobre 2015. [EN LIGNE] http://vismaviedejeuneprof.over-blog.com/2015/10/les-profs-et-wikipedia [consulté le 15/12/16]


Crédits image de une : XKCD, « Wikipedian protestor » (en CC)


Notes

  1. Lors de la rédaction de ce travail, Wikipedia.org occupe la cinquième place dans le classement des 500 sites les plus visités au monde : http://www.alexa.com/topsites 
  2. Article publié pour la première fois dans le Journal of American History, Volume 93, Number 1 (June, 2006), pp. 117-46 et traduit en français par Bernard CROS, Louis CAPEDEBOSQ, Vincent MÉRY, Michel LÉVÊQUE, Anne BOUCKER et Daniel LETOUZEY
  3. Pour explorer en détail les statistiques du Wikipédia francophone (nombre d’articles, nombres d’utilisateurs, noms des contributeurs les plus dynamiques et nombres d’heures passées sur Wikipédia…), se reporter au Wikiscan 
  4. En 2006, Roy Rosenzweig écrivait ainsi que « des dizaines de sujets essentiels : les vagues anti-communistes (Red Scare), le Ku Klux Klan, La Renaissance de Harlem, le vote des femmes, la diffusion de la radio, l’émergence du syndicalisme industriel – sont ignorés par Wikipédia » 
  5. Une affirmation du type : « Priorités geek. Il y a de nombreux articles longs et bien rédigés à propos d’obscurs personnages de science-fiction/fantastique et sur des problèmes très spécialisés en informatique, physique et mathématiques. Les autres sujets sont moins abordés » formulée en 2001 dans un article du Wikipédia anglophone est aujourd’hui moins pertinente. 
  6. LAURENT Alain, Ayn Rand ou la passion de l’égoïsme rationnel, Les Belles lettres, Paris, 2011. 
  7. CARÉ Sébastien, Les libertariens aux Etats-Unis, Sociologie d’un mouvement asocial, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2010.
  8. GAUVARD Claude, SIRINELLI Jean-François, Dictionnaire de l’historien, Presses Universitaire de France, Paris, 2015. 
  9. Voici quelques références pour en savoir plus sur le métier d’historien : BLOCH Marc, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Armand Colin, Paris, 1993. CADIOU François, COULOMB Clarisse, LEMONDE Anne, SANTAMARIA Yves, Comment se fait l’histoire, pratiques et enjeux, La Découverte, 2e édition, Paris, 2011. CERTEAU Michel de, L’écriture de l’histoire, Gallimard, Paris, 1975. 
  10. Voir notamment, les initiatives présentées par Lionel Barde, Daniel Bourrion et Stéphane Bouvier, Carpe Webem, ou encore par Sylvain Léauthier 
  11. Voir les travaux du sociologue Gérald Bronner qui, pour expliquer la prépondérance des hypothèses complotistes et/ou scientifiquement fausses sur le web, indique qu’« Internet révèle des interactions informationnelles très particulières. La structuration de l’offre, notamment, est, sur certains sujets, largement plus dépendante de la motivation des offreurs que de celle des demandeurs, et surtout, de ceux qui seraient en mesure techniquement de constituer des offres concurrentielles et contradictoires. En clair, les croyants sont généralement plus motivés que les non-croyant pour défendre leur point de vue et lui consacrer du temps. […] Ceux qui seraient en mesure d’opposer des argumentaires robustes aux allégations des croyants n’ont pas beaucoup d’intérêt à le faire. […] N’importe quel astronome pourrait facilement faire la promotion de certaines des raisons qui conduisent à trouver les propositions astrologiques douteuses […] Mais la plupart du temps, ils ne se sentent pas plus qu’agacés par les allégations astrologique ; celles-ci ne représentant aucun danger pour eux, les combattre serait chronophage et sans intérêt institutionnel » : BRONNER Gérald, La démocratie des crédules, Presses Universitaires de France, Paris, 2013, p. 76-77. 
  12. COQUAZ Vincent, « Comment la bande de Soral infiltre Wikipédia », arretsurimage.net, 1er septembre 2015 et D’ANGELO Robin et MOLARD Mathieu, Le système Soral, enquête sur un facho business, édition Calmann-Lévy, Paris, 2015 – voir en particulier « Une “cellule Wikipédia” pour modifier l’encyclopédie », p. 87-90. 
  13.  Dans son article de 2006, R. Rosenzweig écrivait ainsi que « l’histoire est un art (un métier ?) éminemment individualiste. Les travaux signés d’une seule personne sont la règle dans la profession : à peine 6% des 32 000 travaux recensés par cette revue (ie : The Journal of American History ) depuis 2000 dans son guide bibliographique » Travaux récents » (« Recent scholarship ») ont été signés par plus d’une personne. Les travaux comptant trois auteurs ou plus, fréquents dans les sciences, sont encore plus rares : moins de 500 (soit moins de 2%) ». 
  14. Ce modèle est aujourd’hui vivement dénoncé par des chercheurs qui critiquent les prix des abonnements de ces revues détenues par un nombre limité d’éditeurs ainsi que la pertinence et l’intérêt réel du protocole d’évaluation qu’elles imposent. Par ailleurs, l’accès à des revues en édition électronique ouverte représente une alternative. Voir également le billet de Ertzscheid Olivier, enseignant-chercheur en Sciences de l’information et de la communication : ERTZSCHEID Olivier, « Pourquoi je ne publie(rai) plus (jamais) dans des revues scientifiques », Affordance.info, 17 mai 2016.
  15. LAHIRE Bernard, Pour la sociologie, Et pour en finir avec une prétendue culture de l’excuse, La Découverte, Paris, 2016. 
  16. Citons notamment « e-penser » (sciences physiques et naturelles), « Nota Bene » (histoire), « Temps Mort » (archéologie), « Hygiène mentale » et « La Tronche en Biais » (zététique et scepticisme)… 
  17. Les cours sont disponibles à l’adresse suivante : https://www.edx.org [consulté le 16/12/16] 

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